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Cancérologie

Publié le 16 fév 2024Lecture 11 min

Classification O-RADS en IRM des tumeurs de l’ovaire - Pourquoi ? Comment ? Quelles performances ? Quel impact ? Et quelles perspectives ?

Patrice TAOUREL, Département d’imagerie médicale Lapeyronie, CHU de Montpellier

L’Institut national du cancer (INCa) recommande d’inclure un score pronostique dans les comptes rendus d’IRM pelviennes réalisées pour caractérisation d’une masse annexielle afin de les classer selon leur potentiel de risque de malignité à partir de leurs caractéristiques morphologiques et de l’analyse de leur perfusion. La classification O-RADS IRM validée par l’American College of Radiology (ACR) répond à cet objectif et obéit à une lecture très structurée des IRM pelviennes, dans le but de n’opérer que les tumeurs à risque de malignité et de le faire par des équipes expertes.

Dans son rapport publié en novembre 2018, l’INCa recommande de réaliser une IRM pelvienne avec injection de Gadolinium pour caractériser les masses annexielles indéterminées en échographie et les masses kystiques de plus de 7 cm (pour lesquelles une petite composante solide pourrait ne pas être vue en échographie). Ce rapport recommande également d’inclure un score diagnostique (O-RADS) à tous les comptes rendus d’IRM réalisées pour caractérisation d’une masse annexielle. Dans les années qui ont suivi et en se basant sur une étude prestigieuse rétrospective multicentrique européenne incluant plus de 1 000 patients avec plus de 1 500 lésions annexielles, l’ACR (American College of Radiology) a adopté cette classification O-RADS pour la caractérisation des lésions annexielles en s’appuyant sur ce lexique reproductible et permettant de stratifier le risque de malignité d’une lésion annexielle. Cette classification O-RADS a été élaboré par une équipe française animée par le Pr Isabelle Thomassin, elle est maintenant adoptée dans le monde entier et en particulier aux EU pourtant singulièrement protectionniste en la matière, cela mérite d’être souligné. L’objectif de cet article est de répondre aux questions suivantes à propos de la classification O-RADS des tumeurs annexielles : pourquoi ? comment ? sur quels critères ? avec quel impact ? quelles faiblesses ? et quels développements à venir ?   Pourquoi ? Comme un certain de nombre de scores développé en imagerie : BIRADS pour le sein, LIRADS pour le foie, PIRADS pour la prostate, TIRADS pour la thyroïde, la classification O-RADS a le triple avantage d’uniformiser les comptes-rendus d’IRM, de proposer une évaluation du risque et donc d’orienter vers la prise en charge thérapeutique. En plus de ces scores BIRADS, TIRADS, LIRAS…, le score O-RADS a des avantages supplémentaires : permettre cette évaluation du risque de malignité, alors que la biopsie percutanée des ovaires est non recommandée du fait du risque d’essaimage, à la différence de la biopsie de lésions mammaires, hépatiques, prostatiques ou thyroïdiennes ; éviter des chirurgies inutiles, qui, dans le cadre de l’ovaire, a l’inconvénient d’augmenter un risque d’infertilité ; permettre dans les cancers de l’ovaire authentifiés, de programmer une chirurgie par une équipe experte, puisqu’un geste d’exploration voire de résection péritonéale sera nécessaire.   Comment ? Le protocole d’imagerie requis pour réaliser un score O-RADS inclut sur des séquences pondérées en T2 avec une séquence sagittale et une séquence axiale sur le pelvis, une séquence en diffusion avec une valeur de b supérieure ou égale à 1 000, une séquence axiale sans et avec saturation de graisse en T1 et des séquences dynamiques injectées réalisées dans le plan passant par la masse à caractériser, et le myomètre ainsi qu’une séquence pondérée T1 après injection de produit de contraste. Même en l’absence (non conseillée) de séquence dynamique, la classification O-RADS peut être utilisée, et dans ces cas ce n’est pas la pente de rehaussement qui sera analysée mais l’intensité du rehaussement comparée à celui du myomètre. La démarche diagnostique pour caractériser une masse annexielle en IRM repose sur cinq étapes : étape 1 : confirmer l’origine annexielle de la masse et par exemple différentier une tumeur ovarienne d’un fibrome à développement extra-utérin. Les coupes axiales et coronales pondérées en T2 avec identification de l’ovaire homolatéral sont les éléments clés du diagnostic. Pour une tumeur non annexielle, la classification ORADS ne sera pas utilisée ; étape 2 : recherche d’implants tissulaires intra-péritonéaux en T2 et en diffusion. La présence de lésions péritonéales tissulaires est très en faveur d’un cancer de l’ovaire dans le cadre d’une masse ovarienne (O-RADS 5). Néanmoins, ces lésions ne sont pas absolument spécifiques de cancer de l’ovaire, elles peuvent correspondre à une tuberculose ovarienne ou à une lésion dite borderline qui peut s’accompagner de lésions péritonéales ; étape 3 : analyse de la composante liquidienne, tissulaire, graisseuse, ou endométriosique de la masse. Un certain nombre de caractéristiques permettront de caractériser une tumeur comme bénigne (O-RADS 2) : • de la graisse en grande quantité affirme un tératome mature, • un hyper-signal franc T1 avec un shading sign affirme un kyste endométriosique, • un contenu liquidien pur sans cloison, sans composante solide, et sans paroi épaisse, rehaussée affirme un kyste simple ; étape 4 : rechercher un rehaussement interne. En l’absence de rehaussement interne, tous les kystes uniloculaires à contenu séreux ou endométriosique et sans rehaussement pariétal épais seront classé O-RADS 2. Les kystes suspects d’un contenu mucineux, liquidien ou hémorragique seront classés O-RADS 3 ; étape 5 : si un rehaussement interne est présent, différencier ce qui correspond à une portion tissulaire ou non. Une portion tissulaire sera définie par un rehaussement après injection de produit de contraste et on distingue plusieurs types de portions tissulaires : • cloisons ou parois irrégulières, • végétation endo- ou exo-kystiques (également appelée projections papillaires), • nodule mural, • ou masse à large prédominance solide. Un rehaussement interne sans portion tissulaire correspond à des cloisons régulières (épaisses ou non) ou à des plis tubaires. Étape 6 : analyser les caractéristiques en T2 et en diffusion de la portion tissulaire. En cas d’hyposignal T2 et d’hyposignal diffusion franc, il s’agit d’une masse bénigne O-RADS 2 (le plus souvent fibrome ou fibrothécome), ne nécessitant pas d’analyse des courbes de rehaussement par la séquence de perfusion. Étape 7 : analyse de la perfusion. Celle-ci doit être analysée en l’absence d’hyposignal T2 franc et d’hyposignal diffusion. Trois types de courbes peuvent être identifiées : – courbe de type 1 correspondant à un rehaussement de progression linéaire sans plateau, d’intensité inférieure à celui du myomètre. Une courbe de type 1 fait classer la lésion en O-RADS 3 ; – courbe de type 2 avec une courbe de rehaussement ascendante avec un plateau restant toujours inférieur au rehaussement du myomètre faisant classer la tumeur O-RADS 4 ; – courbe de type 3, courbe de rehaussement avec présence d’un pré-décalage par rapport à la courbe de rehaussement du myomètre, une augmentation importante du rehaussement et un plateau faisant classer la tumeur O-RADS 5. NB : en l’absence de courbe de perfusion : une tumeur dont le rehaussement est inférieur à celui du myomètre sera classée O-RADS 4, supérieur ou égal à celui du myomètre O-RADS 5.   Quels critères ? Score 1 : annexe normale : pas de lésion ovarienne ou tubaire ; chez les femmes non ménopausées :follicule ≤ 3 cm, kyste hémorragique ≤ 3 cm, corps jaune ≤ 3 cm. Score 2 : annexe très certainement bénigne : kyste uniloculaire, quel que soit le type de liquide, sans rehaussement pariétal et sans portion tissulaire ; kyste uniloculaire de contenu liquidien pur ou endométriosique, avec rehaussement pariétal fin et régulier et sans portion tissulaire ; contenu graisseux sans portion tissulaire ; portion tissulaire en hyposignal sur les séquences pondérées en T2 et sur les séquences en diffusion ; hydrosalpinx simple à parois fines (± rehaussées) et sans contenu tissulaire ; kyste para-ovarien à parois fines (± rehaussées) et sans contenu tissulaire. Score 3 : risque faible : kyste uniloculaire à contenu non liquidien pur et non endométriosique (donc protéique, hémorragique ou mucineux avec paroi fine rehaussée et sans portion tissulaire ; kyste multiloculaire sans contenu graisseux et sans contenu tissulaire ; lésion avec portion tissulaire qui n’est pas strictement en hyposignal T2/diffusion et rehaussement modéré et progressif ; trompe dilaté ne correspondant pas à un hydrosalpinx et sans portion tissulaire. Score 4 : risque intermédiaire (de 5 % à 90 %) : lésion avec portion tissulaire qui n’est pas strictement en hyposignal T2/diffusion et rehaussement de type intermédiaire (sans prédécalage et avec un plateau ou bien avec un rehaussement d’intensité ≤ celui de myomètre si pas de courbe possible). Score 5 : risque élevé (> 90 %) : lésion avec portion tissulaire qui n’est pas strictement en hyposignal T2/diffusion et rehaussement suspect de type 3 ( pré-décalage et avec un plateau ou bien avec un rehaussement d’intensité >à celui de myomètre si pas de courbe possible ; et/ou présence d’implants péritonéaux : épaississement irrégulier du péritoine, nodules péritonéaux, mésentériques ou omentales (avec ou sans ascite). La seule présence d’une ascite ne fait pas caractériser une masse annexielle comme O-RADS 5.   Quelles performances ? Les performances de la classification O-RADS pour caractériser une masse annexielle sont excellentes avec dans la littérature une surface sous la courbe variant entre 0,90 et 0,98 et des sensibilités et spécificités toujours supérieures à 0,90.   Quel impact ? Les masses annexielles classées O-RADS 1 ou 2 ne nécessitent pas de suivi particulier. Une chirurgie peut néanmoins être réalisée dans le cadre d’un tératome volumineux à risque de torsion ou d’en endométriome dans le cadre d’une chirurgie d’endométriome. Les masses annexielles classées O-RADS 3 nécessitent un suivi particulier. Les masses annexielles classées O-RADS 4 nécessitent de façon particulière une analyse subjective en plus de l’analyse objective que constitue la classification O-RADS car ces masses ont une valeur prédictive de malignité très variable allant de 5 à 90 %. Une prise en charge chirurgicale sera en règle nécessaire. Les masses annexielles classées O-RADS 5 nécessitent une prise en charge chirurgicale dans un centre de référence avec une indication de cytoréduction d’emblée. Si ces recommandations semblent assez claires, l’impact de la classification O-RADS en termes d’amélioration de la prise en charge thérapeutique n’a jamais été évaluée de façon prospective et comparative.   Quels manques et quelles perspectives ? Malgré les excellentes performances de l’IRM pour caractériser une tumeur de l’ovarienne, les deux principales difficultés sont l’appréciation de l’origine annexielle de la masse et l’identification d’une portion tissulaire avec des faux positifs, en rapport avec des plis tubaires, un nodule de Rokitanski, du parenchyme ovarien comprimé, une cloison épaisse mais régulière, des caillots ou des débris intrakystiques. Si la stratégie est claire pour le O-RADS 3 qui nécessite un suivi ou dans de rares cas et les O-RADS 4 et5 qui nécessite une chirurgie, le terme « très certainement bénin » qualifiant les O-RADS 2 peut être source d’interrogations et une importante partie de cette catégorie devrai ne nécessiter aucun suivi. Un certain nombre de développements pourrait être attendue ou au moins l’interprétation doit tenir compte de critères absent dans la classification O-RADS : la prise en compte de l’âge (par exemple une tumeur ovarienne chez une femme très jeune oriente vers une tumeur germinale) ; la prise en compte de critères cliniques : virilisation (tumeur de Sertli-Leydig), ou des signes cliniques et d’imagerie d’hyperoestrogénie (thécome, tumeur de la granulosa) ; l’intégration de la diffusion dans l’analyse de la composante liquidienne pour différencier liquide séreux, mucineux, endométriosique, colloide, hématique, infecté ; l’analyse dans une composante tissulaire de son type. Par exemple des végétations ou un nodule mural n’ont pas la même signification. Des végétations peuvent être présentes dans une tumeur bénigne, une tumeur border line ou une tumeur maligne ; l’expérience du radiologue qui sait qu’une tumeur kystique avec des végétations exophytiques sont caractéristiques d’un cystadénome séreux borderline.   Comment raisonner : un exemple pratique Patiente de 61 ans connue comme porteuse de kystes péritonéaux ayant augmenté de taille sur différentes imageries réalisées dans le cadre de la surveillance d’un myélome. Cette patiente a d’autre part des spots métrorragiques. Une IRM est réalisée pour caractérisation. Nous allons raisonner avec deux coupes pondérées en T2 (figures 1 et 2), deux coupes après injection (figures 3 et 4), et 1 coupe en diffusion (figure 5). L’analyse de la perfusion (non montrée) montre une courbe de type 2 et vous avez d’autre part une coupe passant par le corps de l’utérus (figure 6). Étape 1 : il existe une tumeur bilatérale ovarienne et une tumeur isthmique myométriale en rapport avec un fibrome (tête de flèche) ne devant pas être caractérisée par la classification O-RADS. Étape 2 : il n’existait pas d’anomalie en imagerie sur le péritoine. Figure 1. Coupe passant par la tumeur ovarienne droite, séquence pondérée en T2. Figure 2. Coupe passant par la tumeur de l’ovaire gauche et par le fibrome utérin, séquence pondérée en T2.   Étape 3 : il n’existe pas de critères permettant de caractériser la tumeur comme bénigne : elle n’est ni à contenu graisseux, ni endométriosique, ni kystique uniloculaire. Étape 4 : il existe des rehaussements internes sur la tumeur kystique droite comme gauche. Figure 3. Coupe passant par la tumeur ovarienne droite, séquence T1 post-injection Fat Sat. Figure 4. Coupe passant par la tumeur de l’ovaire gauche et le fibrome utérin (tête de flèche), séquence pondérée en T1 post-injection.     Étape 5 : à droite un rehaussement interne correspond à une portion tissulaire et cette portion tissulaire à un nodule mural centimétrique (flèche) ; à droite les autres rehaussements internes correspondent à des cloisons régulières (non définies comme une portion tissulaire). Étape 6 : le nodule mural n’a pas les critères de bénignité : il est en signal intermédiaire en T2 et en hypersignal en diffusion (flèche). Étape 7 : la courbe de perfusion est de type 2. Figure 5. Coupe sur la séquence en diffusion sur le nodule mural. Figure 6. Coupe pondérée en T2 sur le corps de l’utérus.   Conclusion : la tumeur ovarienne droite est classée O-RADS 4 : cystadénome borderline ou cystadénocarcinome, la tumeur ovarienne gauche est classée O-RADS 3 : cystadénome bénin. Une chirurgie en milieu expert avec staging et prélèvements péritonéaux est donc recommandée sur ces tumeurs dont la droite est suspectée de cystadénome borderline (nodule mural non typiquement bénin avec rehaussement de type 2. Prise en compte d’autres critères cliniques et d’imagerie : sur la clinique des spots hémorragiques ; sur la coupe passant par l’utérus : un épaississement de l’endomètre et une adénomyose. Diagnostic anatomo-pathologique : cystadénome séreux bénin bilatéral, le nodule mural correspondait à une tumeur de la granulosa expliquant les signes d’hyperestrogénie clinique et en imagerie.  

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