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Chirurgie

Publié le 12 avr 2011Lecture 9 min

Reconstruction mammaire secondaire par lipomodelage exclusif

A. FITOUSSI, A.-G. POLLET, B. COUTURAUD, R.J. SALMON Institut Curie, Paris

Le lipomodelage ou lipofilling est une technique utilisée en chirurgie mammaire habituellement dans le traitement des séquelles esthétiques des traitements conservateurs ou la correction d’imperfections après reconstruction mammaire par implant ou lambeau musculocutané. Cette technique présente des avantages importants en termes de tolérance ou de morbidité, mais les résultats à long terme dépendent de facteurs non maîtrisés comme la fonte volumétrique ou la résorption graisseuse. Des études complémentaires sont nécessaires afin de définir les patientes pouvant en bénéficier et d’évaluer les modalités de surveillance, mais aussi de mesurer de façon objective la faisabilité, la stabilité de la reconstruction et son évolution dans le temps. 

 
Les techniques de reconstruction mammaire après mastectomie se basent sur l’utilisation d’implants, de lambeaux autologues musculocutanés ou sur leur association. La mastectomie radicale est indiquée dans environ 30 % des cancers du sein. Cependant, toutes ces patientes ne bénéficieront pas d’une reconstruction mammaire, par choix, en raison de la lourdeur de ces techniques, car plusieurs temps opératoires sont nécessaires, ou en raison d’une contre-indication. Les injections de tissu adipeux autologue ont été décrites pour la première fois en 1893 (1) puis, bénéficiant des résultats de la liposuccion(2) et lipoaspiration (3), en 1987 leur utilisation a été possible lors de mammoplasties d’augmentation (4). Plus récemment, les indications ont été élargies à la correction d’imperfections après reconstruction mammaire (5-7) et des séquelles esthétiques des traitements conservateurs (SETC) (8-10).   Figures 3 et 4. Premier temps de reconstruction à 3 mois.  Figures 1 et 2. À 10 mois de la mammectomie. Le lipomodelage du sein était né (5). Nous rapportons un cas de reconstruction mammaire secondaire par lipomodelage exclusif, réalisé chez une patiente présentant un très faible volume mammaire ne désirant pas de chirurgie mammaire controlatérale. Dès lors, l’alternative représentée par le lipofilling semblait idéale. Le résultat esthétique à distance et la satisfaction de la patiente nous permettent d’envisager la diffusion de cette technique de reconstruction mammaire pour des patientes sélectionnées.   Cas clinique Une patiente de 47 ans, porteuse d’un lupus équilibré sous Plaquenil® depuis 5 ans, est adressée pour des microcalcifications diffuses du sein gauche de découverte fortuite. L’examen clinique met en évidence un petit volume mammaire bilatéral (bonnet 80 A) sans aucun nodule palpable ; les aires ganglionnaires sont libres. Des macrobiopsies sont réalisées sur les deux foyers les plus suspects à l’union des quadrants supérieurs et dans le quadrant inféro-interne. Les résultats histologiques sont en faveur d’un carcinome canalaire infiltrant bifocal associé à des lésions de carcinome canalaire in situ. L’indication de mammectomie avec curage axillaire est posée et l’analyse anatomopathologique définitive de la pièce opératoire pesant 120 g met en évidence un carcinome canalaire infiltrant bifocal dont le principal foyer mesure 30 mm à l’union des quadrants supérieurs. Les caractéristiques tumorales sont un grade EE II, RH+, Her2-, et une absence d’envahissement ganglionnaire métastatique au curage axillaire. Selon les référentiels de l’institut en cours à l’époque, la patiente a bénéficié de chimiothérapie adjuvante (6 FEC 75), d’une irradiation au niveau de la paroi thoracique, de la CMI et du creux sus-claviculaire et d’une hormonothérapie adjuvante par tamoxifène. La patiente est vue 10 mois après la fin de la radiothérapie pour envisager une reconstruction mammaire secondaire (figures 1 et 2). Les différentes possibilités sont présentées, l’indication de reconstruction par lipomodelage exclusif est retenue. Le premier temps est fait un an après la fin de la radiothérapie. Sous anesthésie générale, un prélèvement de graisse abdominale est centrifugé (4 000 tours par minute, 4 minutes), permettant la réinjection de 80 cm3 dans le muscle pectoral et en souscutané (figures 3 et 4). Le deuxième temps est réalisé 5 mois plus tard ; de la graisse abdominale péri-ombilicale et trochantérienne sont prélevées puis 150 cm3 sont injectés (figures 5 et 6). Le dernier temps de reconstruction est fait 6 mois plus tard et associe un lipofilling par réinjection de 150 cm3 de graisse prélevée sur les cuisses et la région glutéale, la reconstruction de la plaque aréolomamelonnaire (PAM) par tatouage et greffe d’hémimamelon controlatéral.   Figures 5 et 6. Deuxième temps à 7 mois.   Figures 7 et 8. Résultat final à 6 mois du troisième temps. Un an après, le résultat esthétique est toujours coté 1 (11,12) par la patiente et le chirurgien (11,12) (figures 7 à 10). Une mammographie récente ne met pas en évidence de microcalcifications ni de foyer de cytostéatonécrose. Discussion La lipostructure®, liposculpture ou lipomodelage, a révolutionné la prise en charge chirurgicale des cancers du sein en offrant aux patientes une technique fiable, peu invasive, dont les résultats sont très satisfaisants. Les indications sont limitées, notamment en chirurgie esthétique où son utilisation est réservée à des cas très particuliers. Les conséquences à long terme sur un sein natif ne sont pas connues et cela peut compliquer la surveillance mammaire par la survenue de microcalcifications ou de foyers de cytostéatonécrose, à l’origine d’angoisse et de surconsommation médicale. Le prélèvement minutieux de tissu graisseux se fait généralement sur l’abdomen, les hanches, la face interne ou externe des cuisses. Les volumes prélevés sont importants et les adipocytes de bonne qualité (13) en raison d’un possible effet mémoire (14). Les adipocytes sont séparés du sang et de la phase huileuse par centrifugation (15-17), puis réinjectés dans le tissu sousdermique, sous-cutané et surtout intramusculaire (18-21). La quantité de graisse à transférer doit être bien répartie pour éviter la formation de nodules de cytostéatonécrose (23). Les mécanismes physiopathologiques qui régissent le transfert d’adipocytes sont mal connus, expliquant les échecs de la prise de greffe (22). Ainsi, la fonte volumétrique décrite dans la littérature est très variable, car évaluée entre 30 à 90 % dans la première année (20,21,24). Notre expérience dans les lipomodelages après reconstruction mammaire par lambeau musculocutané de grand dorsal met en évidence une perte de volume de 40 à 60 % du volume initial, principalement dans les premiers mois (9). Il est donc souvent nécessaire de répéter plusieurs fois le geste et d’effectuer une sur-correction du volume attendu pour prévenir la résorption graisseuse dès les premiers mois (5). L’oedème postopératoire et l’ecchymose se résorbent en 3 semaines environ et l’on peut juger du résultat dans les 3 à 6 mois. La reconstruction mammaire se fera donc en trois temps avec un lipomodelage musculaire, puis sous-cutané et enfin cutané. Dans le cas décrit, il est intéressant de constater la différence entre le poids de la pièce opératoire (120 g) et le volume total de graisse injectée (380 cm3) pour obtenir un résultat satisfaisant et symétrique après un an de recul. Les complications sont rares (25), la première, et plus fréquemment décrite, est la survenue de cytostéatonécrose (7,26) et la plus grave est la cellulite qui reste heureusement exceptionnelle (25). Dans des situations particulières (volume mammaire très faible, refus de cicatrices supplémentaires, comorbidité non négligeable, contre-indications, nécessité d’augmentation mammaire controlatérale), le recours aux autres techniques de reconstruction n’est pas idéal. L’alternative proposée par le lipomodelage exclusif est intéressante. Le caractère peu morbide de cette technique le rend plus acceptable et confortable par les patientes. Dans le cas présenté, le dernier temps chirurgical a associé un lipomodelage à la reconstruction de la PAM par greffe d’hémimamelon controlatéral avec tatouage, assurant à la patiente l’économie d’un geste supplémentaire avec des résultats stables (27). Cette reconstruction de PAM peut se faire également sous anesthésie locale si la patiente le désire. La surveillance postopératoire et l’évaluation tridimensionnelle des résultats après lipomodelage peuvent se faire par les techniques d’imagerie standard (7,14,28).   Figure 9. Sein controlatéral. Cependant, il est difficile d’évaluer de façon scientifique la perte de volume en raison du manque d’outils disponibles ; il est en effet plus aisé de comparer des diamètres que des volumes (30). Récemment, l’utilisation de la tomodensitométrie permettrait une évaluation satisfaisante du volume résiduel et de la fonte volumétrique, car l’IRM, qui semble mieux adaptée à cette mesure, reste peu fiable. Figure 10. Résultat final à dix mois. Des travaux sont actuellement en cours sur la modélisation tridimensionnelle du sein dans le but de standardiser les mesures (29). En l’absence d’outils de mesure fiables et objectifs, l’évaluation des résultats après lipomodelage reste donc, à ce jour, sujette à controverses (28-30), le meilleur indicateur de mesure étant la satisfaction de la patiente et du chirurgien. Enfin, une réflexion sur la prise en charge thérapeutique en cas de récidive locale doit être menée lorsque l’on sait que ce taux après mastectomie est d’environ 1 %. L’absence de données ne nous permet pas aujourd’hui de définir la conduite à tenir. L’exérèse au large est nécessaire, mais doit-elle être radicale ? Il est probable, devant la généralisation du lipomodelage, que nous serons confrontés à cette situation.   Conclusion Le lipomodelage est utilisé en chirurgie mammaire reconstructrice principalement comme un moyen de correction d’imperfections. Le cas rapporté propose avec succès une nouvelle alternative chirurgicale pour des patientes sélectionnées refusant ou présentant des contre-indications aux techniques classiques de reconstruction mammaire. Les techniques de prélèvement des adipocytes diffèrent, traduisant en cela l’absence de supériorité de l’une par rapport aux autres. Plusieurs temps opératoires sont toujours nécessaires afin d’obtenir un résultat esthétique satisfaisant. Le développement d’outils objectifs de mesure comme la tomodensitométrie ainsi que la réalisation d’études prospectives nous permettront d’évaluer cette technique afin de la proposer à nos patientes. Enfin, la prise en charge de la récidive carcinomateuse locale n’est pas élucidée, mais nul doute qu’il faudra y répondre dans l’avenir.  

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