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Endocrinologie

Publié le 20 avr 2010Lecture 7 min

Insensibilité complète aux androgènes : visage actuel de ce trouble de la différenciation sexuelle

C. NIHOUL-FÉKÉTÉ, Hôpital Necker, Paris
Le diagnostic et le traitement de l’insensibilité complète aux androgènes (« testicule féminisant ») ont été complètement modifiés dans les deux dernières décennies. Le diagnostic de cette anomalie est maintenant très précoce (hernie inguinale du nourrisson fille, et diagnostic prénatal) et il est rare que l’on attende l’aménorrhée primaire pour faire le diagnostic. 
Contrairement aux idées reçues, la cavité vaginale de ces jeunes femmes est, le plus souvent, suffisante pour une activité sexuelle ; les dilatations et l’allongement chirurgical du vagin ne sont jamais nécessaires en première intention. Enfin, contrairement à ce qui avait été écrit, la cancérisation des testicules féminisants est très rare (0,8 %) ; comme l’aromatisation de la testostérone est normale, ces sujets ont une puberté totalement féminine (absence de récepteur aux androgènes) et nous proposons, suivis en cela maintenant par d’autres équipes, de laisser les gonades en place jusqu’à la fin de la puberté au moins. Ainsi, la jeune fille et ses parents seront confirmés dans son identité féminine. Une surveillance au long cours des testicules intraabdominaux est nécessaire. L’identité sexuelle et le rôle sexuel de ces patientes sont vraiment féminins sous réserve que l’environnement psychologique de ces familles ait été bien mené, en particulier avec des explications répétées et complètes du mécanisme de l’anomalie de la différenciation sexuelle et une information progressive, mais complète, de l’enfant.   Définition Pour que l’embryon masculin se masculinise normalement, entre la 6e et la 12e semaine de gestation, il faut que les testicules sécrètent de la testostérone, qu’une enzyme (V α-réductase) permette la réduction en dihydrotestostérone et, surtout, qu’il existe au niveau des organes génitaux externes et du vagin, des récepteurs cellulaires à la testostérone. Lorsque ces récepteurs manquent totalement, il n’y a aucune virilisation de l’embryon qui aura, à la naissance, un phénotype féminin normal. En revanche, le testicule ayant sécrété normalement l’hormone antimullérienne, ces sujets de phénotype féminin n’ont pas d’utérus. Actuellement, chez 100 % de ces sujets, on détecte une mutation dans le récepteur des androgènes ; cet examen en biologie moléculaire est le déterminant essentiel pour faire le diagnostic de l’insensibilité complète aux androgènes.   Diagnostic Adénofibrome  Actuellement, le diagnostic est le plus souvent fait lors de la constatation, pendant une intervention chirurgicale sur une hernie inguinale du nourrisson fille, d’une gonade ressemblant à un testicule. Dans l’expérience de chirurgie pédiatrique, plus d’1 % des hernies inguinales de la fillette sont des insensibilités totales aux androgènes. En postopératoire, on demandera une échographie de l’utérus : si l’utérus n’est pas vu, il faudra informer la famille et lui proposer un caryotype, qui sera évidemment XY.    La deuxième éventualité de diagnostic est celle du diagnostic prénatal : une femme a eu une amniocentèse (âge maternel, nuque épaisse, β-hCG anormales) et le caryotype XY n’est pas conforme à l’aspect des organes génitaux externes, à l’échographie morphologique de 22 semaines. La recherche de mutation dans le surnageant du liquide amniotique permettra le diagnostic exact de l’anomalie.    Plus rarement, actuellement, il s’agit d’une jeune fille ayant un phénotype féminin normal qui fait une puberté féminine normale (estrogènes par aromatisation de la testostérone), mais qui a une aménorrhée primaire : l’échographie va découvrir l’absence d’utérus et la constatation d’une très faible, voire absente, pilosité pubienne et axillaire qui oriente vers le diagnostic. Ce diagnostic, encore une fois, sera confirmé par la biologie moléculaire. Il faut remarquer que ces jeunes filles post-pubères ont souvent un testicule palpable dans la région inguinale, qui n’avait pas été noté par la famille, ou bien ont été opérées d’une hernie inguinale dans l’enfance.   Conduite à tenir Quel que soit l’âge où l’on fait le diagnostic (foetus jusqu’à la puberté), il est indispensable que ce diagnostic soit confirmé par la biologie moléculaire. En effet, il faut être certain qu’il s’agit d’une insensibilité totale aux androgènes pour donner une information juste à la famille et, surtout, se permettre de garder les testicules en place intra-abdominale et de laisser se déclencher une puberté spontanée. La biologie des hormones aide au diagnostic : on va trouver une testostérone presque normale et une hormone antimüllérienne augmentée, le rétrocontrôle par la testostérone n’étant plus assuré. Cette activité testiculaire normale permet d’éliminer les dysgénésies testiculaires pures. Le point le plus important de notre thérapeutique est l’information : si l’on veut que ces jeunes femmes acquièrent une identité sexuelle solide, il faut absolument leur donner la totalité des informations concernant leur différence, y compris le caryotype. Les hernies inguinales seront opérées. Les testicules seront réintégrés dans l’abdomen, au besoin avec une agrafe en titane qui permettra à l’échographiste, ultérieurement, de les surveiller facilement. Le vagin sera exploré au moment de l’intervention sur la hernie inguinale, ce qui permettra de le mesurer. Il faudra refaire une appréciation du vagin après la puberté (que l’on espère spontanée si l’on a gardé les testicules). Si la largeur et la trophicité du vagin sont toujours normales, la longueur est parfois insuffisante et des autodilatations vaginales par la jeune fille seront le plus souvent efficaces. Il est très rare d’avoir à recourir à un allongement du vagin que l’on préfèrera réaliser par une sigmoïdo-vaginoplastie. Si l’enfant a été gonadectomisé dans l’enfance, il faudra assurer une puberté thérapeutique que nous préférons initier par des petites doses d’estrogènes, pour un âge osseux de 11 ans environ, puis compléter par des progestatifs à la fin de la puberté pour avoir une substitution hormonale cyclique et peut-être protéger les seins. Il s’agit d’une affection liée à l’X et l’on retrouve fréquemment des tantes, ou grand-tantes, atteintes, ce qui, à l’interrogatoire, se traduit par des femmes sans descendance mais, le plus souvent, ayant une vie féminine banale, et porteuses de testicules intra-abdominaux sans complication.   EN PRATIQUE • Devant un arbre généalogique montrant des femmes stériles et sans règles, devant un foetus présentant une dissociation entre un caryotype XY et une morphologie féminine à l’échographie – surtout devant une hernie inguinale de la fillette contenant la gonade, le diagnostic d’insensibilité complète aux androgènes devrait être suspecté. • Les dosages biologiques montrant une activité testiculaire banale, l’absence d’utérus en échographie, voire après la puberté une aménorrhée primaire chez un être de phénotype féminin, doivent faire suspecter le diagnostic. Celui-ci ne sera confirmé que par la biologie moléculaire. • L’information de l’enfant et de toute sa famille est indispensable. • On peut obtenir d’excellents résultats en matière d’identité, de rôle et d’adaptation socio-professionnelle si l’on a donné une information complète et intelligible. Nous préconisons de garder les testicules intra-abdominaux, ce qui permet une puberté spontanée féminine.  

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