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Contraception

Publié le 12 déc 2012Lecture 7 min

Choix contraceptif : ne pas confondre première intention et primo-prescription

C. JAMIN, Paris
De tous les risques qui entourent la prescription d’une contraception, le plus à craindre n’est pas tant la survenue d’un événement thromboembolique veineux (TEV) – le risque est certes augmenté sous contraception orale estroprogestative mais peu élevé en valeur absolue –, que l’arrêt du traitement par la patiente qui, lui, est responsable d’un nombre élevé d’interruptions volontaires de grossesse (IVG), en particulier chez les adolescentes. Ces IVG ne sont elles-mêmes pas dénuées de risques de TEV, mais aussi de bien d’autres morbidités physiques et psychologiques. C’est dire que la décision de prescription doit être réfléchie en tenant compte des recommandations des autorités de santé, modulées par la connaissance de l’état de l’art, et en analysant le contexte individuel de chaque femme.
La responsabilité des accidents thromboemboliques veineux (TEV) faisant rapidement suite à la mise sur le marché des premières pilules estroprogestatives a été attribuée aux estrogènes de synthèse et à l’impact qu’ils exercent sur le métabolisme hépatique. L’estradiol en lui-même n’est pas thrombogène, comme en atteste l’absence de surrisque TEV chez les femmes comparativement aux hommes ; en revanche, des concentrations excessives d’estrogènes endogènes, comme durant la grossesse, ou d’éthinylestradiol (EE), dont le radical éthinyl en C17 entraîne de multiples passages hépatiques, s’accompagnent d’un excès de risque TEV. La diminution des doses d’EE à 30 puis 20 γ s’est traduite par une réduction des accidents TEV.   Les progestatifs entrent en scène Plusieurs études publiées fin 1995-début 1996 avaient montré un risque TEV supérieur avec les pilules contenant un progestatif de 3e génération comparativement à celles contenant un progestatif de 2e génération. Ces études ont rapidement été controversées pour plusieurs raisons. Il s’agissait d’études observationnelles transversales, dont la validité est grevée par de nombreux biais. Le premier est lié à la durée d’utilisation : on sait que le risque est maximal durant les premiers mois d’utilisation de la pilule (RR d’environ 20) pour ensuite décroître et se stabiliser aux alentours de 2 à 5 selon les études ; le risque du groupe d’utilisatrices est d’autant plus élevé que le nombre d’utilisatrices débutantes est important et majoré comparativement à un groupe d’utilisatrices de longue date dont le sur-risque initial a été écrémé par la durée. Le second est un biais de prescription : les pilules de 3e génération étant créditées d’un meilleur profil de sécurité que les plus anciennes, il est possible (et même montré dans plusieurs études) qu’elles aient été préférentiellement prescrites à des femmes dont le risque TEV aurait pu être plus élevé. Les mêmes reproches peuvent être adressés à l’étude de O. Lidergaard (BMJ 2009 ; 339 : b2890), conduite peu après la mise sur le marché des contraceptifs à base de drospirénone (4e génération), dans la mesure où les antécédents familiaux ne sont pas renseignés ; or, un antécédent familial de TEV multiplie le risque par 2, ce qui peut impacter l’évaluation globale du risque statistique. Le conflit de générations se poursuit Les études ultérieures ont essayé de contourner ces biais majeurs en tenant compte de la durée moyenne de prise de la contraception pour départager les pilules de 2e, 3e et 4e générations. Or, la durée moyenne de prise peut recouvrer un nombre plus ou moins important de nouvelles utilisatrices. Une proportion importante de débutantes d’une contraception, dont le risque est majoré, peut modifier à la hausse l’évaluation statistique du risque. Les rares études prospectives, dont l’étude EURAS (Dinger JC et al. Contraception 2007 ; 75 : 344-54) ne montrent pas de différence à 5 ans de suivi entre les 2e et les 3-4e générations (le nombre de cas y est cependant plus faible). Pourtant, la majorité des études continuent de mettre en évidence un risque plus élevé avec les pilules de 3e-4e générations ; mais ces études observationnelles comportent toujours les mêmes biais de sélection et de prescription. Que disent les autorités de santé ? Au vu des études, qui n’objectivent pas de supériorité des pilules de 3e et 4e générations, comparativement aux pilules de 2e génération, la Haute Autorité de santé (HAS) a considéré que le doute devait bénéficier aux pilules de 2e génération, donc à  proposer en première intention, tout en énonçant que le rapport bénéfice/risque des pilules de 3e et 4e générations demeure largement positif. Le pire serait l’arrêt de la contraception chez une femme qui tolère mal une pilule prescrite en première intention, en sachant que le risque TEV est encore plus élevé durant la grossesse (x 3), même à son début, et en périabortum que sous contraception hormonale. A contrario, la HAS ne dit pas que les études apportent la preuve irréfutable de la supériorité des 2e générations sur les générations ultérieures. Il est donc licite de prescrire une pilule de 3e génération chez une femme qui ne tolère pas une 2e génération, par exemple si elle présente une acné, soit en première intention soit en switch. À l’évidence, une femme acnéique tolèrera mieux une pilule de 3e génération à 30 γ qu’une pilule de 2e génération à 20 γ. En pratique, la notion d’« intention » doit être maniée avec souplesse, sans être appliquée à la lettre, et la prescription réfléchie en fonction du contexte clinique qui fournit des signes d’orientation. Tolérance et observance : deux critères clés pour la prescription Parmi ces signes d’orientation figurent les oublis : une femme qui se dit incapable de prendre un comprimé tous les jours ou qui effectivement oubliait fréquemment de prendre la pilule qui lui avait été prescrire est une bonne candidate à la prescription d’un anneau vaginal. La notion d’intention mérite donc d’être infléchie pour moduler la prescription en fonction des critères d’orientation fournis par la clinique et ce que l’on sait de l’observance des patientes. Avant la mise sur le marché des nouvelles pilules à l’estradiol, la prescription contraceptive était fonction de ces deux critères d’orientation que sont la tolérance clinique et l’observance : en l’absence de critères d’orientation, on devait prescrire une pilule de 2e génération parmi les moins dosées en EE ; en présence de critères cliniques d’orientation, on peut prescrire initialement une pilule de 3e génération, la moins dosée possible ; chez une femme ayant tendance aux oublis, il vaut mieux choisir une autre galénique pour cette contraception. La question qui se pose avec l’apparition des pilules à l’estradiol, qui modifient nettement moins les facteurs de la coagulation, est de savoir quelle est leur place dans la stratégie de prescription. Les recommandations ne les concernent pas puisque la HAS ne les cite pas. Si l’on tient compte de l’état de l’art, comme le code de déontologie nous y oblige, ces nouvelles pilules peuvent être prescrites en première intention. La finalité de la contraception reste d’éviter le recours à l’IVG, dont les risques surpassent sur bien des plans les inconvénients et les dangers potentiels de la contraception. Dans cette optique, la notion de première intention n’a de sens qu’en l’absence d’orientation clinique qui permet de moduler le choix. Elle ne se conçoit qu’en l’absence de facteurs de risque et de troubles cliniques, et en tenant compte du profil psychologique, autant de paramètres susceptibles d’altérer l’observance et la persistance du traitement. Ces conditions de prescription sont parfaitement conformes aux recommandations de la HAS. 

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