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Pathologie vulvovaginale

Publié le 25 mai 2008Lecture 13 min

MST : comment prendre en charge des condylomes génitaux externes

C. RENAUD-VILMER Centre anticancéreux René Huguenin, St Cloud Hôpital Saint-Louis, Paris
Les condylomes génitaux externes sont des lésions secondaires à une infection à HPV non oncogène et qui ont une évolution toujours bénigne. Leurs traitements reposent essentiellement sur des méthodes destructives chimiques ou physiques qui ne mettent pas à l’abri des récidives.
Épidémiologie Les infections à HPV représenteraient l’infection sexuellement transmissible (IST) la plus fréquente, mais la présence d’HPV à l’état latent dans les muqueuses ano-génitales est considérée par beaucoup d’auteurs comme un simple signe d’activité sexuelle chez les sujets jeunes. La prévalence de cette infection est très variable (10 à 45 %) selon la population étudiée. Cette prévalence est maximale dans les populations jeunes (< 25 ans) sexuellement actives. L’origine géographique et sociale, les professions dites exposées, ainsi que le type de consultation (dispensaire de IST/planning familial) sont aussi à l’origine de ces variations. Aux États-Unis(1), la prévalence des condylomes génitaux est estimée à environ 1 % de la population sexuellement active et la probabilité de développer des condylomes serait de près de 50 %. La présence d’une infection latente est évaluée en moyenne à 10 % de la population générale. Les principaux facteurs de risque de développer des condylomes génitaux externes (CG ext) sont des partenaires multiples, l’âge (sujet jeune), une immunodépression (infection HIV, greffe d’organe, etc.), des facteurs génétiques, une intoxication tabagique. Les CG ext sont dus à une infection par des HPV non oncogènes (essentiellement les types 6 et 11). Ce type d’HPV est à l’origine d’infection transitoire durant en moyenne 4 à 12 mois en dehors de tout traitement (2). Les HPV non oncogènes s’éliminent spontanément en 4 à 12 mois. Chez l’adulte, le mode de transmission est essentiellement sexuel : le rôle infectant d’objet contaminé n’est pas prouvé. La contamination initiale se fait à partir des cellules basales de l’épithélium lors d’une effraction. L’évolution spontanée de l’infection génitale à HPV non oncogène peut se faire soit vers une infection latente et transitoire, soit par l’apparition de condylomes génitaux bénins (incubation évaluée de quelques semaines à plusieurs mois). Les CG ext peuvent régresser spontanément dans 30 à 60 % des cas. Après traitement, une infection latente (secondaire) persiste dans 20 à 50 % des cas(3). Les récidives post-thérapeutiques ne sont pas dues au partenaire sexuel, mais à la persistance de cette infection latente post-thérapeutique (4). Les CG ext n’ont pas d’évolution maligne. L’apparition secondaire de lésions cancéreuses génitales externes est due à une multi-infection avec un HPV oncogène qui est resté à l’état latent et qui est secondairement réactivé par des cofacteurs. Au niveau des organes génitaux externes, il n’y a pas, comme au niveau du col, d’évolution du condylome, vers une dysplasie légère, dysplasie moyenne et dysplasie sévère. L’apparition secondaire de lésions cancéreuses génitales externes est due à une multi-infection avec un HPV oncogène, resté à l’état latent, secondairement réactivé par des cofacteurs. L’infection HIV favorise les infections à HPV multiples avec présence d’HPV oncogène, les lésions multifocales, une évolution chronique et récidivante et la persistance d’une infection latente spontanée ou post-thérapeutique. Le préservatif ne protége qu’incomplètement (5), car l’infection à HPV est volontiers multifocale et il n’évite pas les contacts cutanés génitaux. Cependant, il reste conseillé pour tout nouveau partenaire. Son rôle pour les couples réguliers est discuté. Deux vaccins préventifs de cette infection à HPV viennent d’être commercialisés. Ils sont proposés actuellement aux jeunes filles de 9 à 15 ans avec un rattrapage pour les femmes de 23-25 ans qui n’ont pas eu de rapport ou des rapports depuis moins d’un an. Une durée de protection de seulement 5 ans est actuellement connue. Seul un des 2 vaccins est dirigé contre les HPV 6 et 11 responsables des CG ext. L’intérêt majeur de ces deux vaccins dirigés contre les HPN 16 et 18 est d’éviter les cancers du col qui représentent le deuxième cancer de la femme.   Méthodes diagnostiques et bilan préthérapeutique Le diagnostic de CG ext est clinique pour les condylomes papillomateux ou acuminés (figure 1). Cependant, les CG ext peuvent se manifester sous formes de papules volontiers pigmentées (figure 2) ou de macules (figure 3) parfois regroupées en nappes, appelés condylomes plans. Ces 2 formes cliniques nécessitent un examen histologique pour éliminer une papulose bowenoïde ou VIN3 de la femme jeune, liée à une infection à HPV oncogène. Il n’est pas nécessaire de faire un typage de l’HPV dans la prise en charge de ces CG ext. La présence de lésions nombreuses ou disséminées sur la vulve doit faire rechercher une immunodépression associée (figure 4). De gauche à droite : figure 1 à 4.  Figure 1. Condylomes acuminés. Figure 2. Condylomes papuleux. Figure 3. Condylomes plans. Figure 4. Condylomes papuleux disséminés chez une patiente immunodéprimée. Les CG ext sont associés dans 20 à 30 % des cas à d’autres lésions à HPV sur le reste la muqueuse ano-génitale (col, vagin, anus)(6). De même, ces CG ext sont associés dans 30 à 40 % des cas à une autre pathologie (7).   Bilan préthérapeutique   Bilan d’extension de l’infection à HPV – Des frottis associés à une colposcopie sont indiqués, car la présence de CG ext s’accompagne d’un risque x 6 d’une CIN. – L’anuscopie n’est pas proposée systématiquement sauf chez les patients immunodéprimés présentant des lésions péri-anales et/ou ayant eu des rapports ano-génitaux. – La colposcopie des organes génitaux externes doit être abandonnée car source d’erreur (faux positif++)(8) et la recherche de lésions infracliniques (non visibles par le patient) est source d’anxiété chez celui-ci, car leur traitement ne modifiera pas la présence d’une infection latente post-thérapeutique qui régressera spontanément dans un deuxième temps. La discussion est la même pour l’application d’acide acétique à 5 % qui était censé aider à visualiser ces mêmes lésions : source d’erreur (faux blanchiment) et traitement de ces lésions sans intérêt. – L’examen systématique du partenaire masculin se discute aussi en l’absence de lésion cliniquement visible. De toute façon, les récidives ne sont pas dues au partenaire, mais à la persistance d’une infection latente post-thérapeutique.   Bilan IST La présence de condylomes génitaux chez un adulte jeune fait craindre des rapports non protégés. Un bilan à la recherche d’une IST associée repose sur la demande d’une sérologie HIV, une sérologie à la recherche d’une syphilis (TPHA-VDRL), un prélèvement vaginal à la recherche d’une infection à Chlamydiae et la recherche d’une hépatite C selon le contexte, ou si on recherche une immunodépression devant des lésions très étendues.   Traitements Rappelons qu’il s’agit de lésions bénignes qui ont toujours une évolution bénigne. Leur traitement n’évite pas la persistance d’une infection latente post-thérapeutique dans 20 à 50 % des cas, ni la survenue ultérieure d’une lésion cancéreuse en cas de multi-infection avec un HPV oncogène latent qui peut persister malgré la régression de CG ext. Le traitement de ces CG ext n’évitera donc pas une surveillance ultérieure. Ainsi, pour beaucoup d’auteurs, le traitement des CG ext est proposé pour des raisons d’hygiène (risque de surinfection) et psychologiques. Traitements médicaux   Cryothérapie - Acide trichloracétique à 70 ou 80 % Lorsque que les lésions sont peu nombreuses, un traitement par cryothérapie ou par application d’acide trichloracétique peut être réalisé au cabinet du médecin. Ces deux traitements ont l’intérêt de ne pas être contre-indiqués chez la femme enceinte. Ils sont cependant douloureux et une application de crème Emla®, 10 min avant le traitement, peut être proposée.  La podophyllotoxine Elle n’est commercialisée en France que sous forme de lotion (Condyline®) difficile à appliquer an niveau de la vulve sans l’aide d’une tierce personne, avec un risque de lésions érosives en coulée. La participation de la mère (pour les adolescentes) ou par le conjoint ne nous paraît pas souhaitable, et pour cette raison nous ne le recommandons pas chez la femme. Elle est contre-indiquée chez la femme enceinte.   La podophylline Cette substance est utilisée en préparation magistrale non stable (diluée à 30 % dans de la vaseline). Elle est actuellement abandonnée en pratique courante, mais peut être utilisée dans le cadre de certains dispensaires du fait d’un coût relativement faible comparativement aux autres traitements médicaux actuellement commercialisés et de la possibilité de surveillance régulière des patientes (application par le médecin) pour lesquelles un traitement à la maison ne serait pas bien effectué. Ce produit comme, la podophyllotoxine, ne doit pas être appliqué sur une lésion érosive ou ulcérée, car il y a un risque de diffusion par voie sanguine et d’effet secondaires neurologiques graves. Il est contre-indiqué chez la femme enceinte.   Le 5 FU (Efudix® crème) Ce traitement était indiqué dans les formes diffuses et récidivantes, seul ou associé à des traitements physiques. Actuellement, il est remplacé par une nouvelle substance (imiquimod) qui vient d’être commercialisée. Il est contre-indiqué chez la femme enceinte.   L’imiquimod (Aldara® crème) L’imiquimod agit en activant la sécrétion de cytokines et l’immunité à médiation cellulaire qui intervient dans l’élimination des lésions à HPV. Les applications locales se font 3 fois par semaine. Ce traitement est souvent à l’origine d’irritation, voire d’érosion, de façon un peu comparable aux effets secondaires de la podophylline ou de l’Efudix®. L’utilisation de topiques cicatrisants, voire un espacement temporaire des applications permet, de continuer le traitement, qui peut être appliqué jusqu’à un maximum de 16 semaines. Étant donné le coût de ce traitement, il est en principe réservé aux formes étendues ou récidivantes. Cependant, il est actuellement de plus en plus utilisé en première intention chez la jeune femme. Ce traitement est contre-indiqué chez la femme enceinte (après la 32e semaine).   Les traitements chirurgicaux Lorsque que les lésions sont peu nombreuses, un traitement par électrocoagulation sous anesthésie locale, peut être réalisé au cabinet du médecin au cours de la consultation. Nous réservons les exérèses par laser CO2, aux lésions récidivantes ou étendues après avoir essayé de diminuer leur surface avec un traitement médical. En effet, plus la surface lésionnelle est étendue, plus le pourcentage de récidive est important, et plus les complications postopératoires sont fréquentes (douleur, lenteur de la cicatrisation, etc.). Ce traitement nécessite une structure hospitalière privée ou publique. Tous ces traitements physiques peuvent être utilisés chez la femme enceinte. Autres traitements   Les rétinoides per os (Etretinate®, Isotretinoine®) ont été utilisés dans quelques études non randomisées portant sur peu de patients dans des formes très étendues et récidivantes sans recul évolutif.   Les interferons par voie systémique ou intralésionnelle sont abandonnés étant donné un taux de réponses non supérieur à celui des traitements locaux, leurs effets secondaires généraux et leur coût.   Le Cidofir en application locale (1 p 100) a été proposé chez quelques patients HIV porteurs de lésions récidivantes (y compris après traitement chirurgical).   Taux de réponses et récidives Jusqu’à présent aucun des nombreux traitements (y compris chirurgicaux) n’avait un taux de rechute inférieur à 30 %. Ce taux est plus important s’il existe une immunodépression associée et/ou si les lésions sont nombreuses et étendues. Le nombre initial de lésions est le meilleur critère prédictif de l’évolution sous traitement. Mais l’imiquimod qui n’a pas un taux de réponse supérieur aux autres traitements (50 à 60 %), présente cependant un taux de récidive moindre (13 à 16 %). Cela peut signifier que ce traitement immunomodulateur pourrait avoir une action sur l’infection latente post-thérapeutique.   Indications Les indications de ces différents traitements sont fonction de l’étendue des lésions, de leur caractère récidivant, de l’âge de la patiente (attention aux traitements physiques douloureux chez les adolescentes), mais aussi des habitudes du médecin. D’une façon générale, pour les lésions peu nombreuses, il faut privilégier, dans un premier temps, les traitements médicaux (acide trichloracétique, imiquimod) ou la cryothérapie. Dans les formes étendues, l’imiquimod est une bonne indication initiale, et un traitement chirurgical sera proposé en cas d’échec et si possible quand les lésions auront diminué en nombre et surface.   Chez l’enfant, l’abstention thérapeutique doit être de mise en première intention (régression spontanée de 54 % en 5 ans (9)). L’imiquimod et la podophyllotoxine sont, en principe, contre-indiqués chez l’enfant. La cryothérapie après application de crème Emla® peut être proposée. En cas de non régression des lésions et de lésions étendues, un traitement par laser CO2 peut être proposé, mais nécessite une anesthésie générale.   Chez la femme enceinte, il vaut mieux ne proposer un traitement chirurgical qu’à partir de la 32e semaine. L’application d’acide trichloracétique et la cryothérapie ne sont pas contre-indiquées. Une césarienne n’est proposée qu’en cas d’obstacle au moment de l’accouchement. En effet, la césarienne ne protège pas le nouveau-né d’une papillomatose laryngée. Cependant, cette affection reste très rare (4,7/100 000 naissances et 7/1 000 nouveau-nés de mère ayant des CG ext).    Points à retenir   On ne sait pas traiter l’infection à HPV par elle-même, on ne traite que les lésions secondaires et la guérison clinique ne signifie pas une éradication virale, ni une perte d’infectivité du fait de persistance d’une infection latente post-thérapeutique dans presque 50 % des cas.   Il est intéressant de noter que l’imiquimod, traitement immuno- modulateur, s’accompagne d’un taux de récidive inférieur aux autres traitements, et pourrait peut être avoir une action sur cette infection latente.   Le traitement des condylomes bénins n’empêche pas l’apparition secondaire de lésions précancéreuses et cancéreuses ultérieures du fait de la possibilité de multi-infection avec persistance d’un HPV oncogène latent et une surveillance gynécologique au long cours est nécessaire.   

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