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Contraception

Publié le 11 jan 2015Lecture 8 min

Diminuer la fréquence des règles : pourquoi ?

P. THIS, Institut Curie, Paris
Il est possible aujourd’hui de prescrire une contraception estroprogestaive de manière à réduire la fréquence des règles. Aux États-Unis, certaines préparations ont été approuvées à cet effet. Sur les forums internet, les femmes évoquent cette pratique. Nos patientes rapportent parfois avoir enchaîné plusieurs plaquettes de pilules pour éviter d’avoir des règles lors d’une occasion particulière.
L’utilisation de la contraception estroprogestative avec des régimes étendus ou continus permet effectivement de réduire la fréquence des hémorragies de privation programmées, mais au prix d’une augmentation de la fréquence des saignements non programmés et des spottings, avec cependant une amélioration au fil du temps. Ces régimes peuvent réduire certains symptômes menstruels ou prémenstruels gênants. Ils constituent une solution intéressante chez certaines femmes, à condition de les informer loyalement de leurs avantages, inconvénients et incertitudes.   Pourquoi vouloir réduire la fréquence des règles ou les supprimer ? Les partisans de la contraception « sans règles » énumèrent de nombreuses raisons (tableau): – le confort de la patiente (éviter les contraintes des règles dans certaines professions ou activités sociales ou sportives) ; – des raisons médicales : contrôler soit des symptômes liés aux règles (dysménorrhée primaire ou secondaire, ménorragies), soit des symptômes associés aux fluctuations hormonales précédant ou accompagnant les règles (syndromes prémenstruels invalidants, migraines cataméniales), soit encore éviter l’aggravation menstruelle de certaines pathologies (épilepsie cataméniale) ; – l’amélioration de l’observance et la diminution des risques d’oubli lors de la reprise de pilule et de grossesses non désirées (de fait, l’oubli de pilule semble être la principale cause des grossesses survenant sous contraception orale) ; – des raisons économiques : réduction des coûts (antalgiques, protections périodiques) et de l’absentéisme féminin.     Quelle est la demande des patientes ? L’attitude des patientes vis-à-vis de la suppression des règles a évolué au fil du temps et dépend des échantillons étudiés (âge des femmes, origine ethnique, symptômes éventuels, spécialité des professionnels de santé). Dans les études réalisées vers la fin des années 1970, les femmes étaient majoritairement défavorables à une contraception induisant une aménorrhée. Avoir des menstruations tous les mois était perçu comme un phénomène normal et un symbole de fertilité. À l’opposé, une aménorrhée sous pilule était considérée comme un signe d’insuffisance ovarienne et le prémice de la ménopause. Ces perceptions et préférences ont évolué avec le temps. Plusieurs études retrouvent qu’actuellement une proportion non négligeable de femmes souhaiterait réduire la fréquence des règles. Ainsi, dans une étude néerlandaise, des femmes dans trois tranches d’âges (15-19 ans, 25-34 ans et 45-49 ans) ont été interrogées. Respectivement, 34, 23 et 10 % d’entre elles auraient souhaité avoir des règles seulement tous les 3 mois et 26, 31 et 50 % une aménorrhée. Le souhait d’être en aménorrhée augmentait avec l’âge. Toutefois, 26 à 33 % des femmes souhaitaient garder une fréquence mensuelle des règles sous contraception, ce qui illustre bien la diversité des préférences des patientes.   Contraceptions étendues et continues   De quoi s’agit-il ? Un certain nombre de préparations ont fait ou font actuellement l’objet d’études cliniques et/ou d’autorisation de mise sur le marché (AMM), notamment aux États-Unis.  On appelle « contraception étendue » tous les schémas autres que le schéma 21/7. Pour diminuer la fréquence ou l’abondance des hémorragies de privation, on peut réduire le nombre de jours de placebo : ainsi, les pilules comportant 24 ou 26 comprimés actifs et 4 à 2 comprimés placebo font théoriquement partie des contraceptions étendues, bien qu’elles ne suppriment pas totalement les hémorragies de privation. Ces régimes ont l’intérêt de réduire les troubles fonctionnels, comme les céphalées survenant pendant l’intervalle sans traitement actif, et de réduire l’abondance des menstruations. Une deuxième possibilité consiste à diminuer le nombre de semaines d’arrêt, par exemple au lieu de 1 semaine d’arrêt sur 4 semaines, on peut proposer 1 semaine d’arrêt sur 7 semaines ou 1 semaine sur 13.  La contraception continue correspond à la prise en continu d’une contraception orale estroprogestative avec suppression complète des périodes d’arrêt (cycle de 365 jours).   Quels effets sur le cycle ? De nombreuses formules ont été testées et comparées à des contraceptions classiques 21/7. Une revue Cochrane actualisée en 2010 a retenu 8 essais randomisés de bon niveau de preuve. Les régimes étudiés différaient à la fois par les formules estroprogestatives testées, la longueur des cycles étendus (entre 49 et 365 jours) et le nombre de cycles étudiés. Globalement, lorsque l’on compare les régimes étendus versus classiques, il n’y a pas de différence majeure en termes de taux de grossesses, de sécurité et d’observance. Soulignons toutefois qu’aucune de ces études n’avait la puissance nécessaire pour évaluer l’efficacité contraceptive ou la survenue d’événements indésirables rares. Dans l’ensemble, avec les contraceptions étendues, on observe, comme l’on pouvait s’y attendre, moins de journées de saignements programmés, mais il existe plus de journées de saignements imprévus ou de spottings. La fréquence de ces saignements non programmés semble diminuer au fil du temps. Certains auteurs conseillent aux patientes, pour juguler des saignements persistants, d’arrêter leur pilule pendant 3 ou 4 jours (régimes étendus dits « flexibles »), puis de la reprendre selon le cours habituel. La tolérance aux saignements pourrait dépendre de l’attente des patientes : un régime étendu accompagné de saignements imprévus sera peut-être mieux accepté s’il permet, par ailleurs, de juguler des symptômes gênants. Dans tous les cas, il est essentiel d’évaluer cette demande et d’informer clairement la patiente, au départ, des risques éventuels de spottings.   Quels effets hormonaux ? Sous contraception estroprogestative, dans les régimes classiques 21/7, l’intervalle libre sans hormones est suivi d’une augmentation de la FSH dès J3 ou J4, puis d’un recrutement folliculaire et d’une production d’estrogènes endogènes, qui diminue lors de la reprise des comprimés actifs pour atteindre son nadir lors de la 3e semaine de pilule. Ce sont ces variations hormonales endogènes qui seraient à l’origine de certains symptômes gênants sous pilule, notamment des syndromes prémenstruels et des migraines cataméniales. Plusieurs études ont montré qu’avec des régimes étendus ou continus, il existe une diminution de ces fluctuations hormonales endogènes. Avec un régime continu, les patientes ont des ovaires de plus petit volume et de plus petits follicules qu’avec un régime classique et les biopsies d’endomètre montrent un aspect atrophique faisant évoquer un meilleur blocage ovarien. De fait, certaines publications ont retrouvé une efficacité de la contraception étendue dans la réduction de la dysménorrhée de l’endométriose, du syndrome prémenstruel et des migraines cataméniales. Soulignons enfin que, pour une préparation donnée, un régime étendu ou continu apportera nécessairement plus d’hormones que la même formulation en régime classique. Par exemple, la préparation Seasonale® (lévonorgestrel 150 µg/éthinylestradiol 30 µg) sur 4 cycles de 91 jours apporte 23 % d’hormones en plus que la même formule en utilisation cyclique sur 13 cycles de 28 jours (Minidril®), soit 63 jours de comprimés actifs de plus par an. Si les données disponibles sont rassurantes, elles ne permettent pas de préjuger de l’effet d’une contraception étendue ou continue aux niveaux tissulaire et cellulaire. Nous ne disposons pas de données sur l’absence d’effet carcinogénique de ces régimes au long cours, ni sur leur tolérance métabolique et vasculaire.   En pratique La contraception étendue ou continue doit rester une option parmi d’autres ; en effet, les études disponibles montrent qu’une proportion non négligeable de femmes souhaite garder des règles. Comme pour une formulation donnée, un régime étendu apporte davantage d’hormones de synthèse au cours d’une année que la même formulation en régime classique, il est essentiel que des études épidémiologiques évaluent la sécurité de ces régimes, notamment en cas d’utilisation prolongée, sur les plans métabolique, vasculaire et carcinologique. Pour toutes les raisons qui précèdent, le choix d’une contraception étendue devrait faire l’objet d’une vraie discussion médecin/patiente et d’un processus décisionnel informé.

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