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Infertilité

Publié le 02 juin 2010Lecture 13 min

La vie après AMP. Risques à long terme et suivi particulier

G. PORCU-BUISSON Institut de Médecine de la Reproduction, Marseille
La réserve ovarienne étant déterminée à la naissance et la ménopause survenant dès qu’un niveau critique de follicules (1 000) est atteint, il était logique de suspecter les traitements inducteurs de l’ovulation d’avancer l’âge de la ménopause en augmentant de manière excessive, à chaque tentative, le nombre de follicules recrutés ou leur atrésie.
Ménopause précoce dans la population totale des patientes infertiles Dans une étude rétrospective publiée en 2008, Gosden a interrogé, entre 2005 et 2006, 739 patientes nées entre 1948 et 1956 qui ont bénéficié à Bourn Hall d’une induction de l’ovulation entre 1981 et 1994 : – le nombre de cycles de FIV a été associé à une augmentation de l’âge de la ménopause, contrairement au risque théorique attendu ; – le nombre de grossesses par patiente n’a pas été associé à l’âge de la ménopause ; – il n’a pas non plus été mis en évidence d’association entre le nombre d’ovocytes recueillis et l’âge de la ménopause dans cette étude. Par conséquent, cette étude ne supporte pas l’hypothèse que les traitements inducteurs de l’ovulation avancent l’âge de la ménopause. Tout se passe comme si, après la période d’hyperstimulation ovarienne durant laquelle les follicules sont épargnés de l’atrésie, il existait un retour à une activité physiologique. Patientes potentiellement touchées par une insuffisance ovarienne prématurée (IOP) – Patientes fumeuses – Patientes avec antécédents familiaux de ménopause précoce – Endométriose stade III-IV – IOP inexpliquée – X fragile – Origine auto-immune   Chez les patientes infertiles avec altération initiale de la réserve ovarienne De Boer en 2002 et 2003, Lawson en 2003 et Broekmans en 2004 ont constaté dans 4 études rétrospectives que : – le nombre d’ovocytes obtenus est un facteur prédictif de la survenue de la ménopause dans les dix années qui suivent avec un recul moyen de 5,5 ans ; – le compte de follicules antraux serait prédictif de cet âge ; – enfin, des taux élevés de FSH de base et la mauvaise réponse aux traitements prédiraient un risque de ménopause précoce. Les patientes atteintes d’IOP représentent 10 % de la population féminine et sont de plus en plus fréquentes dans les centres. Leur avenir peut être marqué par des risques différents de ceux présentés par nos autres patientes : – augmentation du turn-over osseux et risque fracturaire plus important (50 %) (effet ostéoclastique de la FSH) ; – risque cardiovasculaire accru : les patientes préménopausées ayant des taux de FSH élevés à J3, ont aussi des taux de LDLcholestérol plus importants ; – troubles du sommeil avec une augmentation des phénomènes vasomoteurs ; – baisse de la satisfaction sexuelle. Tous ces troubles sont associés à une FSH élevée (p < 0,001), une AMH abaissée (p < 0,001), des ovaires de plus petite dimension (p < 0,05), des taux de testostérone et androgènes libres abaissés (p = 0,035 et 0,019). Les études sur lesquelles sont basées les données disponibles sur le risque de cancer en relation avec l’infertilité ont de nombreuses limites. Il s’agit d’études rétrospectives portant sur de petits effectifs, avec des durées de suivi très courtes et un pourcentage important de perdues de vue (20 à 40 %). De très nombreux facteurs n’ont pas été pris en compte : causes d’infertilité, IMC, traitements précédant le recrutement dans l’étude, facteurs de risque familiaux, différenciation entre gravité et parité, parité et âge à la première naissance, etc.   Cancer de l’ovaire Quel risque chez les femmes infertiles ?   La nulliparité À elle seule, elle représente un facteur de risque de cancer épithélial de l’ovaire. Rossing et coll. ont mis en évidence un risque non statistiquement significatif de cancer épithélial de l’ovaire chez les nullipares comparativement aux femmes qui ont conçu (rapport d’incidence standardisé [SIR] : 1,3 [IC 0,7-2,5]), déjà révélé par ailleurs dans les métaanalyses de Whitemore. À 10 ans d’intervalle, Ness n’a pas retrouvé cette association, mais le risque de survenue du cancer de l’ovaire semblait augmenter avec la durée d’infertilité. Ces études ont des facteurs limitants majeurs : le nombre de cancers de l’ovaire, les facteurs de confusion et l’inclusion des tumeurs borderline. Récemment, Jensen et coll. ont ajusté le risque de ce cancer avec la parité dans une cohorte de 54 362 patientes danoises prises en charge entre 1963 et 1998 et trouvent un SIR élevé : SIR 1,46 [1,24-1,71]. L’augmentation du risque est de 69 % pour l’ovaire et de 46 % après ajustement sur la parité (155 cancers de l’ovaire). L’endométriose associée à une infertilité primaire s’accompagne d’une augmentation du risque.   Étiologie de l’infertilité Brinton et coll. n’ont pas retrouvé d’association entre la dysovulation, l’origine tubaire ou une cause masculine d’infertilité et le cancer de l’ovaire, tandis que l’endométriose associée à une infertilité primaire entraîne un RR de 2,27, d’abord sur une cohorte de 20 686 patientes hospitalisées entre 1969 et 1983, puis sur une seconde de 64 492 femmes hospitalisées pour cette indication entre 1969 et 2000. Le risque augmente avec la durée d’exposition à la maladie. Ces constatations sont corroborées par Melin et coll. sur 63 630 femmes (3 822 cas de cancers) en ce qui concerne le risque lié à l’endométriose SIR = 1,36 mais non en ce qui concerne la parité.   Les traitements inducteurs augmentent-ils le risque ? Venn a étudié l’incidence du cancer de l’ovaire chez 29 700 femmes infertiles, dont 20 656 exposées aux traitements et 9 044 non exposées. Le risque de cancer de l’ovaire n’est pas augmenté (SIR = 0,91 [IC 0,74- 1,13]). Deux autres études (Klip) qui portent sur 25 152 patientes en tentative de FIV aux Pays- Bas ne retrouvent pas d’augmentation du risque (SIR = 1,09 [IC 0,45-2,61]). La plupart des études ne sont pas en faveur d’un surcroît de risque de cancer de l’ovaire chez les patientes exposées aux traitements inducteurs de l’ovulation comme le citrate de clomiphène, les hMG, rFSH ou hCG si elles ont pu concevoir. Quid du nombre de cycles et de l’exposition plus importante aux traitements pour les femmes restées nullipares ? Aucune donnée n’est disponible. À noter que J.-L. Pouly a publié cette année une augmentation des dysplasies de l’ovaire chez les patientes traitées par les inducteurs de l’ovulation, sur 99 pièces d’ovariectomies prélevées entre 1999 et 2005. Dans le groupe des patientes exposées, il existait cependant une proportion de patientes nullipares plus importante et une histoire familiale de cancers gynécologiques à la différence du groupe témoin.   Cancer du sein Le risque est augmenté chez les femmes infertiles Les facteurs reproductifs, tels que l’âge de la première grossesse, l’allaitement, la parité, sont des facteurs de risque indépendants du cancer du sein. Plusieurs études ont rapporté une incidence du cancer du sein, chez les patientes infertiles, similaire à celle de la population générale, même avant ajustement sur la parité. Cependant, Kelsey et coll., en 1993, notaient 8 % de plus de risque de cancer du sein dans la population de patientes infertiles, même après ajustement du risque sur la nulliparité. Jensen et coll. ont rapporté un risque significativement augmenté de cancer du sein dans la population de patientes infertiles danoises (SIR : 1,08 [IC 1,01- 1,16] ajusté à la parité) (796 cas de cancers du sein). Il existe donc une augmentation de risque de cancer du sein chez les patientes infertiles de 8 % ajusté à la parité et de 12 % non ajusté.   Les traitements inducteurs entraînent-ils un surcroît de risque ? Deux grandes études épidémiologiques, australienne et hollandaise, ont montré qu’il n’existe pas de surcroît de risque de cancer du sein chez les patientes traitées par des inducteurs de l’ovulation. Cependant, Gauthier et coll. ont suggéré que ces traitements peuvent être associés à une augmentation du risque de cancer du sein chez les patientes qui ont des facteurs de risque familiaux ; Venn met en exergue le fait que ces traitements peuvent avoir un rôle promoteur sur des lésions préexistantes. La plus grande cohorte, rapportée par Jensen, révèle qu’il n’existe aucune association entre le type de traitement inducteur, sa durée d’administration et le cancer du sein, excepté pour le traitement par la progestérone. Dans une étude publiée en 2007, portant sur une cohorte de 54 362 patientes infertiles traitées entre 1963 et 1998 (331 cancers du sein), Jensen a conclu que le traitement n’est pas corrélé au risque de cancer du sein, mais qu’il existe un lien avec les gonadotrophines chez les patientes qui sont restées nulligestes après le traitement et avec la progestérone (RR = 1,69 [IC 1,03-2,77]). De même, Lerner-Geva avait souligné ce risque avec le citrate de clomiphène (CC) chez les patientes traitées normo-ovulantes. En 2009, sur une cohorte historique, Orgeas confirme l’absence d’augmentation de risque de cancer du sein après un traitement inducteur de l’ovulation, comparativement à la population générale suédoise (5 %) : SIR 1,01 [IC 0,77-1,31]. Cependant, dans la population des patientes traitées pour ce cancer et exposées plus tôt au traitement inducteur de l’ovulation, les utilisatrices de CC à fortes doses avaient deux fois plus de risque de cancer du sein, de même que celles exposées à l’association CC-gonadotrophines, alors que les patientes exposées seulement aux gonadotrophines ont un risque plutôt diminué. Le risque avec le CC est plus important encore sans atteindre la significativité chez les patientes exposées normoovulantes après 3 à 4 cycles (SIR 3 [IC 1,35-6,67]). Cette dernière équipe met en exergue le fait que les traitements inducteurs de l’ovulation et leurs indications sont deux facteurs de risque indépendants du cancer du sein. Le plus haut risque est observé lors de leur administration chez des patientes normoovulantes.   Cancer de l’endomètre Quel risque chez les femmes infertiles ? Une étude récente (Pillay et coll.) a conclu que la prévalence des ovaires polykystiques est associée à un cancer de l’endomètre chez les femmes de moins de 50 ans (62 vs 27 %). Cependant, deux larges cohortes ont rapporté un RR à 2,47 et 4,8 chez des patientes infertiles, traitées et non traitées pour infertilité, respectivement. Mais l’étude sur la grande cohorte danoise de Jensen a montré récemment que le risque n’est significativement élevé dans la population de patientes infertiles que lorsqu’il est ajusté sur la parité (64 cancers endométriaux).   Les traitements inducteurs entraînent-ils un surcroît de risque ? Il semble que ce cancer soit plus fréquent chez les patientes qui ont été exposées au CC ; la fréquence augmente avec la dose, le nombre de cycles et le temps écoulé depuis l’utilisation. Le risque est plus élevé chez les patientes nullipares et les patientes obèses. Selon Calderon-Malgarit, les femmes qui ont reçu un traitement inducteur de l’ovulation ont 3 fois plus de risque de développer un cancer de l’endomètre (HR = 3,2 [IC 1,31-8,42]). Le CC est associé au risque avec un HR = 4,56 [IC 1,56-13,34] et un HR = 8,26 [IC 1,24-55] si la grossesse a été obtenue après plus de 1 an de traitement. Ce risque est calculé à 5,36 chez les patientes primipares après traitement [IC 1,63-17,61]. Cette étude comporte de sérieux biais s’agissant d’un recueil de données à partir d’un registre de cancers effectué en 2004 et concernant des femmes ayant accouché entre novembre 74 et décembre 76 qui sont interrogées 30 ans plus tard. Althuis a montré que le risque de cancer de l’endomètre est plus important chez les patientes anovulantes, traitées par plus de 900 mg de CC et plus de 6 cycles, d’autant plus qu’elles étaient nulligestes, obèses et suivies plus de 20 ans.   Cancer du col de l’utérus L’incidence de ce cancer sous sa forme in situ et invasive est moins importante que dans la population générale, vraisemblablement en raison du dépistage plus facile et fréquent. Jensen confirme cette assertion (132 cancers du col). Comme la nulliparité est le facteur de risque le plus puissant en ce qui concerne le cancer du sein et la plupart des cancers gynécologiques, et comme la fréquence de la nulliparité dans la population de nos patientes est plus élevée que celle retrouvée dans la population générale, le risque de cancers gynécologiques dans cette population est surestimé s’il n’est pas ajusté à la parité. Cependant, le risque ajusté à la parité reste encore élevé et il est logique de suspecter les antécédents héréditaires et la responsabilité possible des traitements. Aucun surcroît de risque n’a été mis en évidence.   Mélanome malin Rossing et coll. avaient rapporté que l’incidence du mélanome malin est plus importante chez les femmes infertiles et Brinton retrouvait un risque multiplié par 2 chez les patientes atteintes d’endométriose, ce qui est en opposition avec la conclusion de Young, qui montre une incidence identique chez les patientes infertiles et chez les patientes de la population générale du Queensland (SIR 0,89 [IC 0,54-1,48]). Mélanome après traitement inducteur de l’ovulation Les femmes traitées pour une infertilité masculine auraient un risque trois fois supérieur aux autres femmes infertiles (OR = 3,17 [IC 1,01-9,98]). Cette association peut avoir un lien avec les traitements donnés chez des patientes normo-ovulantes dans l’étude de Young. Toutes les patientes avaient reçu CC et hMG. Dans l’étude d’Althuis, le CC est suspecté d’être initiateur de la carcinogenèse avec un temps de latence entre son utilisation et la survenue du cancer. Il apparaît comme facteur de risque de mélanome (RR = 2) chez les patientes restées nullipares après son utilisation. Récemment, Charlotte Hannibal sur une cohorte de 54 362 femmes rapporte un risque de 2,29 [IC 1,16-4,52] chez les patientes utilisatrices de gonadotrophines et de 3,36 [IC 1,5- 7.09] après GnRH.   Autres cancers Jensen et coll. ont montré que les patientes traitées par CC ou progestérone ont un risque plus élevé de cancer de la thyroïde (RR : 4,23 chez les patientes traitées par CC et restées nullipares). Aucune association avec le nombre de cycles n’a été mise en évidence. Il existe peu d’études concernant le cancer du côlon ; aucune association n’a été mise en évidence (SIR 0,83 [0,4-1,9]).   Conclusion Les risques à long terme de nos patientes infertiles sont décrits dans la littérature, mais les différentes études souffrent de biais statistiques majeurs. Cependant, il serait dangereux de les mépriser. Certaines patientes doivent bénéficier d’un suivi non seulement gynécologique, mais aussi endocrinologique et cardiovasculaire plus fréquent. Charge à nous de les dépister, de les fidéliser, même si nos traitements ont échoué, et de les convaincre de se soumettre à cette surveillance. Concernant le suivi épidémiologique, il serait important d’établir de vrais registres de patientes qui ont bénéficié des traitements inducteurs (citrate de clomiphène compris) ou de donner des « carnets d’AMP » aux patientes, afin de répondre plus justement au vrai risque carcinologique qu’elles encourent. Enfin, aujourd’hui notre discours, bien que reposant sur des études biaisées, doit être globalement rassurant, sauf pour le citrate de clomiphène, qui est un élément « incontrôlable ». Patientes qui méritent une surveillance plus assidue après les traitements – Incompétence ovarienne précoce – SOPK – Endométriose – Traitement par citrate de clomiphène (combien de cycles au total ?) – Échec du traitement inducteur – Obèses.

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