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Infertilité

Publié le 28 nov 2024Lecture 18 min

Grossesse pour autrui - Le cas par cas : la solution ?

Israël NISAND, Hôpital américain de Paris, Neuilly‐sur‐Seine

La GPA mobilise la filiation, la famille, l’engendrement et les grands principes moraux de l’Occident. Il n’est besoin, pour s’en rendre compte, que de laisser courir ce sujet autour de la table familiale pour sentir immédiatement que la diversité des avis n’utilise pas les clivages habituels, religieux, politiques ou philosophiques.

L'histoire personnelle de chacun nous rappelle aisément que la fonction maternelle est plus délicate que la fonction paternelle. Le rôle dévolu à la mère, fragile, a d’ailleurs été si profondément altéré depuis quelques décennies que l’on comprend le réflexe de vouloir protéger la maternité. L’éthique est bousculée par la technique. Ce qui se réalisait parfois dans le secret des familles, la session délibérée d’enfant, ne peut trouver aucune place dans notre système anthropologique. Mais la possibilité d’utiliser les gamètes des parents d’intention ou des gamètes d’une autre femme que ceux de la mère porteuse permet d’entrer dans une configuration imaginable pour soigner l’absence (ou l’anomalie) de l’utérus, devenue ainsi une nouvelle catégorie de stérilité curable par un moyen certes palliatif : l’utérus d’une autre femme. Le débat a été largement obéré par l’hostilité d’une partie conservatrice de la société, qui s’oppose à l’homosexualité dans son ensemble mais surtout à la possibilité pour deux hommes de constituer une famille. Or, la GPA est surtout le seul moyen de traiter, dans les couples hétéro‐sexuels, l’infertilité utérine définitive, et c’est le propos de cette réflexion. Bien que l’affect du médecin soit souvent marqué du sceau compassionnel, mauvais conseiller pour l’écriture des lois, le fait d’être témoin de ces demandes force l’entendement, à la recherche du sens. Nous, médecins, avons la chance d’être stimulés à la réflexion par des couples très divers et en grande souffrance qui nous forcent à interroger la complexité de ce sujet au regard des valeurs morales de notre société laïque et républicaine. La législation actuelle donne un certain confort : elle interdit tout. Cette position, qui a le mérite de la clarté, ne dispense pas de dire ce que le droit français protège par cet interdit(a), ne dispense pas d’expliciter la philosophie de ce droit et oblige à préciser comment la France entend gérer les problèmes de filiation induits par cette pratique lorsqu’elle est mise en œuvre, tout à fait légalement, à l’étranger. La France ne peut pas continuer de mépriser la souffrance de ces couples pour lesquels une solution existe, mais ailleurs et d’accès fort compliqué. La prohibition complète génère comme toujours plus d’effets pervers que d’avantages, y compris dans le domaine bioéthique. Il est en effet difficilement admissible de ne pas se préoccuper de ce qu’on impose par ailleurs aux mères porteuses étrangères embrigadées dans des trafics sordides.   Une relation de subordination ?   Un des textes fondateurs de l’Occident, la Bible, évoque à plusieurs reprises la grossesse et la maternité pour autrui. Ainsi en va le mythe de Sarah, épouse d’Abraham, qui, stérile, proposa à son mari d’avoir des rapports avec la servante Agar. Ainsi naquit Ismaël qui devint, après que ce fut déroulé le rite de la couvade(b), l’enfant de Sarah et d’Abraham. Clin d’œil malicieux du grand architecte de l’Univers, Sarah fut finalement enceinte à 99 ans et donna naissance à Isaac(c). Les relations entre Sarah et Agar se détériorèrent alors, et Sarah, sans aucune hésitation, renvoya la servante et son fils dans le désert. Peut‐être portons‐nous encore aujourd’hui le poids mythique de ce conflit qui n’est toujours pas terminé ? Toujours est‐il qu’Agar, la première mère porteuse mythique du monde occidental, était bel et bien la subordonnée de Sarah. Au centre du débat éthique sur la GPA se trouve donc la relation de subordination d’une femme vis‐à‐vis d’une autre et son instrumentalisation possible. Sûrement la question la plus délicate à traiter : l’indisponibilité du corps humain et la répulsion qu’il y a de le faire entrer dans le champ des biens et des contrats. Au centre du débat éthique également, le sort de l’enfant ainsi conçu et les conséquences négatives qui peuvent l’atteindre, voire altérer ses droits, lui qui n’est responsable en rien de ces montages compliqués qui ont conduit à sa naissance. L’instabilité juridique issue des GPA réalisées à l’étranger peut confiner au drame lorsque l’enfant n’a toujours pas d’état civil validé après plusieurs années de vie et que sa filiation maternelle non établie lui fait courir de nombreux risques juridiques, en cas de disparition de son père notamment ou en cas d’intransmissibilité de l’héritage maternel. Pour rendre le débat plus complexe encore, la nature des demandes de GPA est très variable. On ne peut pas com parer la demande d’un couple sans enfant où l’hystérectomie d’hémostase et la mort de l’enfant lors d’une complication obstétricale grave se sont jouées en un seul acte dramatique avec, par exemple, la demande de GPA de convenance pour une femme qui ne désirerait pas porter son enfant. Cette extrémité, certes rare, pourrait exister si on libéralisait totalement la pratique de la GPA. Le « tout est permis » ne serait pas mieux que l’actuel « tout est interdit ». Le législateur se trouve donc confronté à une grande hétérogénéité des demandes devant des situations : – pour lesquelles on pourrait être tenté de dire qu’il y a une réelle légitimité à aider les couples concernés par l’infertilité utérine définitive en France ; – où, en revanche, de nombreux arguments moraux viennent s’opposer, comme de profiter de la détresse d’une femme pour la contraindre à obtempérer.   Le cas par cas comme réponse ?   Seul le cas par cas peut répondre à cette complexité‐là. Or, le cas par cas existe déjà dans le corpus bioéthique français comme en témoignent les deux exemples suivants : lors du diagnostic prénatal et dans le cas d’une expérimentation humaine sur des volontaires sains. Quand il existe une malformation d’une particulière gravité incurable au moment du diagnostic, le couple peut demander, quel que soit l’âge gestationnel, une interruption médicale de grossesse (IMG) qui ne pourra être effectuée que si un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal (CPDPN) atteste de la particulière gravité et de l’incurabilité de la malformation. Ce « cas par cas » proposé par le législateur en 1994 couvre aujourd’hui l’analyse annuelle de plus de 10 000 dossiers qui conduisent à 8 000 IMG par an. L’agence de la biomédecine étudie chaque année les bilans motivés de la cinquantaine de centres pluridisciplinaires de France. Les décisions prises y sont homogènes et cohérentes et, à quelques exceptions près, elles sont les mêmes partout. La loi est respectée et le contour exact des décisions tient compte de l’extrême diversité des situations cliniques. Ce système qui fonctionne depuis plus de vingt ans a fait la preuve de son efficacité dans un domaine plus que délicat, et les contrôles externes ne montrent pas de dérapages ni d’IMG acceptées pour des malformations bénignes ou curables. Le cas par cas n’a pas été dévoyé dans un laisser‐faire qui serait totalement inacceptable puisqu’il s’agit bien de la vie et de la mort d’un fœtus. Le problème de l’expérimentation humaine sur des volontaires sains a aussi donné lieu à un cas par cas exemplaire. Les comités de protection des personnes, désignés par les préfets, décident avec grande compétence quelle expérimentation est licite et quel projet doit être prohibé. Le refus d’un comité de protection des personnes vaut pour toute la France, et le système présente une réelle efficacité sans dérive connue. Le cas par cas existe et fonctionne dans notre pays à condition de faire confiance aux professionnels et de ne pas vouloir tout encadrer par la loi. Concernant la GPA, si l’on sortait de l’interdit complet et total dans lequel nous nous trouvons actuellement, les demandes de GPA sur indication médicale pourraient être analysées de manière similaire. S’il ne s’agit pas ici de décrire le fonctionnement d’un « comité de la parentalité », il devrait toutefois comporter une parité entre professionnels et non professionnels, entre femmes et hommes, ainsi que des personnalités compétentes en droit de la famille. Ces centres régionaux de la parentalité pourraient prendre le temps d’instruire les demandes afin de dire si la GPA proposée respecte bien les droits de l’enfant et de la mère porteuse. Les médecins pourraient y être auditionnés en tant qu’experts techniques. Il pourrait même apparaître prudent que l’autorisation finale ne soit pas donnée localement mais par une institution nationale, après avis de la commission régionale. Le nombre des demandes est vraisemblablement compatible avec une centralisation nationale qui aurait le mérite de diminuer la variabilité des décisions due à la diversité des subjectivités.   Quelle motivation pour les femmes porteuses ?   Mon expérience personnelle sur les motivations des femmes pour être « mères porteuses » a débuté en 1985 (avant la loi qui interdit toute GPA). J’avais alors en vue de proposer ce genre de traitement et approché dans ma ville une association de femmes(d) candidates pour des procédures de mères porteuses. Une dizaine de femmes. La moitié avait une motivation essentiellement financière. L’autre moitié disait en substance ceci : « J’ai la chance d’être entière et de pouvoir donner le jour à des enfants ; le propre des humains, c’est de savoir s’entraider. Je suis d’ailleurs donneuse de sang et de moelle. J’aime être enceinte. J’aime donner le jour à un enfant et ma famille est d’ores et déjà constituée. Ce serait un honneur pour moi de pouvoir me sentir utile en rendant un service aussi important à une autre femme dépourvue de son utérus. » Cette générosité‐là existe, je l’ai rencontrée. Et l’entretien avec de telles femmes, prolongé au besoin par la rencontre avec des psychologues, permet d’identifier les véritables motivations des mères porteuses, de s’assurer de leur intégrité décisionnelle et de leur indépendance y compris pécuniaire. Les associations de femmes cherchant à rendre ce service peuvent d’ailleurs constituer un filtre efficace. L’analyse des revenus de la femme qui se propose pour être mère porteuse pourrait faire partie des éléments pris en compte, pour éviter que des femmes ne soient tentées par le simple appât du gain. Ce modèle existe depuis trente ans à Londres, et le recul dont nous disposons, parce que publié, est plutôt rassurant. Quant à l’implication de la mère ou d’une sœur de la mère d’intention, il ne faut pas négliger le phénomène de la « dette impayable » et ses possibles répercussions psychologiques. Ce devrait donc être l’exception. Ma deuxième motivation a été le vécu douloureux d’une histoire clinique : j’ai dissuadé une femme atteinte d’une mosaïque turnérienne qui sollicitait une GPA(e) à l’étranger sous couvert de l’examen minutieux rassurant de son aorte par le meilleur cardiologue de la ville. Alors que sa grossesse s’était bien déroulée, la césarienne et les huit premiers jours avec son enfant aussi, elle est morte en quelques minutes d’une dissection aortique. Cette femme m’avait pourtant dit qu’elle n’était pas prête à prendre le risque de mourir pour avoir un enfant. Je ne pouvais que l’entendre, l’écouter, mais pas l’aider ici en France. Elle en est morte. Il y a d’autres femmes dont on interrompt la grossesse pour leur épargner un risque vital. Légaliser, au cas par cas, la GPA leur per mettrait d’avoir un enfant sans prendre le risque d’en décéder.   L’indisponibilité du corps humain invoquée   L’indisponibilité du corps humain est souvent invoquée dans ce débat, mais elle subit de nombreux autres coups de canif. On paie plus cher un soldat français en opération extérieure, car le risque de décès est pour lui plus élevé que s’il restait en France. Il se fait donc payer le surrisque de perdre la vie. De même qu’un mineur dans une mine de charbon exposé à la silicose et aux coups de grisou, de même qu’un sous‐marinier qui se consacre pendant de longs mois, jour et nuit, à sa tâche et court des risques qui lui sont dûment rémunérés conformément à un vrai contrat de travail. Mais que dire du don d’organe entre vivants, qui vient de produire le premier décès d’un donneur de lobe hépatique ? De nombreuses autres circonstances attentent donc à l’indisponibilité du corps humain. Le consentement d’un adulte correctement informé et non vulnérable pourrait constituer un guide raisonnable. En tout cas, le lui interdire formellement, pour son bien, pour le protéger contre sa générosité, curieuse manière de respecter l’autonomie et le libre arbitre des personnes. Interdire pour protéger les Français contre eux même, car ils ne seraient pas à même de savoir ce qui est bon pour eux, constitue une option autoritaire et paternaliste non justifiable. Et les dérives marchandes que l’on observe dans ce vaste marché qu’est le monde, loin de constituer un contre‐argument à la pratique des GPA en France, viennent souligner un devoir de notre pays de se doter d’une loi exemplaire qui soit autre chose que le simple refoulement hors de nos frontières de nos dilemmes éthiques non résolus. L’odieux trafic d’organes qui prévaut ici ou là n’a pas fait interdire la greffe d’organe en France. Et le trafic d’enfants que chacun connaît n’a nullement fait renoncer à organiser proprement l’adoption dans notre pays. Bien au contraire. Sur les échanges entre la mère et le fœtus, dont nous devinons tous qu’ils existent sans être réellement capables d’en déterminer l’ampleur et la teneur, il ne s’agit nullement de minimiser leur importance probable, dans les deux sens d’ailleurs. Une femme peut s’attacher à l’enfant qu’elle porte en elle, comme une nourrice agréée peut s’attacher à l’enfant qui lui est confié tous les jours. Mais elle sait que ce n’est pas son enfant et que sa relation avec lui est transitoire et supplémentaire à celle, principale, qu’il développe avec ses parents. Avec le fœtus, nombre d’échanges complexes existent également, bien que personne n’ait été capable de les démontrer. De même pour le nouveau‐né qui continue de tisser des liens plus ou moins importants avec d’autres adultes que ses parents après sa naissance. La parentalité ne consiste nullement en une exclusivité relationnelle avec l’enfant. Quand bien même cette utopie serait fantasmée, elle serait totalement inatteignable, et c’est bien ainsi. « Il faut tout un village pour élever un enfant.(f) »   Qui est la vraie mère : la mère qui porte ou la mère génétique ?   Ni l’une ni l’autre serais‐je tenté de répondre, car la pratique clinique nous met malheureusement au contact de femmes porteuses de leur propre enfant qui ont si peu d’une « mère » qu’elles en effacent la vie naissante. Cette pathologie connue sous le nom de déni de grossesse aide à répondre à la question de savoir qui est la vraie mère. La seule réponse qui vaille est la suivante : la vraie mère est celle qui adopte psychiquement l’enfant. Ce mécanisme d’adoption, qui pour la plupart des femmes se fait in utero, et souvent très tôt, peut être difficile. Il arrive même que ce processus d’adoption n’ai pas lieu du tout. Il n’y a alors pas d’enfant pour la femme, tout au plus une « tumeur » qui pousse en elle à son insu et contre son gré. Ce qui veut dire qu’il ne suffit pas d’être enceinte pour attendre un enfant. Même l’accouchement ne suffit pas à construire une mère. La mère n’est pas définie par l’utérus où grandit l’enfant, ni même par les gamètes dont il est issu, mais bel et bien par l’adoption dont il est l’objet. On le sait depuis longtemps pour la paternité qui est une adoption. C’est plus difficile à admettre pour la maternité et l’exemple des mères défaillantes à la rubrique des faits‐divers le prouve malheureusement bien trop souvent. Dans une maternité, il y a en fait au moins trois ensembles qui s’intriquent profondément : – le phénomène de transmission génétique par les gamètes ; – la grossesse et l’accouchement ; – et l’adoption de l’enfant au terme de la grossesse psychique. Et ce dernier élément est non seulement nécessaire mais aussi suffisant, contrairement aux deux premiers qui ne le sont pas. Il n’y a donc aucune raison de « survaloriser » la grossesse et l’accouchement alors que c’est bien l’adoption qui est la part la plus importante de la parentalité. La loi de la France qui dit que la mère est toujours celle qui accouche est donc datée et doit être requestionnée à la lueur de la parentalité moderne. Phénomène réciproque en constante construction, le contrat entre l’enfant et les parents se dispense de la génétique et même du vécu obstétrical. Ma mère, ce n’est pas l’utérus qui m’a porté(e). Ma mère, c’est celle qui m’a aimé(e) et m’a appris à parler et à aimer.   L’enfant subit-­il un abandon par sa mère porteuse ?   En fait, il est déjà adopté en prénatal par une autre femme et par un père qui sont ses parents d’intention, sans quoi il ne serait pas là. La mère porteuse a joué le rôle d’une « nounou prénatale ». Serait‐ce plus scandaleux d’être une nounou avant la naissance qu’après ? La connaissance et le contact ultérieur de cette femme par l’enfant sont souhaitables vu l’éminent service qu’elle lui a rendu. L’enfant, à qui les choses sont expliquées sainement, est parfaitement à même de comprendre. De même que, pour la fratrie déjà existante chez la mère porteuse, tout est explicable, et ce récit comporte même, par son aspect exceptionnel, une certaine valeur exemplaire du dévouement de la mère envers un autre couple auquel elle donne la possibilité de constituer une famille. Il n’y a donc pas abandon à la naissance puisque l’adoption réelle a précédé la naissance. Le père d’intention, lui, a le droit de faire reconnaître juridiquement sa paternité avant la naissance, alors que la mère d’intention, malheureusement, ne le peut pas. Il serait souhaitable que l’acte de naissance puisse comporter aussi le nom de la mère d’intention à la rubrique maternelle et pas seulement celui de la femme qui a accouché. Ceci devrait être accepté préalablement à la mise en œuvre de la GPA.   L’intérêt de l’enfant est­-il oublié ?   Peut‐on penser qu’il vaut mieux ne pas être né plutôt que de l’être grâce à une GPA ? Peut‐ on nuire à un enfant en lui donnant le jour ? La situation juridique actuelle est‐elle bonne ? Elle confine en fait au scandale, car les enfants paient les « errements » de leurs parents en se voyant refuser leur filiation maternelle quand bien même celle‐ ci serait établie au plan génétique ? L’argument de l’intérêt de l’enfant est bien sûr agité de fort mauvaise foi. Qui peut dire quelque chose de censé sur le sort d’un enfant ? Certains qui ont tout pour être s’épanouir ne le font pas, là où d’autres qui naissent dans des contextes effroyables s’en sortent plus que bien. Et si la préoccupation était vraiment celle de l’intérêt de l’enfant, on n’hésiterait pas à rétablir les droits de filiation de ces enfants au lieu de proposer de faire de leur mère d’intention une vague tutrice. En France, il est incontestable que le législateur est dans une posture de vouloir dissuader de futurs parents d’avoir recours à la GPA en leur signifiant tous les problèmes que rencontreront plus tard les enfants issus de cette pratique. Est‐ce acceptable de faire payer aux enfants les conséquences de décisions de leurs parents préalables et antérieures à leur propre existence ? La loi dont s’est dotée la France interdit tout à ce jour, ce qui interdit aussi la discussion et l’analyse au cas par cas de dossiers au demeurant très différents. S’autoriser parfois à dire oui dans telle ou telle circonstance après s’être assuré que la femme n’est pas Agar et que l’enfant ne va pas subir un mauvais sort, c’est assurément prendre des risques, mais ce n’est pas plus risqué que de continuer à tout interdire au détriment des enfants à naître après des bricolages parfois sordides à l’étranger. Continuer de tout interdire, c’est conforter la situation actuelle d’un recours systématique au marché procréatif international, dans des conditions acceptables pour les plus riches aux États‐Unis, mais dangereuses et honteuses quand on ne peut s’offrir que l’Inde. Or, l’indisponibilité du corps humain que protège la loi de France vaut aussi pour les femmes qui n’ont pas la chance d’être françaises et qui seront embrigadées par des couples français qui eux n’ont pas d’autre choix. Un accord de la commission nationale de la parentalité, instruit correctement par une structure régionale, devrait ouvrir la voie à une prise en charge par la Sécurité sociale d’une indemnisation de la mère porteuse, avec interdiction de toute autre forme de rétribution directe entre parents d’intention et mère porteuse. L’altruisme à la française qui prévaut dans les dons d’organe serait ainsi respecté, de même que l’énorme effort solidaire de la mère porteuse. La GPA, problème difficile, ne peut demeurer, comme l’était autrefois l’IVG, et au nom du respect des grands principes, un pré texte à exporter notre souffrance à l’étranger, car c’est simplement inacceptable et inéquitable. Ceux qui en ont les moyens ne sont pas concernés par cet interdit qui devient de fait véritablement injuste. Oui, les avancées scientifiques bouleversent jusqu’à la structure même de la famille et de la parenté. Notre époque est privilégiée, car elle nous permet d’observer à l’échelle d’une seule génération dans les mœurs de l’homme occidental des changements rapides, fondamentaux et risqués. L’humanité est embarquée à vive allure par ces avancées et le vertige est bien sûr au rendez‐vous. Défendre avec ténacité tout ce qu’il y a d’humain dans l’homme pourrait constituer une sorte de guide pour l’écriture de cette nouvelle morale laïque. Il y a des valeurs qui font consensus dans notre société : – la non‐exploitation des humains les uns par les autres ; – la gratuité et l’égalité d’accès aux soins ; – les droits de l’enfant à naître dans un milieu familial favorable à son développement ; – la clarté biographique et la transparence pour les enfants issus d’AMP. Accepter que certaines infertilités utérines définitives puissent être prises en charge par GPA, au cas par cas, dans notre pays paraît désormais une évidence bioéthique, alors même que la dangereuse et coûteuse greffe utérine n’a même jamais été questionnée avant d’être pratiquée. Entre le « tout permis » de certains pays et le « tout interdit » de la France, il y a un chemin médian et vertueux, la GPA au cas par cas pour des femmes qui n’ont pas ou plus d’utérus. La France sait écrire des lois et les faire respecter. Elle s’honorerait de ne pas laisser plus longtemps en jachère ce sujet difficile en se contentant honteusement, sans débat national, d’envoyer vers l’étranger les couples en souffrance. Notes de l’auteur : a. Interdit renforcé par des peines de prison et d’amendes sévères pour les contrevenants. b. L’enfant es passé publiquement et symboliquement entre les jambes de la femme qui en devient ainsi la mère légitime. c. La traduction littérale du mot prénom est « Je rirai ». d. L’association Les Cigognes a été interdite par un arrêté préfectoral du Bas‐Rhin quand son but, réunir des femmes qui se proposaient de porter un enfant pour autrui, est devenu illégal. e. Le risque de dissection aortique dans cette pathologie est de l’ordre de 1 %. f. Proverbe africain.

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