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Publié le 04 jan 2012Lecture 10 min

Vaginose bactérienne et pathologie obstétricale

J.-P. MENARD, Hôpital Nord, Marseille
La vaginose bactérienne (VB) est un déséquilibre de la flore vaginale. Il existe une association statistique entre la présence d’une VB en début de grossesse et la survenue de complications obstétricales dont notamment l’accouchement prématuré. Si le dépistage et le traitement de la VB asymptomatique chez les patientes à bas risque ne sont pas recommandés, la prise en charge des patientes à haut risque de prématurité est controversée. L’utilisation des techniques de biologie moléculaire, par une approche objective et rationnelle du déséquilibre de la flore vaginale, permettrait de réévaluer le lien entre VB et complications obstétricales.
La cavité vaginale est colonisée à l’état normal par des lactobacilles (figure 1). La disparition des lactobacilles au profit de bactéries jusque-là minoritaires et de bactéries anaérobies conduit à la VB (figure 2, illustration). La VB est une pathologie fréquente qui serait même la première cause de vaginite, avant les infections vaginales à Candida spp. Si l’écoulement vaginal et l’odeur sont les symptômes les plus fréquemment associés au diagnostic de VB, la majorité des femmes ayant une VB ne présente pas de symptôme. Diagnostic de vaginose bactérienne Il existe actuellement deux méthodes de référence. Diagnostic clinique La technique d’Amsel est basée sur des éléments cliniques. Elle est fondée sur la présence de 3 des 4 critères suivants : – pH vaginal > 4,5 ; – sécrétions vaginales grisâtres, homogènes et adhérentes à la paroi vaginale ; – odeur vaginale caractérisée de poisson avarié après mise en contact des pertes vaginales avec quelques gouttes d’hydroxyde de potasse à 10 % (sniff test) ;   Figure 1. Flore normale – présence de clue cells (au moins 20 %) à l’examen microscopique à l’état frais des secrétions vaginales. Le caractère inconstant et subjectif des critères cliniques a conduit à la recherche et au développement d’un outil diagnostique complémentaire. Diagnostic microscopique La méthode de Nugent est basée sur une évaluation semiquantitative de 3 morphotypes bactériens en se fondant sur l’examen au microscope des secrétions vaginales après coloration de Gram (tableau 1). L’établissement du score tient compte pour l’essentiel de la corrélation inverse entre la concentration en lactobacilles et les concentrations de deux autres morphotypes bactériens. Un score ≥ 7 définit une VB. Il existe une corrélation étroite entre le diagnostic de VB par les critères d’Amsel et par le score de Nugent. Mais des divergences de classification surviennent essentiellement pour les flores de la catégorie intermédiaire. De plus, l’implication clinique du groupe des flores intermédiaires est sujette à caution. Certains auteurs considèrent la flore intermédiaire comme une flore de transition ; pour d’autres, il s’agit d’un groupe hétérogène regroupant des flores normales et des VB. Enfin, sa réalisation est limitée car le score de Nugent nécessite un personnel de laboratoire rodé à la technique et à l’interprétation du score.   Vaginose bactérienne et grossesse La prévalence de la VB pendant la grossesse varie de 5 à 55 % selon les études. L’origine géographique influe sur sa prévalence. En effet, contrairement aux populations du nord de l’Amérique où la prévalence est élevée (18 % à 55 %), on constate en Europe et en France une prévalence plus faible (5 % à 14 %). Il est à noter que la prévalence de la VB est plus élevée en début qu’en fin de grossesse. Il existe une résolution spontanée de la VB de l’ordre de 30 % à 60 %. À l’inverse, moins de 10 % des patientes présentant une flore normale en début de grossesse développeront une VB.   Vaginose bactérienne et complications obstétricales Pendant la grossesse, la présence d’une VB est associée à un risque de complications obstétricales : rupture prématurée des membranes, prématurité, chorioamniotite, naissance d’enfants de petits poids (tableau 2). L’association entre VB et prématurité a fait l’objet de nombreuses publications depuis les vingt dernières années. Il faut retenir des métaanalyses que les femmes enceintes présentant une VB ont un risque d’accouchement prématuré deux fois supérieur à celui des femmes n’en présentant pas. Ce risque est d’autant plus élevé que le diagnostic est porté en début de grossesse et notamment avant 16 SA. Pour les cas où la grossesse se complique d’une menace d’accouchement prématuré, la présence d’une VB est péjorative car elle multiplie par deux le risque d’accoucher avant 37 SA. Si la VB est associée à la prématurité, aucune association n’a été démontrée entre VB, infection néonatale et mortalité périnatale. En plus de la prématurité, les données des métaanalyses montrent que la présence d’une VB augmente le risque de fausse couche tardive et celui d’infection maternelle dans le post-partum.   Hypothèse physiopathologique L’association de la VB à la rupture prématurée des membranes, à la chorioamniotite, à l’accouchement prématuré et à l’infection du post-partum suggère un rôle de l’infection génitale ascendante depuis la flore vaginale jusqu’aux membranes dans la physiopathologie de l’accouchement prématuré. D’autres éléments de nature immunitaire, la susceptibilité individuelle à l’infection (production de cytokines) et le déterminisme génétique (l’allèle TNF-α2 et IL-1ra 2), mais aussi les propriétés des microorganismes de la flore vaginale (productions d’enzymes hydrolytiques et de toxines) sont des paramètres à considérer dans la physiopathologie de l’accouchement prématuré. Malgré ces notions, le lien entre VB et prématurité reste imparfaitement compris.   Traitement de la vaginose bactérienne symptomatique D’après l’ensemble des données de la littérature, le traitement de la VB symptomatique est recommandé pendant la grossesse (tableau 3). Le métronidazole en prise orale pendant 7 jours est la posologie à privilégier. Le taux de guérison clinique et microbiologique est de 70 à 85 %. Il n’est pas rapporté dans cette indication d’effet tératogène. La prise orale est à privilégier du fait de l’association vraisemblable d’une infection génitale haute subclinique à la VB. Dépistage de la vaginose bactérienne asymptomatique L’infection intra-utérine par voie ascendante et/ou l’activation des mécanismes de l’inflammation au niveau des membranes amnio-choriales sont les principales étiologies conduisant à la mise en travail spontané et/ou à la rupture prématurée des membranes. Dans ce contexte, la VB semble être une cible privilégiée de lutte contre la prématurité puisqu’il existe un lien statistique démontré entre VB et prématurité. Il a donc été proposé un dépistage et un traitement de la VB asymptomatique afin de réduire le taux de naissances prématurées. Les premières études thérapeutiques et les métaanalyses des années 2000 ont montré une réduction du taux d’accouchements prématurés par le dépistage et le traitement de la VB asymptomatique en début de grossesse dans le groupe des patientes à risque. En revanche, il n’existait pas de bénéfice pour la population sans antécédent. Aussi, de nombreuses sociétés savantes ont-elles préconisé la mise en place d’un dépistage chez les patientes à haut risque d’accouchement prématuré. En France, la Haute Autorité de Santé recommande depuis 2001 le dépistage et le traitement de la VB en début de grossesse chez toutes les patientes ayant un antécédent de prématurité. Les métaanalyses dernièrement publiées confirment l’absence de bénéfice du dépistage des populations à bas risque. En revanche, les arguments scientifiques sont jugés insuffisants pour recommander une politique de dépistage chez les patientes à haut risque d’accouchement prématuré. Cependant, ces métaanalyses mettent en évidence l’extrême hétérogénéité des études concernant notamment les critères utilisés pour le diagnostic de la VB et l’évaluation de l’efficacité du traitement. Des investigations supplémentaires sont donc nécessaires pour améliorer le diagnostic du déséquilibre de la flore vaginale et l’identification des bactéries de la flore vaginale impliquées dans les complications observées.   Apport de la biologie moléculaire Les limites à l’étude de la VB sont celles imposées par les outils utilisés qui ont longtemps été l’examen direct et la culture. Depuis 2005, l’application des techniques de biologie moléculaire a permis d’approfondir nos connaissances sur la flore vaginale par l’accès à des bactéries difficilement ou non cultivables. La VB apparaît schématiquement représentée par une inflation du nombre de microorganismes comprenant des bactéries connues (Gardnerella vaginalis, Mobiluncus mulieris, Megasphaera spp., Leptotrichia spp., Sneathia spp., Eggerthella hongkongensis, Prevotella spp.) et des bactéries nouvellement identifiées comme l’Atopobium vaginae et BVAB (Bacterial vaginosisassociated bacteria). Parmi ces bactéries, ce sont G. vaginalis et A. vaginae qui ont les concentrations les plus élevées. L’inverse a été observé pour les concentrations en lactobacilles. Afin d’améliorer le diagnostic des anomalies de la flore vaginale, certains auteurs ont proposé l’utilisation de la biologie moléculaire. La détection de certains micro-organismes comme le Megasphaera, la présence des bactéries du groupe des BVAB, celle d’Eggerthella-like bacterium ou celle l’Atopobium spp. est fortement associée au diagnostic de VB. Mais c’est la technique de PCR quantitative en temps réel qui semble la plus performante en précisant la charge vaginale de chaque micro-organisme détecté. Il a été démontré que la combinaison de la charge d’A. vaginae (≥ 108/ml) et de G. vaginalis (≥ 109/ml) présentait des valeurs élevées en sensibilité (95 %) et en spécificité (99 %) pour le diagnostic de VB. De plus, ces critères moléculaires permettent la caractérisation de la flore intermédiaire (score de Nugent entre 4 et 6) qui apparaît comme une flore hétérogène composée de véritables VB et de flores normales. Le lien entre les anomalies moléculaires de la flore vaginale et les complications obstétricales a été très récemment exploré. Tout d’abord, au sein d’une population hospitalisée dans une maternité de type III pour une menace d’accouchement prématuré, les concentrations élevées en A. vaginae et en G. vaginalis étaient statistiquement plus fréquentes dans le groupe des patientes ayant accouché prématurément que dans le groupe des patientes ayant accouché à terme. De plus, le délai entre le diagnostic de menace d’accouchement prématuré et le terme de l’accouchement était d’autant plus court que les concentrations vaginales en A. vaginae et en G. vaginalis étaient élevées. Ceci laisse à penser que la charge vaginale de ces deux bactéries est impliquée dans la survenue de l’accouchement prématuré. Par ailleurs, l’identification d’A. vaginae dans le liquide amniotique dans le contexte de rupture prématurée des membranes permet d’évoquer l’hypothèse d’une colonisation depuis le vagin par voie ascendante. Enfin, un cas rapporté d’avortement septique, impliquant A. vaginae, consécutif à une biopsie trophoblastique réalisée par voie transcervicale à 12 SA illustre le caractère pathogène de ce micro-organisme lors de la grossesse. L’approfondissement et la confirmation de ces éléments apparaissent indispensables à une meilleure connaissance du lien entre flore vaginale et complications obstétricales.   Conclusion Il existe un lien avéré entre vaginose bactérienne et prématurité. Cependant, les données de la littérature sont contradictoires sur l’éventuel bénéfice des stratégies de dépistage/traitement dans la population à haut risque. Des investigations supplémentaires sont nécessaires afin de comprendre les mécanismes physiopathologiques impliqués dans les complications obstétricales. Ces investigations passent inévitablement par l’application des techniques récentes de biologie moléculaire.

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