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Profession

Publié le 10 juin 2022Lecture 7 min

La simulation en médecine - De la base à la bonne utilisation de cet outil pédagogique innovant

Joris GALLAND, Service de médecine interne, hôpital Lariboisière, Paris

La simulation est un outil qui est venu renforcer l’apprentissage des compétences à la faculté. elle a pour objectif d’encadrer l’apprenant, dans un environnement contrôlé, et de sécuriser l’apprentissage. Utilisée depuis une dizaine d’année dans l’Hexagone, la simulation a-t-elle bouleversé l'apprentissage de la médecine en France ?

Depuis quelques années, les études de médecine font peau neuve avec l’arrivée des nouvelles technologies à la faculté. L’informatisation des examens classants nationaux, l’e-learning ou les serious games, les innovations technologiques sont nombreuses et ont pour objectif d’améliorer l’apprentissage de la médecine. Ce dernier se scinde en 2 catégories : les connaissances et les compétences. Les connaissances sont le reflet des savoirs théoriques qu’un étudiant acquiert en cours magistral ou dans un livre. Les compétences se définissent par un « savoir-faire » ou un « savoir- être » que les livres de médecine ne peuvent enseigner. Ces compétences s’acquièrent « au lit du malade ». Leur validation peut être vécue comme un traumatisme par l’apprenant ou par le patient, notamment lors des « 1res fois » : annonce de maladie grave, réalisation d’un geste technique, procédures de réanimation, etc. Initialement développée dans les domaines de l’aéronautique et de l’industrie nucléaire, la simulation avait pour objectif d’améliorer la sécurité de la population. Les premières expériences de simulation en santé datent des années 1960 aux États-Unis et au Canada, pays considérés comme « pionniers ». Depuis des décennies, la simulation fait partie intégrante du cursus médical américain dans la formation des étudiants. Elle est également utilisée pour l’accréditation et la formation continue des professionnels de santé. La popularité de la simulation s’est étendue en Europe à partir des années 2000 en s’inspirant du modèle américain. Une quarantaine de centres de simulation existent en France, pour la plupart dépendant des facultés de médecine. La médiatisation de la simulation a commencé en 2015 après l’affaire des « touchers vaginaux (TV) » à l’hôpital Lyon-Sud. Metronews affirmait que des étudiants en médecine s’entraînaient à réaliser des TV sur des patientes endormies au bloc et non consentantes. Alors que certaines associations de patients se sont offusquées, certaines facultés de médecine se sont défendues et ont profité de la situation pour mettre en avant leur expérience en simulation. Cette médiatisation a accru la popularité de la simulation auprès des étudiants et des patients. L’engouement a fait naître certaines espérances populaires, à tel point que la Haute Autorité de santé (HAS) a encouragé son développement. De nombreuses disciplines médicales et chirurgicales utilisent en routine la simulation pour la formation initiale des jeunes médecins. Qu’est-ce que la simulation ? La HAS définit la simulation en santé comme « l’utilisation d’un matériel, de la réalité virtuelle ou d’un patient standardisé pour reproduire des situations ou des environnements de soin, dans le but d’enseigner des procédures diagnostiques et thérapeutiques et de répéter des processus, des concepts médicaux ou des prises de décision ». Il existe 4 techniques de simulation : patient, procédurale, électronique, immersive (figure 1). Figure 1. Les 4 différents types de simulation (Chiniara et coll.). La simulation patient inclut les jeux de rôles et les patients standardisés. Ces derniers sont des acteurs ou des patients volontaires, qui jouent un scénario avec une anamnèse, des signes cliniques et une réaction émotionnelle prédéfinis. Les jeux de rôle correspondent à une simulation verbale prenant appui sur le vécu personnel et professionnel de chacun. La simulation procédurale inclut les simulateurs patients et les simulateurs de gestes. Les simulateurs patients sont des mannequins grandeur réelle, pilotés à distance pour reproduire les signes cliniques d’un scénario prédéfini proche de la réalité. Ils peuvent simuler la parole, la respiration, des signes sémiologiques... Ils sont de haute (HF) ou de basse fidélité selon leurs fonctionnalités. Le prix d’un simulateur HF peut atteindre 120 000 €. Les simulateurs de geste reproduisent une partie du corps pour l’apprentissage d’un geste comme la ponction lombaire, l’intubation, le TV, etc. La simulation électronique inclut la réalité virtuelle, la réalité augmentée, et les serious games. Les serious games correspondent à des jeux vidéo à visée pédagogique (scénario de consultation, d’urgence, etc.). La réalité augmentée désigne les systèmes qui superposent en temps réel un modèle virtuel à la réalité. Elle permet de réaliser en toute sécurité des gestes d’endoscopie ou des opérations chirurgicales. La simulation immersive plonge les apprenants dans un scénario simulé mais dans un environnement réel. Un mélange de deux ou plusieurs techniques de simulation donne une simulation « hybride » : par exemple un accouchement avec un bassin de simulation « en bas », mais avec une actrice réelle « en haut ». Les séances de simulation ont lieu dans un centre de simulation ou autre (par exemple, une salle de cours pour un jeu de rôle), et en petit groupe (moins de 10 apprenants encadrés par 1 à 2 moniteurs). La séance se déroule en trois phases : le briefing qui permet de décrire le cadre, les objectifs et le matériel ; le scénario simulé ; le débriefing qui est le temps le plus important (et le plus long) sur le plan pédagogique. Le débriefing permet l’auto-analyse en groupe du raisonnement clinique et des actions, puis la synthèse. L’objectif est de déclencher une démarche réflexive science de ses erreurs, l’apprenant pourra « déconstruire » son raisonnement erroné pour « reconstruire » un schéma mental adapté. Quel que soit le type de simulateur, l’essentiel de l’apprentissage se fera lors de cette phase (Galland et coll.). Néanmoins, la phase de débriefing n’est pas propre à la simulation et peut être utilisée après une situation réelle. On parle alors de « débriefing post-évènements » (DPE). Aux urgences, après une situation « de crise », les DPE sont bien connus sous le terme de RETEX (RETour d’EXpérience). Après une situation réelle ou simulée, le débriefing doit se dérouler à chaud, sans attendre. Il est important de s’interroger sur la pertinence pédagogique de la simulation. S’agit-il d’un phénomène de mode ou d’une véritable révolution en pédagogie ? Quand utiliser la simulation dans l’enseignement ? L’utilisation de la simulation est pertinente lorsqu’elle a un intérêt éthique, didactique et apporte une valeur ajoutée à l’enseignement. Intérêt éthique L’adage « jamais la première fois sur le patient » est devenu célèbre en simulation. L’objectif est de diminuer l’anxiété des étudiants confrontés à ces « premières fois » et d’apaiser les patients qui ne se sentent pas « cobayes ». La littérature rapporte une amélioration de la qualité des soins grâce à la simulation, mais sous certaines conditions. Plusieurs études montrent une baisse de l’anxiété des jeunes médecins formés sur simulateur lors de leurs premiers gestes techniques sur patient réel. Mais les simulateurs ne sont pas la réponse à tout, car ils ne permettent pas de reproduire certains facteurs humains (angoisse du patient, mouvements involontaires) ou environnementaux (ambiance du service). Les simulateurs de palpation mammaire en sont le bon exemple. Ils diminuent la peur des étudiants de méconnaître une lésion, mais le stress lié à la nudité persiste après simulation. Il y aura bien « une première fois sur le patient », et le simulateur ne permet pas de supprimer ces aspects émotionnels et humains. Les vendeurs de mannequins mettent en avant la haute-fidélité (HF) des mannequins. En réalité, il existe 2 types de HF : la HF psychologique, facteur essentiel pour l’immersion de l’apprenant dans le scénario simulé, et la haute-fidélité d’ingénierie (dépendant du niveau technologique et du coût du mannequin). Des études ont montré un taux de réussite accru d’un geste sur patient réel après apprentissage sur simulateur versus formation théorique. Mais les publications comparant HF versus basse-fidélité ne montrent pas de différence significative sur les performances. La HF d’ingénierie n’est pas un élément indispensable à l’apprentissage en profondeur. Intérêt didactique La simulation permet de confronter l’apprenant à des situations peu accessibles en pratique, parce qu’elles sont rares, coûteuses ou complexes à mettre en œuvre. Néanmoins, il ne faut pas négliger le double coût des séances de simulation : humain et financier. S’il est aisé de faire un cours magistral à des centaines d’étudiants en 1 heure, la simulation nécessite l’investissement d’un nombre important de médecins et d’un temps considérable : une séance de simulation sur mannequin mobilise au moins 2 formateurs sur une demi-journée, pour un enseignement comportant une dizaine d’apprenants. De plus, selon la HAS, les formateurs doivent bénéficier d’une compétence validée par l’obtention de diplômes universitaires spécifiques. Financièrement, la maintenance d’un centre de simulation coûte plusieurs milliers d’euros par an en fonction des équipements. Pourtant, certains types de simulation, comme la simulation humaine, peuvent se détacher d’un centre de simulation et faire diminuer les coûts. Avant la mise en place d’un programme de simulation, il faut fixer les objectifs de l’enseignement et choisir la simulation la plus approprié... qui n’est pas forcément la plus coûteuse. Une valeur ajoutée pédagogique La littérature est contradictoire et le bénéfice réel de la simulation pour le patient n’est pas encore prouvé. Afin de rendre la simulation la plus pertinente sur le plan pédagogique, McGaghie et coll. soumettent des conditions indispensables : fournir un débriefing, définir des objectifs de séance clairs et accessibles, intégrer la simulation dans le cursus médical.

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