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Infertilité

Publié le 25 oct 2023Lecture 6 min

Le ressenti des femmes infertiles face à une stigmatisation sociétale est-il le même en Belgique, au Congo et en Roumanie ?

Jean-Pierre B. NTWA NETITAA MBEYI(a), Yvan COPPIETERS’T WALLANT(b)*, Belgique

L’infertilité est-elle vécue de la même manière par les femmes qui vivent en Belgique, au Congo ou en Roumanie ? La stigmatisation est-elle présente de façon similaire dans ces trois pays ? Cet article présente le travail effectué en profondeur et de manière exhaustive sur la stigmatisation et l’auto-stigmatisation subies par les femmes souffrant de problème de fertilité, dans le contexte propre à chaque pays.

Actuellement, la majorité des jeunes couples dans le monde utilisent des moyens contraceptifs pour limiter le nombre d’enfants. En revanche, d’autres couples éprouvent des difficultés à obtenir une grossesse tant désirée du fait d’un âge avancé, d’endométriose, de troubles ovulatoires – dont le syndrome des ovaires polykystiques –, de fausses couches à répétition(1). Lorsque l’enfant ne paraît pas peut s’installer une stigmatisation au sein du couple puis au niveau de la famille et de l’entourage. Au niveau macroscopique, la stigmatisation est un véritable drame sociétal.   La stigmatisation et ses conséquences   La stigmatisation décrit la mise à l’écart d’une personne pour ses différences qui sont considérées comme contraires aux normes de la société. Cette forme de réprobation est profondément disqualifiante et fait passer le sujet d’une personne complète et normale à une personne détériorée et diminuée. Pour la femme infertile, cette situation est vécue comme un profond discrédit venant de la société, de l’entourage ou même de la famille. Ce ressenti peut être accompagné de honte, de culpabilité, d’un sentiment d’infériorité, d’une malédiction, d’un envoûtement et d’un désir de passer inaperçu(2) installant la femme dans un état de désespoir. La traversée de cette période émotionnellement compliquée est souvent solitaire, et les professionnels de santé sont bien souvent les seuls recours pour permettre à la femme de survivre psychologiquement(3).   L’enquête : population, recueil des données et analyse   Pour étudier les impacts de l’infertilité et de la stigmatisation liée à cette situation, 90 femmes de 20 à 45 ans ayant des difficultés à concevoir (30 de chaque nationalité) ont été interrogées anonymement via Internet sur leurs expériences et leurs vécus. Il s’agissait d’entretiens de type qualitatif touchant les aspects sociologiques, psychologiques, médicaux, sexuels et religieux. L’échantillon était de petite taille du fait de la difficulté à trouver des femmes acceptant d’évoquer leurs problèmes d’infertilité. Toutefois, des tests statistiques ont été spécifiquement conçus et développés pour permettre l’analyse. Le choix a été fait de présenter dans cet article, 5 thèmes permettant d’apprécier les impacts de l’infertilité sur le vécu des femmes selon leur pays d’origine.   L’infertilité féminine, sujet tabou ? Les deux pays où le pourcentage de femmes rapportant l’infertilité comme un sujet tabou est le plus élevé sont la Roumanie et le Congo, avec respectivement 89,7 % et 73,3 %. C’est peu étonnant compte tenu du fait que le mariage et la procréation sont deux fondements élémentaires de ces sociétés. Au Congo, société très traditionaliste, on accuse d’office la femme lorsque l’enfant ne vient pas. La situation est moins prégnante en Belgique, même si 2 femmes sur 3 décrivent aussi l’infertilité comme un sujet tabou.   La difficulté de parler d’infertilité en cas de stigmatisation C’est en Roumanie que les femmes ont le plus de difficultés à paler de leur infertilité du fait de la présence de stigmatisation (78,3 %). Elles sont souvent l’objet d’humiliations, victimes d’exclusion(4), même si une amélioration progressive est en cours depuis l’intégration de ce pays dans l’Union européenne(5). Au Congo, 3 femmes sur 4 ont le même ressenti. En Belgique, la difficulté de parole est moins importante bien qu’elle soit rapportée par 66,7 % des femmes interrogées.   L’impact de l’infertilité sur la vie sociale Le nombre de femmes le plus impacté par l’infertilité est retrouvé en Roumanie (plus de 66 %). Dans ce pays, l’auto-stigmatisation (internalisation et croyance des opinions négatives par la personne) est d’ailleurs très présente, l’incapacité à concevoir ne permettant pas à ces femmes de remplir les critères de réussite de leur communauté. Cette situation est donc vécue comme un lourd échec (que les femmes soient mariées ou pas), en particulier par les femmes infertiles de la population des gens de voyage, pour lesquelles les conséquences sont triples : échec sociétal, financier et sociologique. Des retentissements sont aussi retrouvés au Congo mais de façon moins importante (56,7 %). La situation est moins problématique dans la société belge où l’identité de la femme, son niveau social ou même sa religion s’identifient moins au statut maternel. De plus, en Belgique, l’existence de campagnes d’information sur la stigmatisation permet de lutter contre le harcèlement physique et psychologique. Ce contexte explique que les femmes demeurant en Belgique relatent moins d’impact sur leur vie sociale (53,3 %) que celles vivant au Congo et en Roumanie.   L'infertilité, les tendances suicidaires et la religion Compte tenu de l’impact que peut avoir l’infertilité sur les femmes, il n’est pas étonnant de retrouver des idées suicidaires dans cette population : 33,3 % en Belgique, 23,3 % au Congo et 16,7 % en Roumanie. L’analyse détaillée selon les croyances montre que les femmes non croyantes sont plus sujettes aux idées suicidaires : 24,1 % versus 10,3 % en Belgique, 13,3 % versus 3,3 % en Roumanie. À noter qu’on ne rencontre pas de non-croyance au Congo. Il peut être avancé que la foi est un moyen pour ces femmes de rester positives et s’accrocher à une force surnaturelle peut les aider à affronter à leur combat.   Les conclusions et pistes de réflexion   Cette étude a démontré que les femmes infertiles sont, d’une manière générale, confrontées à la stigmatisation sociétale et à l’auto-stigmatisation, mais à des degrés différents selon les us et coutumes de leur pays, sociologiquement, économiquement, professionnellement, politiquement et religieusement différents. Dans les pays totalement développés comme la Belgique, la société accordera moins d’importance à l’infertilité, car l’identité sociale de la personne (profession) n’est pas liée à son identité maternelle. Néanmoins, le ressenti et la souffrance sont bien réels pour ces femmes qui présentent des tendances suicidaires plus importantes que dans les pays moins développés (34,5 % en Belgique, 20,7 % au Congo, 16,7 % en Roumanie). Dans les pays plus traditionalistes, tels que le Congo et la Roumanie, où la procréation est une norme sociétale fon damentale, la femme trouve son identité dans sa capacité à procréer. La stigmatisation ou l’auto-stigmatisation qui découle de l’infertilité peut alors mener extrêmement rapidement à une dévalorisation de soi, à un divorce, à une radicalisation, à un discrédit, à un préjugé infériorisant ou négatif pouvant engendrer le passage d’une violence verbale à une violence physique au sein du couple, voire engendrer un suicide. D’où l’importance de disposer de centres d’aide psychologique. En Belgique et en Roumanie, ces centres composés des professionnels de la santé mentale existent et viennent en aide aux femmes infertiles stigmatisées. Au Congo, de tels centres sont inexistants, faute des moyens et de personnel qualifié. Heureusement, des organisations pour la défense des droits des femmes continuent de lutter pour libérer ces femmes déclarées infertiles ou stériles des clichés et des stéréotypes.   * a. Ingénieur industriel électricien (ISIH), master en automaique (ULB), spécialiste en économétrie (UCL) et ataché staisicien chez STATBEL, Bruxelles (Belgique) b. Professeur de santé publique, Université libre de Bruxelles (Belgique)  

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