Publié le 30 avr 2025Lecture 6 min
Cancer du sein inflammatoire : épidémiologie, clinique, facteurs pronostiques
Marc ESPIÉ, Centre de spécialités médicales Odon‐Vallet, Paris ,Centre des maladies du sein, hôpital Saint‐Louis, Paris

Le cancer du sein inflammatoire est un cancer de survenue brutale qui s’accompagne de phénomènes inflammatoires localisés à une parte du sein ou généralisés à l’ensemble du sein.
Le cancer inflammatoire du sein est un cancer rare qui représente 1 à 6 % des cancers du sein. Les varia‐ tons d’incidence sont en parte liées à des définitions différentes, certains auteurs anglo‐saxons regroupant les cancers localement avancés secondairement inflammatoires avec les cancers inflammatoires d’emblée. Il est responsable de 7 à 10 % de la mortalité par cancer du sein. Il survient à un âge légèrement moins avancé que les formes non inflammatoires avec un âge moyen de survenue situé autour de 50 à 52 ans.
Des cas exceptionnels ont été décrits chez l’enfant ainsi que chez l’homme. Il reste un cancer de très mauvais pronostic avec une médiane de survie de moins de 4 ans, y compris avec les thérapeutiques actuelles. Son pronostic est le plus mauvais en raison d’une évolution métastatique quasi constante. Dès le diagnostic, environ 30 % des patentes sont métastasées d’emblée, surtout en cas de mastite aiguë inflammatoire PEV3. I
Il est difficile d’avoir des certitudes en raison de la rareté de ce type de cancer. Aux États‐Unis, le cancer du sein inflammatoire semble plus fréquent chez les patientes afro‐américaines. Certains facteurs de risque ont été mis en évidence tels qu’un index de masse corporelle élevé, un âge jeune lors d’une première grossesse, l’absence d’allaitement. Ces facteurs de risque semblent cependant variables en fonction des sous‐types « moléculaires » du cancer du sein inflammatoire. Ce profil épidémiologique semble se rapprocher de celui des cancers du sein triple négatifs qui sont plus fréquents pour cette forme de cancer. Il n’y a pas eu de différence notée en ce qui concerne l’âge des premières règles, l’âge lors de la première grossesse ou la taille. La contraception orale n’augmente pas le risque.
Clinique
Cliniquement, il existe une asymétrie mammaire, le sein pathologique est parfois volumineux œdémateux, la plaque aréolo‐mamelonnaire peut être rétractée, croûteuse. On note une rougeur, un érythème cutané au niveau de la tumeur pouvant s’étendre à tout le sein (figure 1). La peau est épaissie, œdématiée avec un aspect infiltré dit « en peau d’orange » (figure 2). L’œdème prédomine au niveau des quadrants inférieurs et de la région aréolaire. La coloration rouge peut varier d’un discret érythème à un aspect violacé ou parfois brunâtre ; il n’y a généralement pas de fièvre associée.
Figure 1. Cancer du sein inflammatoire.
Figure 2. Aspect de peau d’orange.
La circulation veineuse est augmentée avec un aspect dilaté des vaisseaux. Au contact, il existe une chaleur locale, et le sein est fréquemment douloureux. La tumeur est mal identifiée, noyée dans l’œdème. Un palper minutieux permet parfois de déceler une zone de quelques centimètres plus dure, bien que dans certains cas, il n’existe aucune tumeur perceptible. Dès le premier examen, il existe très fréquemment des adénopathies axillaires ou même sus‐claviculaires métastatiques (observées suivant les séries dans 46 à 100 % des cas) ainsi que des métastases à distance dans 30 à 40 % des cas.
Tous les symptômes évoluent rapidement, et en quelques semaines l’inflammation et l’œdème gagnent la totalité du sein, parfois l’autre sein et les aires ganglionnaires.
Les patientes sont donc généralement alarmées par l’érythème cutané et l’augmentation rapide du volume du sein ainsi que par la douleur. Elles consultent rapidement leur médecin traitant et elles ont souvent subi un traitement anti‐infectieux et anti‐inflammatoire dont l’effet a été partiel ou insignifiant.
Diagnostics différentiels
Pendant l’allaitement, on peut être amené à poser un diagnostic différentiel avec un abcès du sein ; celui‐ci sera généralement très douloureux et accompagné de fièvre et d’une hyperleucocytose. Il faudra éliminer les mastites inflammatoires bénignes : ectasie galactophorique, mastite à plasmocytes qui sont de survenue plus brutale, avec une douleur beaucoup plus vive, sans œdème cutané. Il existe de rares cas de dystrophie kystique inflammatoire. Certains cancers négligés s’accompagnent secondairement de signes inflammatoires associés souvent à des ulcérations. Ce sont des cancers d’évolution lente, certes de mauvais pronostic mais qui n’ont rien à voir avec des cancers inflammatoires en poussée évolutive. De rares tumeurs phyllodes, de même que des sarcomes primitifs du sein peuvent s’accompagner de signes inflammatoires. Enfin, on peut avoir des aspects inflammatoires post‐radiothérapie avec des réactions de rappel survenant à distance du traitement.
Prélèvements histologiques, particularités biologiques et pronostic
Une microbiopsie est nécessaire pour affirmer le diagnostic, bien qu’elle soit parfois difficile à réaliser au niveau du sein en raison de l’œdème qui masque la tumeur. Il peut être plus facile de réaliser un prélèvement au niveau d’une adénopathie axillaire ou sus‐claviculaire. Une biopsie cutanée de type punch peut également s’avérer utile. Celle‐ci peut mettre en évidence l’envahissement des lymphatiques du derme et permettre d’étayer le diagnostic, même si elle n’est pas indispensable. Les prélèvements histologiques permettront d’avoir une certitude anatomopathologique, de doser les récepteurs hormonaux, le CerbB2 et d’étudier éventuellement d’autres facteurs pronostiques.
Toutes les variétés histologiques de cancer du sein peuvent s’accompagner de signes inflammatoires, mais le plus fréquent sera un cancer du sein sans type spécifique particulier (cancer canalaire infiltrant). On se trouve en général devant une tumeur peu différenciée de grade histo‐pronostique élevé III ou II fort. Le Ki67 est souvent élevé. Comme nous l’avons dit précédemment, les cancers du sein inflammatoires sont retrouvés dans tous les sous‐types moléculaires, mais on note une plus faible fréquence de cancers luminaux, une plus grande fréquence de surexpression de HER2 et des cancers triple négatifs. Il faut noter que, même en cas de récepteurs hormonaux présents, il existe un mauvais pronostic et une faible hormonosensibilité. Il n’a pas été mis en évidence de gène muté de manière différentielle entre les cancers inflammatoires et non inflammatoires.
Classifications
Dans la classification TNM, le cancer du sein inflammatoire est classé T4d et est donc de stade 3, quel que soit le N, ou de stade 4 s’il existe des métastases à distance. La classification PEV illustre l’évolutivité locale de ce type de cancer (tableau 1).
On demandera de manière systématique une TEP‐TDM dans le cadre du bilan d’extension qui mettra souvent en évidence des adénopathies locorégionales supplémentaires et de fréquentes métastases à distance, ce qui modifiera la stratégie thérapeutique.
Nous n’aborderons pas dans cet article la thérapeutique, mais même avec les traitements actuels la survie reste moins bonne que celle des patentes avec un cancer du sein non inflammatoire.
En conclusion, le diagnostic du cancer du sein inflammatoire est donc un diagnostic clinique. C’est une urgence thérapeutique, 30 à 40 % sont métastatiques d’emblée. Il existe des cancers inflammatoires dans tous les sous‐types moléculaires.
Pour aller plus loin
• Chang S, Buzdar AU, Hurstng SD. Inflammatory breast cancer and body mass index, J Clin Oncol 1998 ; 16 : 3731‐5.
• Boussen H, Berrazaga Y, Kullab S et al. Inflammatory breast cancer : Epidemiologic data and therapeutc results. Int Rev Cell Mol Biol 2024 ; 384 : 1‐23.
• Kertmen N, Babacan T, Keskin O et al. Molecular subtypes in patents with inflammatory breast cancer ; a single center experience. J BUON 2015 ; 20(1) : 35‐9.
• Espié Marc (sous la directon de). Le sein. Du normal au pathologique : état de l’art. Éditons ESKA, pp. 902‐912.
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