publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Infertilité

Publié le 11 juin 2009Lecture 12 min

L’infertilité inexpliquée au XXIe siècle

J.-M. MAYENGA, J. BELAÏSCH-ALLART, Centre Hospitalier des 4 villes, Sèvres

L’infertilité inexpliquée est définie chez un couple ayant des rapports réguliers et complets pendant une période d’un an par l’absence d’explication étiologique à un échec de conception malgré une évaluation exhaustive. L’hétérogénéité des différentes fréquences rapportées d’infertilité inexpliquée traduit la difficulté d’établir un consensus visant à la définir et à établir le bilan complet au terme duquel ce diagnostic pourrait être retenu. Mise au point…

La fréquence d’infertilités inexpliquées varie selon les auteurs de 8 à 30 %. La part de ce diagnostic dans les indications de fécondation in vitro est de 20 % selon le registre FIVNAT 2006 (1). Les positions concernant l’infertilité inexpliquée vont de la remise en question de son existence même (2) au questionnement sur l’intérêt de la définir comme une entité à part. Cette difficulté est liée au caractère multifactoriel de l’infertilité avec parfois addition de facteurs de chaque conjoint, à l’absence de consensus sur ce qu’est un bilan complet et à la pauvreté d’actions thérapeutiques spécifiques qui découleraient du diagnostic. Il est aisé d’identifier la cause d’une infertilité en présence de troubles de l’ovulation, d’altérations tubaires ou d’anomalies du spermogramme. Ces causes représentent à peu près 80 % des infertilités. Dans les cas restants, est-il licite de parler d’infertilité inexpliquée sans tenir compte de l’âge ? Jusqu’à quel âge peut-on parler d’infertilité inexpliquée ? Chez une patiente de 40 ans, l’infertilité est-elle liée à l’âge ou est-elle inexpliquée ? Ne devrait-on pas dire infertilité inexpliquée sauf âge ? De même, en ce qui concerne la fonction ovarienne, il est reconnu que l’âge affecte la qualité des ovocytes, tandis que les bilans de réserve ovarienne décrivent la capacité des ovocytes à être sélectionnés par une stimulation («quantité »). Les altérations de la réserve ovarienne ont-elles une incidence sur l’infertilité et, dans ce cas, doit-on encore parler d’infertilité inexpliquée ? Les pathologies générales, les désordres immunitaires établiraient un continuum avec l’endométriose, mais aussi avec l’infertilité inexpliquée. Tout clinicien de l’AMP n’est pas sans ignorer le poids des facteurs psychologiques sur les difficultés à concevoir. Faut-il mettre les problèmes psychologiques à part ou se conforter en mettant tout dans le domaine de l’« infertilité inexpliquée » ? Ceci revient à poser la question de savoir si l’infertilité inexpliquée est une entité bien définie ou s’il s’agit d’un diagnostic d’élimination ou plutôt par défaut. Tout dépendra des explorations réalisées, de leur quantité, de leur qualité et de la qualité de leur interprétation. Une fois que les explorations complètes ont été réalisées dans de bonnes conditions et correctement interprétées, la constatation de l’absence d’explication risque d’être influencée par la subjectivité du clinicien. Cela explique l’absence de consensus dans la littérature sur la définition et sur le bilan de base (3,4). Ceci est clairement lié à l’absence d’actions précises découlant de la définition d’une entité « infertilité inexpliquée » avec, pour conséquence, la traditionnelle opposition entre une attitude pragmatique visant à la prise en charge et une attitude scientifique visant à pousser les investigations au nom de la formule « absence de preuve n’est pas preuve d’absence ».   Quel bilan de base ? Avant de parler d’infertilité inexpliquée, un bilan de base doit être mis en route après un an de rapports réguliers et plus rapidement si la femme a plus de 35 ans ou en cas de troubles du cycle patents (ESHRE 1996, RMO-JO août 1998, guideline du Practice Committee de l’ASRM). De récentes études ont montré que 50 % des femmes deviennent enceintes dans les deux premiers cycles et 80 à 90 % dans les 6 premiers mois. La question de la mise en route du bilan peut donc être posée dès 6 mois de rapports réguliers non protégés. Ce bilan comprend une évaluation de l’ovulation, de la perméabilité tubaire et du sperme.     L’évaluation de l’ovulation recourt à l’établissement d’une courbe de température, au dosage de la progestérone au milieu de la phase lutéale. Le dépistage urinaire du pic de LH est une alternative. Le monitorage échographique répété du développement et de la rupture d’un follicule dominant et la biopsie d’endomètre sont consommateurs de ressources et ne peuvent être envisagés en routine.     L’analyse de la perméabilité tubaire est obtenue par l’hystérosalpingographie.     L’analyse du spermogramme permet d’établir les critères de normalité selon les différents critères (OMS, David, Kruger). Toutefois, une ovulation normale ne renseigne pas sur la qualité ovocytaire ; la perméabilité des trompes ne préjuge pas de leur fonctionnalité et la normalité du sperme ne veut pas dire qu’il est fécondant.     L’évaluation de la réserve ovarienne est obtenue par les dosages au 3e jour du cycle de la FSH, de l’estradiol, de l’inhibine B (actuellement remise en cause), de l’hormone antimullérienne (AMH) et par le comptage échographique des follicules antraux en début de cycle. Si la nécessité d’explorer la fonction ovarienne spermatique et le transport des gamètes ne cause aucune discussion, il existe encore de nombreux débats sur les autres explorations, en particulier le test postcoïtal et la coelioscopie.   Place du test postcoïtal (TPC) ou test de Hühner (TH) Le test postcoïtal se pratique en fin de phase folliculaire, 6 à 20 heures après un rapport. Il a le triple but d’étudier les caractéristiques de la glaire cervicale, de quantifier les spermatozoïdes dans la glaire et d’évaluer leur comportement et leur survie. Contrairement à la France, ce test est peu utilisé par les Anglo- Saxons. Dans leur métaanalyse de 1990, Griffith et Grimes (5) concluent que le TH est peu sensible et peu spécifique. Oei (6) a étudié 444 couples et comparé un groupe témoin sans TH à un groupe avec TH. Après bilan, lorsque les patientes sont traitées par un moyen adapté par stimulation, insémination, FIV ou IAD, le taux de grossesses est identique dans les deux groupes. Il conclut à l’absence d’intérêt pratique et de valeur diagnostique. Les conclusions de cette étude ont été contestées (7) car il y a eu davantage de traitements en stimulation IIU et FIV dans le groupe avec TH. Une étude comparant les patientes TH+ aux patientes TH- aurait été plus logique. Glazener (8) n’a trouvé de valeur pronostique du TH que pour les infertilités de moins de 3 ans sans aucun autre facteur associé ; 68 % des couples avec TH+ conçoivent dans les 2 ans versus 17 % en cas de négativité. Le NICE anglais (National Institute for Clinical Excellence) ne recommande pas l’usage routinier de ce test car il n’a aucune valeur prédictive sur le taux de grossesses. Les recommandations de l’ESHRE ne mentionnent pas le TPC. Si, devant une infertilité inexpliquée, quel que soit le résultat du TPC, le traitement efficace est l’insémination intrautérine après stimulation de l’ovulation, les résultats sont différents selon que le TH est positif ou négatif. Lorsque ce test est négatif, on considère qu’il existe une étiologie cervicale, ce qui permet de rassurer les patientes ; les résultats sont meilleurs que pour une infertilité inexpliquée à test postcoïtal positif (tableaux 1 et 2). Le test de Hühner reste un test diagnostique et n’a pas pour but d’évaluer les chances de grossesse. Lorsqu’il est fait, sa qualité et sa reproductibilité doivent être assurées. Nous préconisons donc de le faire tout en étant conscient de ses limites.   Peut-on parler d’infertilité inexpliquée sans coelioscopie ? La RMO stipule que la coelioscopie doit rester l’exploration de dernière intention et qu’il n’y a pas lieu dans un bilan de stérilité de pratiquer une coelioscopie, sauf en cas de suspicion d’altération tubaire, d’adhérences ou d’endométriose. Dans les années 80, la coelioscopie faisait partie du bilan d’infertilité. Elle était pratiquée d’emblée en cas d’antécédents évocateurs, systématiquement après 2 ans d’infertilité et avant toute FIV. L’évolution des années 90 a été marquée par la perte progressive du rôle diagnostique de la coelioscopie. Le bénéfice apporté par la coelioscopie dans la stérilité inexpliquée au plan de la stratégie thérapeutique et des résultats n’a jamais fait l’objet d’une évaluation rigoureuse. La remise en question de la coelioscopie systématique a été liée à l’arrivée de la FIV qui a modifié la prise en charge. Les ovaires peuvent être explorés par les dosages hormonaux et l’échographie ; l’utérus peut être exploré par l’hystéroscopie ou l’hystérosonographie et les Dopplers vasculaires. De plus, on ne peut plus désormais négliger le risque médicolégal. En 2009, les coelioscopies ne sont plus pratiquées systématiquement avant initiation des traitements d’AMP. Pourtant, elles permettraient de diagnostiquer des endométrioses modérées dont le traitement spécifique améliore le pronostic(9). Un autre argument en faveur de la pratique de la coelioscopie est la discordance avec l’hystérosalpingographie (HSG) : 20 % pour Mol(10) qui rapporte l’existence d’une pathologie tubaire dans 4,5 à 20 % des HSG normales. Les arguments contre la pratique d’une coelioscopie sont nombreux : une salpingographie sélective peut prolonger l’HSG et donner davantage de renseignement sur une ou les deux trompes en cas d’obstruction proximale ; les risques d’anomalies tubaires en cas d’HSG de moins de 8 mois sont de 4,5 %(10). En cas d’infertilité primaire sans passé infectieux, la probabilité de trouver une anomalie est de 15 % contre 24 % en cas d’infertilité secondaire(11) ; les risques de morbidité et de mortalité de la coelioscopie ne sont pas nulles. Chapron décrit 1,84 complications pour 1 000 coelioscopies diagnostiques(12) et, en cas de coelioscopie opératoire, Kontorydis décrit 11 % de complications mineures et 2,3 % de majeures (13). Quand on a décidé de passer en AMP, la découverte de ces lésions ne change pas de beaucoup la stratégie. En cas d’HSG normale, plusieurs auteurs préconisent de passer directement à la stimulation par gonadotrophines associée à des inséminations et de passer en FIV en cas d’échec(14). Et pourtant le débat n’est pas clos. Hubascher (15) ne trouve aucune corrélation entre les résultats d’un interrogatoire sur les antécédents infectieux et les lésions tubaires à la coelioscopie. Capello (16), sur une série rétrospective de 92 coelioscopies pour infertilité primaire à bilan normal, trouve 40 % d’endométriose. D’autres proposent une coelioscopie en cas d’échec des FIV (coelioscopie de sortie). Dans une étude rétrospective, Littman rapporte un taux de grossesses de 76 %, dont 12 spontanées chez des patientes ayant bénéficié d’une coelioscopie après échec de FIV. L’amélioration est essentiellement liée au traitement d’une endométriose (100 % de stade 1, 62 % de stade IV). Le taux de grossesses dans le groupe témoin est de 37 %, dont 2 spontanées (p < 0,01). Le clinicien avec le couple mettra en balance les risques associés à la coelioscopie, le fait que la coelioscopie peut détecter des anomalies qui seraient passées inaperçues et le fait que le traitement coelioscopique de l’endométriose améliore la fécondité.  En 2009, le recours à la coelioscopie est évident en cas de suspicion basé sur l’anamnèse ou sur l’HSG, en cas de suspicion d’endométriose. Il est discuté après échec de stimulation avec inséminations avant de passer à la FIV. Il est très discuté en systématique.    La lourdeur de la coelioscopie pose l’hydrolaparoscopie ou fertiloscopie comme une véritable alternat ive pour l’exploration de la cavité utérine, de la perméabilité tubaire et de la fonctionnalité de sa muqueuse (17).   Les étiologies « cachées » des infertilités inexpliquées   Figure 1. Endométriose péritonéale. Implants récents. Aucune étude n’a pu trancher sur l’existence d’un lien de causalité entre l’endométriose et l’infertilité malgré la forte prévalence de cette pathologie chez les femmes infertiles. Le traitement d’une endométriose minime à modérée améliore la fertilité. Sa méconnaissance n’altère pas de beaucoup l’algorithme de prise en charge qui consistera en des stimulations avec inséminations et au passage en fécondation in vitro en cas d’échec.   L’insuffisance ovarienne prématurée Le délai entre le début de l’accélération du déclin de la fertilité (37-38 ans) et la ménopause (51 ans) est de 13,5 ans(2) ; 10 % des femmes sont ménopausées avant 45 ans et 1 % avant 40 ans. Ces femmes amorceront leur déclin ovarien plus tôt et risquent d’avoir l’étiquette d’infertilité inexpliquée si l’on ne pratique pas un bilan de la réserve ovarienne.   Les infertilités immunologiques Le continuum entre les pathologies auto-immunes cliniques ou subcliniques, l’endométriose et l’infertilité inexpliquée a été démontré sans qu’on ait pu établir ni un mécanisme ni un lien de causalité.   Les infertilités tubaires cachées à HSG normale Elle n’existent qu’en l’absence d’une laparoscopie (coelioscopie ou fertiloscopie) : adhérences péri-tubo-ovariennes « de dedans en dehors », anomalies anatomiques gênant la captation ovocytaire, hydatide distale, anomalies de la muqueuse tubaire. Figure 2. Adhérences pavillonnaires fines à perméabilité conservée. Les infertilités masculines « cachées » Anomalies de la réaction acrosomiale, anomalies de l’interaction gamétique. Une partie de ces facteurs « cachés » sera démasquée par la FIV, qui devient l'ultime test diagnostique et thérapeutique de ces infertilités inexpliquées qui n'en sont plus après AMP. Dans une étude effectuée à Sèvres sur 177 cycles chez 96 couples présentant une infertilité inexpliquée, 37 couples (38,5 %) présentent des anomalies : 6 réponses ovariennes insuffisantes, 13 anomalies ou échecs de fécondation, 9 anomalies du développement embryonnaire, 9 anomalies multiples.  

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

Vidéo sur le même thème