Publié le 31 mai 2025Lecture 11 min
Restauration de la sphère génitale : microfat nanofat versus acide hyaluronique et lipofilling
Sophie MENKES, Centre de médecine esthétique et régénérative, clinique Nescens, Genolier, Suisse

L’atrophie vulvo-vaginale est un trouble très fréquent qui est principalement lié au processus de vieillissement naturel, en particulier après la ménopause, en raison d’une carence d’estrogène(1). Cependant, ce problème ne concerne pas uniquement les femmes ménopausées ; les jeunes femmes peuvent également être affectées, par exemple après une chimiothérapie, un accouchement ou en raison de la prise d’une pilule mal adaptée.
Cinquante pour cent des femmes ménopausées souffrent d’au moins un des symptômes cliniques liés à l’atrophie vaginale et sont affectées en termes de qualité de vie et d’activité sexuelle. Ce sujet reste tabou. Les seuls traitements conventionnels, à l’exception des crèmes et des lubrifiants à utiliser pendant les rapports sexuels, sont les thérapies hormonales substitutives. Ces dernières sont prescrites en l’absence de contre‐indication, ainsi que les estrogènes topiques(2).
Aujourd’hui, nous ne parlons pas d’atrophie vulvo‐vaginale mais de syndrome génito‐urinaire de la ménopause : le GSM. Il s’agit d’une association de symptômes et de signes qui affectent la vulve, le vagin, l’urètre et la vessie.
La fonction des grandes lèvres, qui sont charnues pendant la jeunesse, est de fermer et protéger la vulve. Cependant, elles perdent leur volume et s’aplatissent avec l’âge.
Les symptômes de l’atrophie vulvo‐vaginale sont la sécheresse, les brûlures, l’irritation, la perte de lubrification, la laxité, l’inconfort et la douleur. Les conséquences sont des infections vaginales, des cystites, des dysuries et des dyspareunies.
Cette atrophie va entraîner une réduction de la prolifération épithéliale et de la synthèse du glycogène, une élimination de la flore pelvienne normale (Lactobacillus) en raison d’un pH qui devient trop élevé et une diminution de la vascularisation. Tout cela provoque une diminution de la transsudation et des sécrétions vaginales.
La prévalence de la sécheresse vaginale varie entre 27 % et 55 %, la dyspareunie entre 32 % et 42 % et les infections des voies urinaires entre 4 % et 15 % chez les femmes ménopausées.
L’impact de ces symptômes peut être mesuré avec deux échelles. La première est le score de Fridmann qui est un indice de sécheresse vaginale ; la seconde est l’échelle de détresse sexuelle féminine ‐ révisée (FSD scale‐revised), qui mesure la souffrance morale des femmes.
Le but de la prise en charge est de régénérer la zone vulvo‐vaginale pour augmenter la vascularisation, la néocollagenèse, la régénération des nerfs et des tissus, de restaurer la trophicité et la fonction des grandes lèvres. Le résultat attendu est l’hydra tation et la stimulation de la muqueuse vaginale, la restauration du trophisme tissulaire, de la flore bactérienne (Lactobacillus), d’un pH normal/acide, ainsi qu’une transsudation normale.
Acide hyaluronique et lipofilling
L’acide hyaluronique est fréquemment utilisé et a montré son bénéfice. À 1 mois, 90 % des patientes sont satisfaites, 75 % très satisfaites et 15 % moyennement satisfaites. Ce taux diminue à 6 mois, d’où la nécessité de renouveler le traitement. Ce traitement permet la réhydratation de la muqueuse vaginale(3). D’autres solutions existent comme le plasma riche en plaquettes (PRP)(4), les lasers(5) et la technique du microfat nanofat grafting que nous avons développée il y a plus de 5 ans.
Le lipofilling, quant à lui, est aussi indiqué dans la restauration de la sphère intime pour améliorer le volume des grandes lèvres. Le lipofilling autologue est désormais largement accepté pour remplir les volumes et rajeunir(6).
Il est devenu une procédure populaire pour le rajeunissement des tissus mous et l’amélioration de la forme du corps en chirurgie esthétique et reconstructive.
Alors que la manipulation chirurgicale et le prélèvement du tissu adipeux sont généralement des procédures simples, le tissu lui‐même est complexe. En effet, il est formé d’adipocytes et de sous‐populations cellulaires, notamment des cellules souches adipose derived stem cells (ASC), des cellules souches mésenchymateuses (MSC) et de nombreux autres types de cellules souches qui ont le potentiel de régénérer les tissus. À noter que le niveau de survie du greffon graisseux est encore incertain et sous‐optimal. L’imprévisibilité du taux de survie à long terme du greffon reste donc un problème à résoudre.
Procédure nanofat-microfat
Des patientes présentant des troubles trophiques vaginaux, une atrophie des grandes lèvres et un GSM ont été incluses. La procédure nanofat‐microfat est réalisée sous anesthésie locale.
Protocole opératoire
Après désinfection à la povidone iodée, la graisse est prélevée le plus superficiellement possible. L’objectif est d’obtenir un nombre maximum de cellules souches, de très petits lobules (900 microns), de la face externe de la cuisse, de la face interne du genou ou de l’abdomen.
L’anesthésie a été induite par infiltration avec une solution de Klein (500 mL de solution saline normale, 50 mL de lidocaïne à 2 %, 1 mL d’adrénaline au 1:1000 et 15 mL de bicarbonate de sodium à 8,4 %).
Pour le prélèvement, nous avons utilisé le Hapifat kit® (Benewmedical®) ; une canule 14G‐130 mm a été connectée à une seringue Luer‐Lock® 10 cc, et de petits lobules ont été prélevés sous une faible pression négative, via un système de valve et de connecteur FatLock®, relié à une poche Puregraft® 50 mL.
La procédure est menée dans un système fermé et la quantité de graisse prélevée varie de 30 mL à 50 mL. Tous les 10 mL, la graisse dans la poche Puregraft® a été lavée avec 10 mL de solution saline stérile. À la fin de la procédure, 40 mL de graisse ont été collectés pour obtenir environ 20 mL de tissu microfat.
L’émulsification du microfat pour obtenir une suspension de nanofat a été réalisée avec le kit Tulip® (Tulip Medical® products) ; cela comprend trois connecteurs (2,4 mm, 1,4 mm et 1,2 mm). Le microfat est émulsifié entre deux seringues de 20 cc, connectées l’une à l’autre par un connecteur Luer‐Lock® femelle à femelle. On effectue 30 passages pour chaque connecteur.
Le filtre final est un dispositif de NanoTransfert Tulip® de 600/400 microns, et un seul passage permet d’obtenir un produit pur avec le moins de fibres possible ; le produit peut facilement être injecté à travers une canule 25 G ou une aiguille 30 G.
Un total de 8 mL de suspension de nanofat devrait être obtenu à partir de 10 mL de microfat. À cette suspension, nous avons ajouté du plasma riche en plaquettes (PRP) à 20 %, qui a été préparé à partir du sang natif du patient avec une centrifugation Duografter II® en deux étapes (Fidia®), après le comptage des plaquettes avec un dispositif Horiba ABS Micro® (Axonlab®) pour assurer une qualité appropriée pour la réinjection.
Nous ajoutons également 20 % de PRP au microfat.
L’injection de 6 mL de microfat‐PRP, transféré dans une seringue de 1 cc dans chaque grande lèvre, se fait à l’aide d’une canule 18 G de 80 mm, via un point d’entrée au sommet de chaque grande lèvre, avec une technique rétrograde, après anesthésie locale à la lidocaïne‐épinéphrine 2 %, 2 mL dans chaque grande lèvre avec une aiguille 34 G.
L’injection se fait sous le dartos dans la couche graisseuse sous‐cutanée. Un total de 12 mL de microfat‐PRP a été injecté. Ensuite, après anesthésie locale 1 heure auparavant avec du gel urétral lidocaïne 5 mL, nous injectons au total 9,6 mL de nanofat‐PRP dans le vagin avec une aiguille 30 G : le vestibule avec technique multipoint, les parois latérales et la paroi postérieure, la zone du point G de chaque côté de l’urètre, également avec la technique multipoint, très superficiellement, environ 0,5‐1 mm de profondeur, avec un angle de 10 degrés, les deux ou trois premiers centimètres.
La procédure dure environ 2 heures et est indolore. Seules des complications mineures ont été notées, notamment des rougeurs et des œdèmes entre 2 et 4 jours, ainsi que des ecchymoses et des douleurs au site donneur.
La patiente doit éviter la prise d’aspirine et de médicaments anti‐inflammatoires pendant 1 semaine, ainsi que s’abstenir de nager, de sauna et de hammam pendant 1 semaine, de sports comme le vélo et l’équitation pendant 5 jours, et aucune activité sexuelle pendant 5 jours.
Résultats
Les patientes présentant des troubles trophiques vaginaux, une atrophie des grandes lèvres et un GSM sont traitées. Après environ 4 semaines, les patientes commencent à ressentir une meilleure hydratation au niveau de la muqueuse ; à douze semaines, les rapports sexuels sont beaucoup moins douloureux.
On obtient une très bonne amélioration du score de Fridmann (figure 1) et de l’échelle FSD (figure 2) : à 6 mois plus de 80 % des patientes ont normalisé ces deux échelles.
Figure 1. Résultats du score de Fridmann.
Figure 2. Résultats sur l’échelle FSD.
Nous avons trouvé un bénéfice particulier sur la sécheresse, avec reprise des sécrétions vaginales, et sur la dyspareunie, ainsi qu’une amélioration de la trophicité des grandes lèvres avec un effet liftant.
Cinq ans après le traitement, 100 % des patientes sont stables.
Discussion
La graisse est composée de 30 % à 60 % d’adipocytes et de cellules sanguines. Après centrifugation, nous obtenons le culot rouge qui contient la fraction vasculaire stromale (SVF). Mais elle était jusqu’alors complexe et onéreuse à obtenir. La SVF est composée de cellules endothéliales, de cellules hématopoïétiques, de péricytes, de fibroblastes… et des adipose derived stem cells (ASC), les plus importantes de toutes. En effet, ces cellules sont capables de se différencier en cellules d’autres tissus. Mais surtout, elles possèdent une activité paracrine extrêmement importante, avec la sécrétion de facteurs de croissance : cytokines, facteurs chimiotactiques, stimulateurs de la matrice extracellulaire (ECM) et leurs inhibiteurs, médiateurs qui régulent l’inflammation et qui régulent aussi certaines enzymes comme la cyclooxygénase(7,8).
Ce sécrétome est la clé de l’effet régénératif à travers les microvésicules et exosome(9).
La découverte de l’ASC a conduit à développer cette nouvelle technique, le nanofat grafting, émulsion obtenue de façon purement mécanique, dont la SVF est le composant principal. C’est une émulsion obtenue à partir d’une infime quantité de graisse autologue, qui a de fortes capacités de régénération, et peut être injectée à l’aide d’une fine aiguille ou d’une canule(10). La graisse est facile à collecter avec des procédures approuvées ; le traitement se fait en une journée, et les tests cliniques ont confirmé sa sécurité. Il est important d’en connaître la composition exacte. Cela change‐t‐il d’une procédure à l’autre ? Les cellules sont‐elles les mêmes d’une zone donneuse (comme l’abdomen ou les cuisses) à une autre ? De nombreuses discussions et publications existent sur la taille de la canule, la désinfection, le lavage du produit, la zone de prélèvement. Il est certain que chaque étape du processus est importante et peut changer le résultat(11‐13).
Des études sont en cours, mais nous savons aujourd’hui que le nanofat ne contient pas d’adipocyte viable, uniquement des cellules mésenchymateuses. C’est pourquoi le nanofat n’augmente pas le volume, contrairement au microfat qui contient encore des adipocytes viables ou au macrofat : lipofilling(6).
Le PRP est défini comme la fraction plasmatique du sang autologue qui est une riche source de facteurs de croissance. Les plaquettes contiennent en effet entre 50 et 80 granules alpha par unité, chaque granule ayant plus de 30 protéines bioactives, dont certains facteurs de croissance qui ont été étudiés.
Les principaux facteurs de croissance sont :
– le DG, qui permet la prolifération et la migration cellulaire, la synthèse du collagène de type I et III ;
– le PDGF, qui permet l’expression et l’interaction avec d’autres facteurs de croissance, et la prolifération cellulaire ;
– l’IGF‐1, qui permet la prolifération et la migration cellulaire, la synthèse de la matrice extracellulaire et le remodelage, et la synthèse de collagène ;
– le VEGF est l’un des plus im portants car il permet la néo vascularisation, l’angiogenèse et une perméabilité capillaire accrue ;
– l’EGF pour la prolifération cellulaire et la chimiotaxie ;
– le BMP‐12 pour une expression accrue du collagène de type I, la stimulation de la production de collagène et la multiplication des fibroblastes ;
– l’ajout du PRP permet une amélioration de la prise de greffe avec une meilleure survie et prolifération des cellules(14,15).
Mais l’effet régénératif est‐il en lien avec la capacité de différenciation et de prolifération de la cellule ou de son activité paracrine ? Plusieurs études indiquent que le mécanisme d’ac tion thérapeutique des cellules souches mésenchymateuses/stromales (CSM) est principalement médié par des facteurs paracrines qui sont libérés par les CSM, tels que les exosomes. Les exosomes sont des vésicules extracellulaires de taille nanométrique qui sont transférées vers des cellules cibles pour une communication de cellule à cellule.
Les microvésicules extracellulaires libérées par les cellules semblent être les composants clés du sécrétome cellulaire. Cette procédure autologue peut fournir une très bonne amélioration dans toutes ces indications, bien que des études supplémentaires soient nécessaires.
Plus récemment encore les rôles fonctionnels des exosomes sont explorés. Les exosomes des cellules souches mésenchymateuses semblent être des options de traitement intéressantes pour la croissance des cheveux, mais également pour l’amélioration de la peau, en termes de rides, de taches, d’inflammation, de cicatrices…
Topical washing buffer est un produit autologue qui, appliqué matin et soir sur la peau pendant 3 mois, montre des résultats très prometteurs. De nouvelles études sont en cours, tendant à prouver que l’effet régénératif se poursuit même après l’arrêt de l’application de la crème.
Reste à déterminer leur principale limite de production s’ils ne sont pas autologues. Mais l’avenir est‐il dans la préparation d’exosomes hétérologues ?
En conclusion
Bien que les exosomes dérivés des CSM (exosomes de CSM) soient proposés comme de nouvelles thérapies acellulaires pour diverses maladies humaines, les études d’évaluation de la sécurité et de la toxicité des exosomes de CSM sont limitées. Les exosomes ASC ont été classés comme non sensibilisants potentiels dans le test de sensibilisation de la peau, sans catégorie SGH de l’ONU dans le test d’irritation des yeux, et comme non irritants pour la peau dans le test d’irritation cutanée, et n’ont induit aucune toxicité dans le test de phototoxicité ou dans les tests de toxicité orale aiguë. Des résultats ont été publiés.
Les premiers résultats suggèrent que les exosomes de l’ASC sont sûrs pour une utilisation en tant que traitement topique, sans effets indésirables dans les tests toxicologiques, et ont une application potentielle en tant qu’agent thérapeutique, ingrédient cosmétique, ou pour d’autres utilisations biologiques. Les résultats sur la peau et les cheveux viennent d’être publiés, ils sont également très prometteurs.
La médecine régénérative est l’avenir de la médecine, nous ne sommes qu’au début de l’histoire, mais nous avançons à pas de géant.
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