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Publié le 17 mar 2011Lecture 9 min

L’accouchement des jumeaux

É. VERSPYCK, CHU Charles Nicolle, Rouen

En France, la moitié des grossesses gémellaires se termine par un accouchement par les voies naturelles et dans 15 % des cas une césarienne a eu lieu en cours de travail(1). Selon les résultats de cette enquête périnatale française réalisée en 2003, l’intention de voie basse représente près de 65 % de l’ensemble des grossesses gémellaires. À partir de ce constat, il nous a paru beaucoup plus intéressant de discuter des conditions optimales de l’accouchement des jumeaux en France. Nous avons, pour cela, raisonné autour de trois grands axes de réflexion qui concernent le lieu, le terme et les conditions pratiques de la voie d’accouchement. 

 
Nous avons souhaité ne pas débattre sur la voie d’accouchement pour savoir s’il fallait plutôt prôner la césarienne programmée ou l’intention de voie basse en cas de grossesse gémellaire. Les dernières RPC de 2008 sur les jumeaux n’ont d’ailleurs pas répondu à cette question en laissant à chacun le libre choix de la voie d’accouchement, en ayant au préalable discuté avec la patiente des avantages et des inconvénients pour les deux voies d’accouchement.   Soins prévisibles pour les nouveau-nés Le principal risque néonatal attendu pour les grossesses gémellaires est la prématurité. Si l’on reprend les données de l’enquête périnatale française de 2003, près de la moitié des grossesses gémellaires se terminent par un accouchement prématuré(1). La grande prématurité définie par un terme de naissance de moins de 32 SA survient dans 5,4 % des cas, soit un risque relatif 7 fois supérieur comparativement aux grossesses uniques. De la même manière, la prématurité modérée définie par un terme de naissance compris entre 32 et 36 SA survient dans 39 % des cas, soit un risque relatif 9 fois supérieur à celui des grossesses uniques. Cette enquête a également montré que le lieu d’accouchement est, dans 26 % des cas, une maternité de niveau I et, dans 30 % des cas, une maternité de niveau III sans que l’on sache pour autant les conditions précises de l’accouchement (terme, transfert, voie d’accouchement…). Cependant, cette même enquête a retrouvé un taux très élevé de mutation pour les jumeaux. Il était rapporté la notion d’un transfert dans un autre service dans 40 % des cas et, surtout, un transfert dans un autre établissement dans près de 20 % des cas. Cela revient à dire qu’une patiente sur cinq n’avait, a posteriori, pas accouché dans une structure adaptée aux soins de ses jumeaux en 2003. De fait, il peut être utile de vouloir sélectionner au mieux les patientes à risque de grande prématurité afin de les diriger précocement vers une structure plus adaptée à la prise en charge ultérieure de leurs jumeaux. Les différentes études publiées montrent que, parmi tous les indicateurs étudiés, l’échographie du col est la plus performante pour prédire un accouchement très prématuré. Cette échographie peut, dès le terme de 22 SA, prédire une grande prématurité de moins de 32 SA lorsque le col mesuré est court, c’est-à-dire de moins de 25 mm. Un col court à 22 SA permet de sélectionner 67 % des futures naissances avant 32 SA (sensibilité), avec une probabilité de 38 % (valeur prédictive positive).   Soins prévisibles pour la mère La grossesse gémellaire représente pour la mère un excès de morbi-mortalité. Il est en effet rapporté une augmentation du risque de mortalité maternelle multiplié par 3 comparativement aux grossesses uniques. De même, il est rapporté un excès d’hospitalisation en unité des soins intensifs en cas de gémellité avec un risque multiplié par 2,3 comparativement aux grossesses uniques. Cet excès de morbi-mortalité est en grande partie lié à l’hémorragie du postpartum. Une large étude prospective récente portant sur 15 000 accouchements survenus par voie basse a identifié les différents facteurs de risque associés à l’hémorragie sévère du postpartum définie par des pertes sanguines > 1 litre (2). La grossesse gémellaire représente le deuxième facteur de risque principal d’hémorragie sévère du post-partum avec un risque multiplié par 4,3 comparativement aux grossesses uniques. Il a été également rapporté dans cette étude un excès d’hémorragie sévère du post-partum, multiplié par 2 lorsque le travail était déclenché comparativement à un travail spontané. L’enquête périnatale française en 2003 a montré que les grossesses gémellaires étaient plus fréquemment déclenchées (25 % de l’ensemble des cas) comparativement aux grossesses uniques.   Soins prévisibles lors de l’accouchement L’ensemble des données publiées concernant la voie d’accouchement des jumeaux ne rapporte pas de différence de morbimortalité périnatale pour les deux jumeaux à la suite d’une naissance par césarienne programmée ou en intention de voie basse. En revanche, la littérature récente rapporte un excès de mortalité et de morbidité par asphyxie pour le deuxième jumeau comparativement au premier. La plupart de ces études sont issues de la littérature américaine et anglosaxonne à partir de registres nationaux et publiées par les mêmes équipes d’épidémiologistes. Ces études nous apportent de nombreuses réponses sur les pratiques de l’accouchement outre-Atlantique et sur les facteurs de risque d’asphyxie du deuxième jumeau. D’une part, l’intention de voie basse comparativement à la césarienne programmée représente un surrisque de mortalité par asphyxie pour le deuxième jumeau et ce, quel que soit le terme de naissance. Cependant, cet excès de mortalité est beaucoup plus élevé lorsque le terme de la grossesse est > 37 SA (risque x 3) comparativement à une naissance prématurée de moins de 34 SA (risque x 1,3 seulement). D’autre part, cet excès de mortalité par asphyxie à terme est étroitement lié à la voie d’accouchement du deuxième jumeau. En effet, il n’est pas retrouvé d’excès de mortalité lorsque le deuxième jumeau naît par voie basse, alors qu’il est retrouvé une augmentation de celle-ci lorsque l’accouchement du deuxième jumeau se fait par césarienne (risque x 13). La pratique de la césarienne sur le deuxième jumeau est particulièrement fréquente (9,4 %) dans cette étude, avec des chiffres record lorsque le deuxième jumeau est en siège ou transverse (jusqu’à 25 % de césarienne sur le deuxième jumeau). Cela est en grande partie lié au fait que les manoeuvres obstétricales pour siège et transverse sur J2 (grande extraction et version par manoeuvre interne) ne sont plus enseignées depuis plus de 20 ans aux États-Unis. Parallèlement, les manoeuvres sur siège ne sont plus de pratique courante en raison du recours à la césarienne programmée pour cette présentation en cas de grossesse unique. Il existe par ailleurs d’autres facteurs associés à la césarienne et à l’asphyxie du deuxième jumeau. Une étude a montré, en cas de présentation céphalique du deuxième jumeau, un excès de césarienne en cas d’anomalies du RCF, de procidence du cordon et de non-engagement. Une discordance de poids > 20 % entre les deux jumeaux en faveur du deuxième jumeau représente un facteur de risque de césarienne et d’asphyxie pour le deuxième jumeau. Enfin, un intervalle de temps de plus de 15 minutes entre la naissance de J1 et celle de J2 représente également un facteur de risque de césarienne et d’asphyxie pour le deuxième jumeau. L’ensemble de ces données plaide pour une prise active de la naissance du deuxième jumeau pour réduire l’intervalle de naissance et le taux de césariennes en urgence. La prise en charge active du deuxième jumeau consiste à pratiquer sans délai une grande extraction de siège à poche des eaux intactes lorsque la présentation du deuxième jumeau est en siège ou en transverse. Elle consiste également à favoriser la pratique de la version par manoeuvre interne suivie de grande extraction de siège à poche des eaux intactes lorsque la présentation du deuxième jumeau est en céphalique haute située largement au-dessus du détroit supérieur. Une étude française a montré que cette prise en charge active du deuxième jumeau est associée à un intervalle de naissance < 5 min en moyenne et à un taux faible de césariennes de 0,6 %. Cette étude n’a rapporté aucun décès périnatal, ni retrouvé d’excès de morbidité par asphyxie pour le deuxième jumeau (3).   Les prérequis pour l’intention de voie basse Ils sont liés aux facteurs de risque de césarienne en cours de travail, aux éventuelles difficultés rencontrées lors de l’accouchement du deuxième jumeau et au risque hémorragique pour la mère. Un contexte obstétrical sain est en faveur de la voie basse (patiente multipare, utérus non cicatriciel, travail spontané, grossesse non pathologique par exemple). La possibilité de recourir à des manoeuvres sur le deuxième jumeau incite à ne pas accepter la voie basse s’il existe une discordance de poids > 20 % en faveur du deuxième jumeau et en cas de bassin pathologique, jugé cliniquement ou à la radiopelvimétrie. Il faut, pour cette même raison, favoriser la pose d’une analgésie péridurale lors de l’intention de voie basse. Il faut privilégier un travail spontané pour limiter le recours au déclenchement qui favorise l’hémorragie du post-partum.     En conclusion L’ensemble des données issues de la littérature et listées cidessus recommande la disponibilité immédiate et permanente d’une équipe pluridisciplinaire pour l’accouchement des jumeaux, à savoir la présence d’un anesthésiste, d’un obstétricien et d’une équipe de pédiatres. Cette disponibilité est requise quels que soient la voie d’accouchement et le terme de naissance. Il est également indispensable de pouvoir accéder rapidement à des produits sanguins labiles. Ces différents points font partie des recommandations récemment émises par le CNGOF en 2009 (4).  

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