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Cancérologie

Publié le 27 jan 2023Lecture 8 min

Activité physique et cancer

Karine BEERBLOCK, Oncologue médicale et enseignante en thérapie sportive Rosa Mouv, Paris

Les bénéfices de l’activité physique, pendant et au décours des traitements du cancer, sur la qualité de vie, la réduction de la fatigue, la diminution des rechutes et l’amélioration de l’espérance de vie ont conduit à sa reconnaissance aujourd’hui comme une alliée thérapeutique du cancer par les autorités de santé. Une meilleure compréhension des mécanismes physiologiques impliqués dans l’inhibition de la prolifération tumorale par la pratique de l’activité physique ouvre des perspectives de développement de programmes plus adaptés, et place pleinement le patient en acteur de santé. Les années à venir devraient aboutir à implémenter l’activité physique dans les études cliniques pour optimiser la mise en œuvre de programmes pertinents et la pérennisation de la pratique dans l’après-cancer.

Si l’activité physique (AP) est un atout majeur de prévention primaires, les données actuelles issues des analyses de cohortes et d’essais cliniques permettent d’affirmer que l’activité physique est un allié thérapeutique du cancer. Elle est bénéfique à tout moment du parcours de soins, surtout si elle est pratiquée dès le diagnostic de cancer, mais également au décours des traitements spécifiques. Ses bénéfices sur la qualité de vie (QdV), la fatigue liée aux traitements et même, pour certaines localisations, sur la diminution du risque de rechute et l’allongement de l’espérance de vie sont aujourd’hui largement publiés. La compréhension des mécanismes des effets positifs de l’AP pendant le parcours de soins devrait inciter tous les soignants impliqués dans la prise en charge du cancer à informer les patients, promouvoir la pratique et les orienter vers des acteurs identifiés. La reconnaissance par les autorités de santé de l’AP comme « thérapie non médicamenteuse du cancer » ne s’accompagne pas encore d’une prise en charge financière. Pourtant les économies de santé liées aux bénéfices reconnus de l’AP seraient considérables.   Définition de l’activité physique L’activité physique comprend tout mouvement corporel produit par la contraction des muscles squelettiques entraînant une dépense énergétique supérieure à la dépense énergétique de repos(1). Elle inclut ainsi tous les mouvements de la vie quotidienne (activités ménagères, jardinage...), ceux de la vie professionnelle (transports) et ceux de la pratique sportive (loisirs ou compétition). L’intensité de l’AP se mesure par l’unité d’équivalent de dépense métabolique, le MET (Metabolic Equivalent of Task). La dépense énergétique est comparée à celle de repos (1 MET-h lorsqu’on est assis pendant 1 heure). Ainsi, l’intensité est considérée comme faible si elle est inférieure à 3 MET-h, modérée entre 3 MET-h et 6 MET-h, élevée entre 6 et 9 MET-h et très élevée au-delà de 9 MET-h (tableau 1). Les recommandations de l’OMS sont de 150 minutes/semaine chez l’adulte sain d’une AP aérobie d’intensité modérée ou 95 minutes/semaine d’intensité élevée ou une combinaison des deux, soit une activité moyenne de 12-15 MET-h/semaine(2). En pratique clinique, pour identifier la pratique individuelle de l’AP, les questionnaires GPAQ ou IPAQ sont fréquemment utilisés Au diagnostic de cancer L’annonce du diagnostic de cancer s’accompagne souvent de modifications du comportement. Les patients qui pratiquaient une AP avant le diagnostic la diminuent ou l’arrêtent ; à un an de la fin des traitements, la majorité n’a pas retrouvé l’intensité d’avant le diagnostic. Les déterminants de la baisse de l’AP sont multiples. La fatigue liée au cancer diminue la motivation à la pratique, entraînant une perte de masse musculaire, une diminution de la mobilité, une fatigue musculaire plus rapide et plus intense à l’exercice, une récupération plus lente après l’effort. Cette moindre AP a un impact délétère sur les capacités cardio-respiratoires, mais également sur la QdV globale, sur l’estime de soi, avec l’émergence potentielle d’une symptomatologie anxio-dépressive. La diminution de l’autonomie, l’augmentation de la sédentarité, la kinésiophobie (appréhension de la douleur lors du mouvement) altèrent la QdV, tant sur le plan physique que cognitif. Ce conditionnement physique, associé aux facteurs inflammatoires liés à la tumeur, à la variation de poids (prise de poids ou amaigrissement) et aux comorbidités est un véritable cercle vicieux (figure 1) qui met en jeu les structures vitales (cardiovasculaires, respiratoires, musculaires, psychologiques) et impacte les mécanismes tumoraux en augmentant le risque de récidive(3). Figure 1. cercle vicieux du d.condiionnement physique. Dès les années 1980, les essais cliniques ont mis en évidence l’utilité des programmes d’AP sur la QdV, l’estime de soi et les troubles anxio-dépressifs. Depuis les années 2000, toutes les études, même si certaines manquent de rigueur méthodologique, confirment ces résultats. La réduction de la fatigue, de la masse grasse, des toxicités liées aux traitements, la prévention de la cachexie font de l’AP un véritable soin de support, incitant à l’intégrer au parcours de soins en cancérologie. Grâce à l’AP, le cercle vicieux du déconditionnement physique s’inverse et devient vertueux. Ainsi, la mobilisation musculaire favorise le maintien de la composition corporelle, évite la prise de poids (masse grasse) ou la perte de poids (et à terme la cachexie), et entretient (ou améliore) les capacités cardio-respiratoires. L’AP a également un impact positif sur : la fatigue, symptôme rapporté par 60 à 100 % des patients, significativement améliorée (-30 % en moyenne comparativement à l’absence d’AP), quel que soit le stade (localisé ou métastatique) ; la toxicité des traitements, leurs séquelles à moyen et long terme ; la diminution de la douleur (-30 %)(4) ; la qualité de vie, l’estime de soi ; l’état psychologique et émotionnel. De nombreux essais démontrent l’efficacité des programmes d’AP sur la mortalité globale et spécifique, non seulement dans le cancer du sein, mais également dans le cancer colorectal ou de la prostate (tableau 2). Dans le cancer du sein notamment, le bénéfice relatif en survie est de 4 % à 5 ans et de 6 % à 10 ans pour les patientes actives comparativement aux patientes inactives. Ce bénéfice prend en compte l’âge, le stade tumoral, la consommation d’alcool, de tabac, l’indice de masse corporelle, le statut hormonal et le niveau de pratique d’AP avant le diagnostic(5). Mécanismes d’action Une intrication de mécanismes liés à la tumeur et au issu péritumoral, au muscle et la graisse viscérale permet d’expliquer en partie l’influence de l’AP sur la croissance tumorale. Entre autres, la pratique d’une AP : diminue le taux des estrogènes circulants et augmente la sécrétion de SHBG (Sex Hormon Binding Protein), surtout en post-ménopause ; favorise l’utilisation du glucose par les muscles et diminue la néoglucogenèse hépatique, limitant ainsi l’insulinorésistance (l’insuline est anti-apoptotique et favorise la croissance tumorale) ; diminue la sécrétion de cytokines inflammatoires telles que IL1, IL6, TNF alpha et IGF-1 (sauf pour les activités physiques très intenses) ; augmente la sécrétion d’adiponectine (anti-tumorale et pro-apoptotique) et diminue celle de lepine (pro-tumorale et anti-apoptotique). Si l’implication du système métabolique glucidique ou lipidique, du système immunitaire, de l’inflammation chronique ou de la régulation hormonale est aujourd’hui reconnue, de nombreux mécanismes sont encore à explorer. Ainsi plus de 3 000 myokines sécrétées par la fibre musculaire pendant l’effort ont été identifiées, dont certaines diminueraient la croissance tumorale(6). Ceci justifie les recherches sur l’inhibition de la croissance tumorale par des modalités de dose ou d’intensité des programmes d’AP qui vont accélérer le développement de programmes plus ciblés et plus pertinents.   Modalités pratiques Depuis 2019, la Haute Autorité de santé (HAS) préconise une consultation médicale au cours de laquelle est réalisé un examen clinique, cardiovasculaire et de l’appareil locomoteur, une évaluation anthropométrique (poids, taille, composition corporelle, densité osseuse). Les comorbidités, les limitations fonctionnelles, les répercussions du cancer selon le stade et le moment du parcours de soins seront relevées. Des examens complémentaires et un avis spécialisé seront demandés si nécessaire. L’identification des besoins et des objectifs du paient, ainsi que les freins à la pratique permettent d’adapter au mieux la prescription et le suivi. Les contre-indications absolues sont peu fréquentes (insuffisance cardiaque ou respiratoire sévère, métastase cérébrale symptomatique, ostéoporose importante, dénutrition sévère). Certaines contre-indications seront à réévaluer tout au long du parcours de soins du fait de leur évolutivité. Ainsi une métastase osseuse consolidée ou une métastase cérébrale traitée et asymptomatique ne sont pas des contre-indications absolues. Les programmes associent la mobilisation des quatre membres, avec des exercices en aérobie, du renforcement musculaire et des étirements, plutôt en groupe pour favoriser le lien social.   Les clés de l’efficacité Elles sont basées sur l’intensité (au moins modérée), la fréquence (3 fois/semaine) et la durée (au moins 6 mois). L’encadrement par des intervenants compétents et formés à la cancérologie, l’ac- compagnement progressif et régulier ainsi que la notion de plaisir permettront au patient d’inscrire, en toute sécurité, la pratique de l’AP dans le temps, et au-delà du parcours de soins, dans son parcours de vie. La pratique de l’AP doit également s’accompagner de mesures hygiéno-diététiques. La réduction du surpoids et/ou de l’obésité sera favorisée par une alimentation diversifiée et équilibrée, et par la limitation des autres facteurs de risque (tabac, d’alcool...). CONCLUSION La diminution des performances physiques qui accompagne le diagnostic de cancer est un facteur reconnu de vulnérabilité physique et psychique. Malgré cela, l’AP reste peu prescrite, insuffisamment pratiquée, avec un manque d’information et d’offre et une répartition encore hétérogène sur le territoire. La promotion de l’AP, l’utilisation des nouveaux outils connectés interactifs, la coordination des évaluations, le développement de programmes d’AP ciblés, le maillage territorial des offres, visent à éviter des pertes de chances pour le patient, le rendant pleinement acteur de sa santé. Les programmes d’AP seront ainsi intégrés de fait à une vision plus holistique de la prise en charge du cancer.

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