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Article du mois

Publié le 12 déc 2022Lecture 10 min

Traitement hormonal de la ménopause - Une synthèse proposée par la North American Menopause Society

Daniel ROTTEN, Paris

NAMS position statement. The 2022 hormone therapy position statement of The North American Menopause Society. Menopause 2022 ; 29 : 767-94.

La North American Menopause Society (NAMS) avait publié en 2017 une synthèse des données existant dans la litérature médicale relaives au traitement hormonal de la ménopause. Elle vient d’en proposer la mise à jour. Il s’agit d’un imposant travail. Le comité de rédacion est consitué d’une quinzaine de membres aux C.V. à rallonges. Près de 350 aricles scienifiques parus depuis 2017 sont analysés, le texte couvre 27 pages de revue. Il a reçu l’aval d’une trentaine de sociétés professionnelles réparies sur la planète, dont certaines qu’il est rassurant de voir coexister ici, comme The Taiwanese Menopause Society et The Chinese Menopause Society.

Les points abordés sont regroupés en une vingtaine de sous-chapitres : symptômes ménopausiques, insuffisance ovarienne primaire, douleurs articulaires, sarcopénie, phanères, ostéoporose, cognition, dépression, pathologie cardiovasculaire, etc. Comme l’indiquent les auteurs, cette synthèse ne comporte pas de véritable révolution, mais apporte des compléments d’information sur plusieurs points. C’est ce que traduit leur conclusion. Le THM reste le moyen le plus efficace pour traiter les symptômes vasomoteurs et le syndrome urogénital de la ménopause, il participe à prévenir l’ostéoporose et la survenue de fractures. Prescrit dans les dix ans qui suivent l’apparition de la ménopause, et en l’absence de contre-indication, la balance bénéfice-risque est favorable au traitement en cas de troubles vasomoteurs rebelles et en prévention de la perte osseuse. Dans les autres situations, la balance bénéfice-risque est moins favorable, du fait d’un risque accru de maladie coronarienne, d’accident vasculaire cérébral, de maladie veineuse thromboembolique et de démence. La prescription doit alors être soigneusement pesée. La présente analyse passe en revue les seules conclusions de la North American Menopause Society (NAMS) se rapportant aux relations entre THM et cancer du sein.   Préalable méthodologique Les auteurs de la mise à jour soulignent d’emblée qu’ils ont hiérarchisé les informations publiées selon leur fiabilité et privilégié les données relevant de la médecine par les preuves. A ce titre, les conclusions issues de la Women’s Health Initiative (WHI) conservent une place de choix, car il s’agit du plus vaste essai randomisé concernant le THM disponible à ce jour. On trouvera donc à plusieurs reprises des résultats obtenus avec des formulations peu employées en France. Les estrogènes conjugués équins (ECE) ne sont pas commercialisés et certains progestatifs de synthèse, comme l'acétate de  médroxyprogestérone (MPA), la noréthistérone ou le lévonorgestrel sont peu ou pas utilisés dans cette indication. Mais la synthèse inclut également des conclusions issues d’études réalisées selon des modes plus conformes à nos habitudes de prescription : recours à de l’estradiol 17 bêta, à la progestérone micronisée ou à la dydrogestérone ; prescription du THM dès l’établissement du diagnostic de ménopause et non pas avec un délai de carence d’une dizaine d’années.   THM et incidence des cancers du sein D’après les résultats de la WHI, actualisés en 2013 puis en 2020, la prise continue d’une association estroprogestative (en l’occurrence ECE + MPA) s’accompagne d’une augmentation du risque évaluée à 9 cas de cancer invasif pour 10 000 années-femmes de prise. Le suivi post-thérapeutique à long terme montre une persistance du surrisque . 20 ans (tableau 1). Ce risque est estimé « rare » (catégorie qui comporte les risques compris entre 1/10 000 et 10/10 000 personnes par an). La prise d’estrogènes seuls s’accompagne d’une baisse de l’incidence des cancers invasifs du sein évaluée à moins de 7 cas de cancer invasif pour 10 000 années-femmes de prise. Cette baisse est statistiquement non significative pendant la prise et à son décours immédiat, mais elle apparaît claire lors du suivi à long terme (tableau 1). A noter : le résultat concernant la prise d’estrogènes seuls n’est pas retrouvé dans toutes les études, en particulier les études observationnelles, comme on le verra ci-après. A partir des données de la WHI, il est possible de calculer qu’en cas de prise d’une association estroprogestative le risque annuel attribuable de cancer du sein est inérieur à 1 pour 1 000 utilisatrices (pour un âge moyen de 63 ans). Par comparaison avec les facteurs de risque modifiables, le risque est légèrement supérieur à celui encouru par la prise quotidienne d’un verre de vin. Il est similaire à celui rencontré en cas d’obésité ou de faible activité physique.   Mortalité spécifique par cancer du sein La WHI est la seule étude rapportant la mortalité à long terme spécifiquement attribuable au cancer du sein, analysée à partir d’une prescription de THM randomisée au départ. En cas de prise d’estrogènes seuls, la mortalité cumulée à 20 ans est significativement diminuée. En cas de THM combiné, on n’observe pas d’augmentation statistiquement significative de la mortalité cumulée à 20 ans, malgré l’augmentation d’incidence tant initiale que cumul.e (tableau 1). Contrairement à l’étude randomisée de la WHI, une majorité des études observationnelles font état d’une diminution du risque de décès spécifiquement lié au cancer du sein chez les femmes ayant utilisé un THM. Des explications de deux ordres sont proposées pour rendre compte de l’absence de surmortalité malgré l’augmentation d’incidence. En cas de prise de THM, les tumeurs ont en majorité des caractéristiques biologiques de sévérité moindre en termes de différenciation, d’indice de prolifération, de présence de récepteurs hormonaux, etc. Un facteur de confusion statistique peut être également en cause. Les femmes utilisant un THM ont un suivi médical plus régulier, avec des examens cliniques mammaires et mammographiques plus fréquents, permettant un diagnostic plus précoce.   Incidence et durée de prise Comme le montrent les données de la métaanalyse de données individuelles réalisée par le Collaborative Group on Hormonal Factors in Breast Cancer (CGHFBC), le risque de cancer du sein augmente avec la durée de la prise. C’est le cas pour la prise d’associations estroprogestatives, mais on observe également une augmentation d’incidence avec la prise d’estrogènes seuls (figure 1). Figure 1. Durée de prise de THM et incidence de cancers du sein (d’après les chiffres de la métaanalyse du Collaboraive Group on Hormonal Factors in Breast Cancer). Ce résultat est donc en contradiction avec celui observé Dans la WHI. Les auteurs de la synthèse évoquent l’hypothèse que la différence serait à rapporter à un âge de début de prise plus bas (entre 45 à 54 ans) dans le cas du Collaborative Group, plus proche de 60 ans pour la WHI. Les données récentes recueillies par Y. Vinogradova et coll. tendent à confirmer l’effet durée. Il s’agit d’une large étude cas-contrôle, parue fin 2021 (du fait de cette date de parution, elle ne figure pas dans la bibliographie de la synthèse de la NAMS). Le risque de survenue d’un cancer du sein augmente avec le nombre d’années d’utilisation (tableau 2). Mais, comparé à celui mesuré par le CGHFBC, l’effet durée est de moindre ampleur. Cette observation vaut pour l’amplitude d’augmentation pendant la prise. Egalement, la vitesse de décroissance du risque après l’arrêt est plus rapide (tableau 2). Enfin, l’étude souligne la place particulière de la dydrogestérone : on n’observe pas d’augmentation d’incidence avec l’association estrogène-dydrogestérone (tableau 2).   THM et patientes à risque élevé de cancer du sein La prescription de THM à des femmes ayant des facteurs de risque de cancer du sein est une interrogation clinique récurrente. Plusieurs études observationnelles ont abordé cette interrogation. Elles sont généralement d’effectif restreint. La plupart d’entre elles montrent que le risque relatif observé chez les femmes affectées d’un risque individuel ou familial élevé est identique à celui des femmes ayant un risque standard. Mais il faut souligner qu’il s’agit d’un risque relatif. Du fait du risque de base élevé, cela correspond néanmoins à une augmentation du risque absolu (nombre de cancers). Chez les femmes porteuses d’une mutation BRCA 1 ou 2 et ayant subi une ovariectomie préventive à un jeune âge – option proposée par plusieurs recommandations professionnelles –, le risque de présenter un cancer du sein est considéré comme faible et l’utilisation d’un THM est estimée acceptable.   Molécules utilisées La synthèse de la NAMS, reflétant le manque de données fiables issues d’essais contrôlés, est prudente sur le sujet. Concernant les estrogènes, les rédacteurs concluent que ECE et estradiol paraissent avoir des effets comparables sur l’incidence des cancers du sein. Pour les progestagènes, les auteurs relèvent que plusieurs études observationnelles – mais pas toutes – montrent un effet moindre de la progestérone et de la dydrogestérone par comparaison avec les progestatifs de synthèse, MPA en particulier. On peut signaler à cet égard la publication récente d’une étude cas-contrôle portant sur 43 183 cas de cancers du sein, qui propose une analyse du rôle des principales molécules utilisée en THM (encadré).   Voie d’administration Concernant les estrogènes, voie orale ou transdermique ont des effets identiques sur l’incidence de cancers du sein. Toutefois, on n’observe aucune augmentation de l’incidence de cancers du sein lors de l’utilisation d’estrogènes par voie vaginale.   THM après cancer du sein Bien qu’il s’agisse là également d’une interrogation clinique récurrente, la littérature n’est pas d’une grande aide en la matière. Les deux essais contrôlés dont on dispose font état de résultats opposés. L’un montre un taux de récurrence augmenté, contrairement à l’autre. Les études observationnelles publiées montrent, quant à elles, l’absence d’augmentation de taux de récidive ou même une diminution chez les femmes qui prennent un THM au décours d’un traitement pour cancer du sein. Mais toutes ces études sont entachées d’un biais de sélection majeur. Les patientes qui choisissent l’option THM sont probablement celles qui ont le plus bas risque de récidive. La NAMS se range donc à l’avis généralement donné dans ces circonstances. La prise de THM est par principe déconseillée aux patientes ayant eu un cancer du sein. Si les symptômes de déprivation estrogénique sont sévères, s’ils ne répondent pas aux traitements non hormonaux, et après information des risques et des bénéfices attendus, les patientes peuvent opter pour une prise de THM. Ce choix doit se faire en concertation avec l’oncologue, ce qui sous-entend que seules les patientes à risque de récidive faible seront concernées. Qu’en est-il de la prescription d’estrogènes par voie vaginale ? Leur absorption systémique est faible (mais démontrée). Pour la NAMS, leur administration chez ces patientes est cependant une option thérapeutique possible en cas de syndrome génito-urinaire de la ménopause qui persiste malgré l’essai préalable de thérapeutiques non hormonales. La prescription d’estrogènes par voie vaginale chez des patientes alors qu’elles sont encore sous antiestrogènes soulève des questions spécifiques. La plus grande prudence est de mise avec les inhibiteurs d’aromatase, qui agissent par inhibition de l’aromatisation de précurseurs en estrogènes : les estrogènes exogènes court-circuitent donc leur mécanisme d’action. L’utilisation chez des patientes sous tamoxifène pose moins de problèmes théoriques, car le tamoxifène agit par inhibition compétitive au niveau du récepteur de l’estradiol. Il bloquera aussi l’effet des estrogènes exogènes. Cette préoccupation a reçu une confirmation clinique récente (trop récente pour être incluse dans la revue bibliographique de la NAMS). Soren Cold et coll. ont analysé le suivi de 9 566 patientes traitées pour un cancer du sein de stade précoce(4). Parmi elles, 1 222 reçoivent des estrogènes par voie vaginale. Le risque de récidive est identique chez les patientes ne recevant pas de traitement adjuvant ou chez celles recevant un traitement adjuvant par tamoxifène. En revanche, le risque de récidive est élevé chez les patientes recevant un traitement adjuvant par inhibiteur de l’aromatase (HR ajusté : 1,39 ; IC 95 % : 1,04-1,85). Il s’agit d’une étude observationnelle. Il faut donc interpréter ces chiffres avec précaution. également, l’augmentation du taux de récidive ne s’accompagne pas de surmortalité. Soren Cold et coll. Conseillent donc d’arrêter le cas échéant les inhibiteurs de l’aromatase et de les remplacer par du tamoxifène en cas de nécessité de prescription d’une estrogénothérapie locale chez ces patientes. Dans tous les cas, la conclusion, prudente, de la NAMS reste donc valide : la concertation avec l’oncologue reste nécessaire.   Qu’apporte la mise au point de la NAMS ? Les données présentées ci-dessus sont issues d’une revue exhaustive de la littérature, avec un accent particulier mis sur la littérature récente. Le niveau de preuve apporté par les différentes études est évalué avant de formuler les recommandations. Si beaucoup d’informations étaient déjà acquises dans leurs grandes lignes, certains items ont pu être affinés. Du fait du poids respectif des publications disponibles et de leur nombre, le biais nord-américain persiste. Toutefois, des résultats obtenus dans des études utilisant des protocoles de prescription conformes aux habitudes cliniques européennes prennent une place plus importante : début de la prise de THM proche de la date de survenue de la ménopause, utilisation d’autres molécules que les ECE et la MPA. On observe que, malgré l’accumulation de nouvelles publications et le recul du temps, il reste des résultats discordants sur nombre de points. L’effet des estrogènes seuls en est un exemple. Deuxième exemple : la réalité d’un effet spécifique des différents progestatifs contenus dans les THM combinés. Or, disposer d’une confirmation de la moindre toxicité de la progestérone vis-à-vis de la survenue des cancers du sein devrait entraîner des changements de pratique. Enfin, on note que, par manque d’études ayant un niveau de preuve suffisant, les rédacteurs de la NAMS ont une attitude positive mais prudente sur deux points : la prescription de THM aux femmes ayant un risque élevé de cancer du sein comme à celles ayant effectivement eu un cancer du sein. Enfin, il est intéressant de noter que cette étude scientifique commence à aborder le problème des facteurs de risque modifiables, même si c’est de façon limitée.    

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