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Contraception

Publié le 27 juil 2008Lecture 10 min

Contraception hormonale et cancer du col

N. GAVILLON, C. QUEREUX, O. GRAESSLIN, Institut Mère Enfant Alix de Champagne, CHU Reims

Le cancer du col utérin est lié à l’infection génitale par Human Papilloma Virus (HPV) de type 16 et 18, mais aussi 31, 33, 35, 51, etc. Seule une minorité de patientes infectées par les HPV à haut risque vont développer un cancer du col. Il existe plusieurs facteurs recensés par l’IARC (International Agency for Research on Cancer) pouvant augmenter l’incidence des cancers associés à l’infection par HPV, tels que la co-infection avec chlamydia ou le VIH, le tabac et la parité (≥ 3 enfants). Plus récemment, l’utilisation de la contraception estroprogestative (et non progestative seule) a été incriminée (1). La vaccination anti-HPV modifiera peut-être le cours de cette évolution…

 
Les études épidémiologiques Il est admis, depuis plusieurs métaanalyses et analyses de cohortes, que la contraception orale est associée à une augmentation du risque de CIN de haut grade et de cancer infiltrant. • Dans la métaanalyse de Smith (2) parue en 2003, sur 12 531 femmes ayant un cancer du col, il y a une légère augmentation du risque, corrélée avec la durée de prise : RR 1,1 (1,1-1,2) pour moins de 5 ans de prise, 1,6 (1,4-1,7) pour 5 à 9 ans de prise et 2,2 (1,9-2,4) pour 10 ans et plus de prise. Le risque se normalise après 8 ans sans pilule. • Deux études de cohorte sont intéressantes : – celle de l’Université d’Oxford (3) qui montre une étroite relation entre l’usage de la contraception orale et la durée de prise après 8 ans : le RR est de 6,1 (2,5-17,9) comparativement à des non-utilisatrices ; – la ré-analyse de celle du Royal college des praticiens généralistes (4) comparant 774 000 AF sous pilule vs 339 000 non-utilisatrices. Le RR est de 1,33 (0,92-1,94). • La métaanalyse la plus récente (5), parue en 2007, a repris l’ensemble des études de la littérature. Vingt-quatre des 35 études éligibles ont été retenues, permettant de retrouver 16 573 cancers du col utérin (11 170 cancers invasifs, 5 403 CIN3 ou carcinome in situ) ; il en résulte : – une augmentation du RR de cancer du col avec la durée de la prise, au-delà de 5 ans : avec respectivement un RR = 1,2 (durée totale de prise de contraception orale progestative [COP] entre 5 et 9 ans) et RR = 1,56 (durée totale de prise de COP ≥ 10 ans) ; – une diminution du risque de cancer du col chez les patientes après arrêt de la COP, le surrisque disparaissant au-delà de 10 ans d’arrêt ; – les résultats étaient identiques entre le risque de CIN3 et celui de cancer invasif.   Pourquoi la  prévalence  du cancer du col  utérin chez  les utilisatrices  de COP augmente-t-elle ? Deux faits font suspecter une relation entre estrogènes et cancer du col utérin Le premier est la recrudescence de cancer du col avec un effet/temps d’exposition dépendant chez les patientes sous CO, dont l’estrogène est l’éthinyl- estradiol qui a une activité estrogénique beaucoup plus importante que les estrogènes endogènes. Le second est l’augmentation de risque de cancer du col avec la parité, le risque étant 3,8 fois plus important s’il y a eu 7 grossesses ou plus ; or, la grossesse est une circonstance où les patientes sont exposées à des taux élevés d’estrogènes.   Le rôle de l’HPV dans la cancérogenèse  est certain, mais comment agit la CO ? Il est à ce jour impossible de préciser avec certitude à quel(s) niveau(x) la contraception hormonale pourrait jouer un rôle dans le développement du cancer du col comme cofacteur d’HPV ou indépendamment de lui.    Exposition au papillomavirus et CO : un risque supérieur aux méthodes barrières La transmission de l’HPV se faisant essentiellement lors des rapports sexuels, les patientes qui utilisent une COP ont plus de risque d’exposition aux HPV que celles qui utilisent des méthodes barrières ou qui n’ont pas de rapports sexuels. En effet, l’utilisation de préservatifs entraîne une diminution de la transmission d’HPV dont l’importance reste sujette à discussions dans la littérature.    Protection incomplète… La métaanalyse de Manhart et Koutsky (6) révèle qu’aucune des 20 études retenues ne démontre d’efficacité au préservatif pour prévenir l’infection à HPV et les pathologies qui lui sont associées. D’autres séries plus récentes ne lui reconnaissent qu’une prévention très partielle sans doute parce qu’inconstamment utilisé, mais aussi parce que les caresses intimes sont un mode de contamination classique, même sans pénétration pénienne.    … mais une certaine protection Il existe, pour certains, une relation entre la fréquence d’utilisation et le faible taux de transmission : ainsi, les patientes dont les partenaires sexuels utilisent des préservatifs dans plus de la moitié des rapports ont une diminution de 50 % du risque de transmission comparé à celles dont le (ou les) partenaire(s) les utilisent dans moins de 5 % des rapports.    Des modifications anatomiques exposent le col à HPV La CO entraîne des modifications de la zone de transformation du col utérin extériorisant la zone de jonction et on peut imaginer que cela facilite les infections cervicales. Les ectropions sont plus fréquents chez les patientes utilisatrices de contraception orale et pourraient être associés à une recrudescence des infections sexuellement transmissibles (IST). De nombreuses études ont rapporté une association entre la présence d’ectropion cervical et la prévalence ou l’incidence d’infections à chlamydiae. Plus spécifiquement, une autre étude a également mis en évidence une association entre ectropion et infection à HPV. Dans la littérature, les résultats des études cliniques sont néanmoins contradictoires concernant l’association infection à HPV et CO, mais dans la plus récente métaanalyse, ni les patientes ayant déjà pris une CO, ni celles ayant eu une prescription > 5 ans ne présentaient une augmentation significative du taux d’infection par HPV.    Action des estrogènes sur les gènes E6 et E7 Le génome des HPV est constitué d’une molécule d’ADN double brin de 8 000 paires de bases environ. Les protéines E6 et E7 de l’HPV sont impliquées dans les processus d’immortalisation et de transformation cellulaire. Les estrogènes ont une action sur la réplication virale et des études in vitro ont montré que le 17b estradiol stimulait la transcription des ARNm de HPV, notamment ceux issus des oncogènes E6 et E7. Riley (7) a étudié l’action de chaque oncogène à l’aide de lignées de souris transgéniques K14 E6 et K14 E7 et a retrouvé les effets suivants : – l’expression d’E7 au niveau du col utérin entraîne une hyper-prolifération cellulaire, l’apparition de lésions dysplasiques, puis une transformation néoplasique des cellules ; – l’expression d’E6 est, à elle seule, incapable de réaliser une telle transformation. En revanche, elle est responsable d’une augmentation du nombre de copies dans la région centromérique entraînant une instabilité génomique ; – la combinaison E6/E7 entraîne des lésions néoplasiques plus volumineuses. Les estrogènes agissent comme facteur cocarcinogène avec le gène E7 en induisant une hyperprolifération (dérégulation du cycle cellulaire liée en partie à l’inactivation du gène de la protéine du rétinoblastome : pRB, gène suppresseur de tumeur), une inhibition de la différenciation épithéliale menant à la dysplasie de haut grade et une inhibition de l’induction de l’apoptose. E6 a comme principal mode d’action, l’interaction avec l’anti-oncogène p53. In vivo, sa présence seule ne suffit pas à la transformation néoplasique au niveau du col utérin. En revanche, couplée à E7, une action synergique est retrouvée. Cependant, dans les études épidémiologiques, l’association n’est pas plus forte entre cancers invasifs et contraception que pour CIN3 et contraception. Ces résultats suggèrent que les estrogènes exogènes ne jouent pas de rôle dans le passage d’un CIN3 vers l’invasion.    Influence des hormones sur l’immunité Le rôle de l’immunité cellulaire apparaît primordial dans le contrôle de l’infection à HPV. Les hormones sexuelles ont une influence certaine sur le système immunitaire même si les mécanismes précis sont mal connus. Les patientes prenant une contraception orale présentent une diminution de l’activité des lymphocytes NK, première ligne de défense immunitaire qui interviendrait aussi dans la régulation de certaines cytokines IL2 et de l’interféron g.   Place de la vaccination anti-HPV... Elle est purement spéculative et sans aucune démonstration à ce jour. Dans la mesure où ce mode de contraception semble plus à risque de contracter l’HPV qu’une méthode barrière, où l’estrogène de la contraception modifie l’immunité cellulaire qui contribue à éradiquer le virus et, enfin, puisque le même estrogène a une action facilitatrice sur la protéine oncogène E7 propre à favoriser l’intégration du génome viral et la prolifération cellulaire, on peut penser que le vaccin, bivalent ou quadrivalent, tendra à atténuer le petit sur-risque de développer un CIN de haut grade, voire un cancer. Si tel n’était pas le cas, cela conduirait à réévaluer les mécanismes par lesquels la CO augmente le risque cervical de néoplasie.   ... et du dépistage Puisque la contraception augmente légèrement le risque de néoplasie et que le vaccin n’est pas systématiquement efficace, les autorités de santé recommandent aussi une campagne de communication visant à promouvoir le dépistage du cancer du col. Il n’est pas nécessaire de commencer un tel dépistage avant l’âge de 25 ans ; dans la plupart des pays toutefois, un certain rajeunissement de l’âge du cancer invasif explique que la sagesse est peut-être de commencer vers 20 ans, sachant que les sociétés savantes américaines ont conseillé de commencer 3 ans environ après le début de l’activité sexuelle. La contraception est un excellent espace pour faire du dépistage et de l’information. Utilisons-le.   Conclusion Il existe une association entre CO et cancer du col qui n’est pas le fruit de biais statistiques ou de facteurs confondants. L’immunité est modifiée et l’estrogène a une action sur la protéine oncogène E7. La vaccination peut être bénéfique sur le risque cervical des femmes sous CO. La pratique régulière du frottis cervical, voire dans un proche avenir du testing viral, permet de dépister les lésions précancéreuses, ce qui minimise l’impact de l’action reconnue comme cancérigène de la contraception estroprogestative dont « les bénéfices excèdent largement les risques en matière de santé publique » (OMS).    En pratique  La contraception estroprogestative augmente le risque de cancer du col au-delà de 5 ans d’utilisation, avec un effet exposition/dépendant, ce sur-risque s’annule 10 ans après l’arrêt de la CO.  La contraception par préservatif protège mieux contre l’infection par HPV que la contraception orale et permettrait une persistance moindre de celui-ci au niveau cervical.  Il existe une association entre CO et cancer du col qui n’est pas le fruit de biais statistiques ou de facteurs confondants. La CO extériorise la zone de jonction, ce qui pourrait être associé à une recrudescence des infections sexuellement transmissibles, chlamydiae et HPV en particulier. L’immunité cellulaire est modifiée du fait d’une action des estrogènes sur les lymphocytes NK. L’estrogène a une action sur les protéines oncogènes E6 et E7 du papillomavirus.  La pratique régulière du frottis cervical permet de dépister les lésions précancéreuses, ce qui minimise l’impact de l’action reconnue comme cancérigène de la contraception estroprogestative.  La vaccination peut être bénéfique sur le risque cervical des femmes sous CO.  Cette association n’est en aucun cas une remise en question de la contraception hormonale. L’abandon de la pilule ne protègerait pas contre le cancer du col qui est surtout lié à HPV.    

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