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Infertilité

Publié le 23 mar 2009Lecture 9 min

FIV : faut-il récuser en fonction d’un seuil statistique ?

L. LARUE, Groupe hospitalier Diaconesses – Croix Saint Simon, Paris

La décision d’inclusion en protocole de fécondation in vitro (FIV) est le plus souvent simple, de même que la décision d’exclusion lorsque le pronostic de réussite est très défavorable. En revanche, elle est plus complexe lorsque le pronostic est incertain. Les attitudes peuvent être alors très variables en fonction du pays, du centre et du praticien, allant du paternalisme traditionnel dans notre pays à une délégation plus anglosaxonne aux couples de la prise de décision. À l’occasion de la rédaction collégiale d’un référentiel de prise en charge en FIV dans notre centre, nous avons souhaité réfléchir sur les données qui nous permettent de poser nos indications et en particulier sur la part à réserver aux données statistiques.  

Le seuil zéro BB existe-t-il ? Dans un premier temps, il nous a semblé pertinent de rechercher l’existence de seuils dans les paramètres cliniques ou biologiques qui permettraient de prévoir un échec quasi certain de la FIV (seuil zéro BB à la maison). L’existence de ces seuils justifierait naturellement le refus d’inclusion en FIV. Nous avons utilisé les bases de données étrangères anglaises et nord-américaines accessibles par Internet, la base française FIVNAT(1-3) et notre base personnelle qui collige 5 409 tentatives exploitables. Nous avons recherché les seuils « zéro BB » dans les populations de mauvais pronostic essentiellement représentées par les patientes présentant un défaut de compétence ovarienne. Les indicateurs choisis de cet état, volontairement restreints à des indicateurs simples et accessibles, ont été l’âge, les nombres d’ovocytes et d’embryons obtenus et les doses de gonadotrophines utilisées. Nous avons ensuite combiné ces indicateurs pour essayer d’individualiser des populations à pronostic nul. Nous retiendrons sur les résultats reportés dans les tableaux 1 et 2, que la règle est d’obtenir des naissances avec des pourcentages non négligeables lorsque le nombre de cas étudiés est suffisamment important et ce, quelle que soit la combinaison des indicateurs. Il est donc illusoire de chercher le seuil statistique « zéro BB ».  Le seuil statistique clinicobiologique « zéro BB à la maison » en FIV n’existe pas.  Mais alors qui décide ? L’exclusion des patientes de mauvais pronostic en FIV est une évidence médicale pour certains, mais pour quelles raisons un taux de succès différent de zéro ne serait-il pas acceptable, et qui doit décider si ce taux est suffisant ou non pour inclure un couple en FIV ? Le médecin est-il le mieux placé pour répondre à ces questions ? Il est saisissant de constater que les attitudes médicales face à une indication difficile peuvent être très différentes, alors que les données de référence à disposition des médecins par leur formation et la littérature devraient, s’il s’agissait de raisonnement et d’analyse scientifiques, aboutir à des décisions comparables.  Par ailleurs, la tradition paternaliste, qui prévaut encore dans notre pays, peut paraître choquante outre-Atlantique où le patient correctement informé est considéré comme autonome pour ses décisions. La réalité scientifique de nos attitudes médicales dans ces cas difficiles est bien le fond du problème. Nous pouvons poser la question essentielle de savoir si nous sommes bien dans le domaine du rationnel lorsque nous parlons de désir d’enfant et si les patients sont en mesure de faire un choix basé sur des informations objectives. Nous avons essayé l’année dernière d’apporter des éléments de réponse à cette question par l’étude prospective suivante : lorsque, dans notre centre, nos critères habituels d’exclusion d’un couple pour une FIV étaient présents (patiente > 42 ans et/ou FSH > 12 et/ou mauvaise réponse à une FIV antérieure caractérisée par l’obtention de moins de 3 ovocytes matures), le conseil clairement donné par le même consultant tout au long de cette étude, longuement argumenté et accompagné par un document écrit explicatif des résultats, bénéfices et risques de la technique et des possibilités alternatives, était de ne pas faire de FIV. La décision finale était laissée aux couples après un délai de réflexion d’au moins 1 mois. Sur les 25 patientes incluses dans l’étude, 18 ont néanmoins souhaité faire la FIV, ce qui confirme bien que, dans la grande majorité des cas (72 %), la décision prise par le couple est contraire à celle que nous lui avons conseillée et rationnellement argumentée. Laisser le choix aux patients est le plus souvent perçu comme un encouragement à utiliser la technique (si j’ai le choix c’est que le médecin y croit).  L’information éclairée ne suffit pas ; le médecin ne peut pas se dégager de son implication dans la décision d’un couple de choisir de faire une FIV.  Il faut noter dans cette étude de cas difficiles qu’aucune grossesse n’est survenue en FIV et que 5 grossesses naturelles sont survenues dans l’année, sans ou en dehors des traitements (tableau 3), ce qui confirme bien, sur cette petite série, la mauvaise indication de la FIV et l’intérêt du suivi après la FIV pour bien évaluer le pronostic spontané de ces patientes, pronostic qu’il faut comparer à celui de la FIV. Enfin, il faut signaler la grande difficulté en consultation de faire entendre les inconvénients et risques de la FIV, qu’ils soient chirurgicaux et anesthésiques ou des conséquences psychologiques et sur la vie intime des couples. L’insuffisance ovarienne prématurée isolée ou liée à l’âge n’est pas une indication de FIV. Les chances de grossesses prévisibles en FIV doivent être supérieures à celles des alternatives y compris de l’abstention.     En dehors du couple patient/ médecin, la décision d’inclure des patients de mauvais pronostic peut poser problème à l’équipe clinico-biologique pour deux raisons : – la motivation et le dynamisme de l’équipe peuvent être difficiles à entretenir face à des mauvais résultats ; – par ailleurs, la crainte de voir s’altérer les statistiques globales du centre ne doit pas être sousestimée comme renforcement de l’exclusion. Si l’unanimité existe sur la réalité de l’influence du type de recrutement sur les résultats, la polémique persiste sur son niveau réel de retentissement et certaines études ne notent pas de corrélation entre les performances des centres et le type des populations traitées(4). Dans notre centre, nous avons voulu évaluer les modifications que nous observerions sur nos statistiques globales si nous changions notre politique de recrutement. Nous avons donc, à partir de notre base informatique, éliminé rétrospectivement certaines populations à pronostic défavorable, puis recalculé les résultats. Les chiffres sont présentés dans le tableau 4.     Nous voyons que pour gagner 3 points de résultats, il nous aurait fallu éliminer plus de 1 000 patientes soit 20 % de nos inclusions. Il n’y a donc pas à craindre de retentissement majeur sur les résultats d’un centre d’une politique d’inclusion raisonnable, ni de raison de pratiquer un tri drastique, difficilement compatible avec un exercice humain de la médecine. La politique d’inclusion doit trouver ses justifications sur d’autres critères que les résultats annuels des centres d’AMP. Pour plus de clarté, il serait cependant souhaitable que les résultats des centres français soient exprimés, comme au Royaume- Uni ou aux États-Unis, par groupes de populations, afin de faire le tri entre ce qui est imputable au recrutement et ce qui revient à la qualité technique du centre. L’adjonction de résultats standardisés sur une population témoin permettrait de s’affranchir définitivement de cette crainte d’inclure des patients de mauvais pronostic, car ils ne seraient pas comptabilisés dans cette catégorie. Enfin, la société représentée par nos tutelles pourrait prétendre à un rôle décisionnel dans les inclusions en FIV au nom de la garantie de l’accès aux soins pour tous, au nom de l’exigence de qualité qui suppose que la décision médicale ne soit pas uniquement dépendante du médecin ni de la structure de soin, mais soumise également à des référentiels consensuels de prise en charge. En tant qu’organisme payeur, le rapport coût/efficacité pourrait faire discuter non pas l’inclusion mais le remboursement des FIV dans les cas les plus péjoratifs.   En pratique, on retiendra Actuellement, la FIV est souvent la fin du parcours dans notre centre. Récuser une indication de FIV est fréquemment vécu comme une injustice par les couples et les soignants, alors que l’expérience montre que bien des grossesses surviennent après, soit naturellement, soit par d’autres méthodes. Il faut donc probablement repositionner la FIV dans une perspective plus globale du parcours de l’infertilité, relativiser l’importance d’un refus d’inclusion et continuer l’accompagnement lorsque la FIV est récusée.    Il serait souhaitable, en théorie, que le couple décide après informations claires et loyales sur les bénéfices et risques des techniques d’AMP, mais nous doutons que dans le domaine du projet d’enfant, nous soyons dans le registre du rationnel. Nos résultats montrent que lorsque le choix final d’inclusion en FIV est laissé aux patients, cette liberté est ressentie par un certain nombre de couples comme un encouragement à choisir cette technique, alors que nous souhaitons faire passer le message contraire. Nous sommes donc bien là face à notre responsabilité de médecin qui doit, dans le cadre du colloque singulier, en accord avec les données statistiques et en conscience, guider la décision tout en entendant la volonté du patient. En l’état actuel de nos réflexions, il ne nous semble pas souhaitable que l’inclusion en FIV soit uniquement dictée par des données statistiques ni, a fortiori, par des guides opposables. L’indicateur prédictif « zéro grossesse » n’existant pas, il nous semble pertinent de poser comme principe d’inclusion que les chances de grossesses FIV en fonction de l’indication doivent être supérieures aux chances des alternatives y compris de l’abstention. Ce principe repose clairement la question du bienfondé de l’inclusion en FIV des cas d’insuffisance ovarienne isolée ou dans les infertilités dites « inexpliquées » des patientes de plus de 40 ans.    Chaque centre et chaque médecin doivent pouvoir, en respectant des données de la science, garder une marge de liberté dans ses indications, sous réserve qu’un accès équitable aux soins est assuré.    Enfin, l’expression des résultats doit faire apparaître clairement les différents types de populations traitées, afin de pouvoir évaluer dans la transparence les performances techniques réelles de chaque centre et permettre d’établir une politique d’inclusion indépendante des contraintes de résultats.  

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