Publié le 07 nov 2022Lecture 5 min
Consentir à un examen gynécologique
Israël NISAND, Professeur émérite de gynécologie obstétrique
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Les mises en cause récentes et très médiatisées de gynécologues pour n’avoir pas veillé au consentement de leurs patientes lors d’examens gynécologiques questionnent l’ensemble de la société, patients et médecins, sur ce qu’est le consentement à un examen médical.
Les plaintes pour viol dans ce contexte, « geste de pénétration sexuelle effectué sans consentement, par surprise ou par menace », vont contraindre à une clarification du sens exact donné à ce terme. En effet, un examen médical, même brutal, ne peut revêtir une appellation criminelle, sauf à vider le mot même de « viol » de son sens et de sa réalité, sauf à empêcher la pratique sereine de la médecine de la femme.
L'expérience malheureuse d'une rencontre brutale avec un médecin dont l'empathie et l'écoute ne se sont nullement manifestées pendant un examen gynécologique, de surcroît douloureux, voire non explicité préalablement, peut laisser un sentiment de préjudice, voire un réel traumatisme.
La reconnaissance voire une véritable réparation, si tant est que cela soit possible répond alors à souci d’équité. Le sentiment de n’avoir pas été entendue dans l’expression de sa douleur, de n’avoir pas été respectée dans sa pudeur, d’avoir été méprisée voire annihilée au cours de cet examen amène des patientes à en vouloir suffisamment à un médecin pour souhaiter lui nuire définitivement. S’ajoute à cela un mobile collectif, souvent allégué, de mettre à l’abri d’autres femmes de cette mauvaise expérience en les prévenant urbi et orbi de la mauvaise aventure qu’elles ont vécue lors de cette consultation.
Cependant l'appellation de "viol", pour efficace qu’elle soit dans le préjudice porté à un médecin, est-elle légitime ? L’intentionnalité de soins et non sexuelle patente lors d’un examen gynécologique(1) ne contredit-elle pas d’emblée cette accusation ?
La réflexion doit donc porter sur les modalités de ce consentement si particulier, réflexion qui concerne autant les médecins que les patientes.
• Du côté des médecins, il ne suffit pas d’obtenir un consentement initial à un geste diagnostique ou thérapeutique, car ce consentement peut à tout moment être retiré. Une patiente qui dit « stop » retire à l’instant même son consentement, quel que soit le moment de l’acte, même si la situation technique est périlleuse, même si l’acte est entamé et non terminé. Le consentement d’une patiente, en plus d’être toujours sollicité, ne persiste que tant que la patiente ne le récuse pas. En outre, tout nouveau geste nécessite à son tour un nouveau consentement.
Le caractère transitoire du consentement a pu échapper jusqu’ici aux médecins, à l’instar de ce qui se passe en chirurgie où un geste débuté ne peut s’interrompre au milieu du gué.
Mais là, il s’agit de patientes endormies. En l’absence d’anesthésie générale, et ceci vaut pour la césarienne(2) sous anesthésie péridurale, le consentement est constamment nécessaire et peut s’interrompre à tout moment, en cours de route, a fortiori en consultation où la patiente détient les clés du consentement et peut à tout moment « couper le contact ». Il sera toujours temps de voir à tête reposée avec elle comment faire avancer tout de même son cas médical sans pour autant forcer les choses, ou endormir immédiatement une femme qui a mal et qui le dit.
• Du côté des patientes, tous les gestes effectués par un médecin ne peuvent l’être que si le consentement de la patiente a été manifeste. Il va sans dire et il est patent quand une patiente prend rendez-vous et s’installe dénudée en position gynécologique en vue d’un examen clinique qu’elle sollicite. Cela va sans dire, mais c’est mieux en le disant. La proposition d’un médecin de se tenir disponible pour réaliser l’examen pour lequel un rendez-vous a été pris n’est qu’une proposition.
Le médecin propose et la patiente dispose. Et ce, quels que soient l’empire et la capacité de persuasion du médecin.
Une consultation gynécologique n’implique pas forcément un examen physique. Si celui-ci est proposé, c’est avec un but précis expliqué par le médecin et accepté par la patiente.
Comment comparer cela, a posteriori, parce que l’expérience a été douloureuse ou brutale, à un véritable viol, sans dégrader du même coup, car les mots ont un sens, la catastrophe vécue par celles qui ont été victimes d’un viol avec intentionnalité sexuelle ? Comment comparer les préjudices subis par les unes et par les autres ? Si c’est un même mot qui définit les deux situations ; on est dans la confusion. Si un examen médical peut être taxé de « crime », alors on est dans l’iniquité, voire dans une situation qui pourrait nuire à la qualité de la médecine de la femme. Si les mots conservent un sens, alors le mot « viol » est inadapté pour décrire une mauvaise pratique médicale.
Comment avancer ? Une nouvelle incrimination pénale de « violence physique médicale » serait utile pour qu’une femme puisse obtenir réparation quand un examen médical se solde par un sentiment de préjudice, voire de haine à l’égard du médecin, sans pour autant qu’il faille pour cela en recourir au qualificatif de « viol ».
Éduquer mieux le corps médical sur le consentement et son caractère provisoire serait fort utile.
Signature de consentement avant tout examen ? Pesant et de surcroît inutile.
Alors quelles propositions ?
• Réaliser moins d’examens physiques et toujours après explication de leur intérêt, en intégrant bien le caractère toujours provisoire du consentement.
• Donner aux patientes la possibilité de se plaindre d’un examen réalisé dans de mauvaises conditions de brutalité, d’indécence ou de non-consentement à telle ou telle partie de l’examen non annoncée et non expliquée, sans pour autant n’avoir d’autre solution que d’emprunter une accusation criminelle.
Si le but est bien l’amélioration des relations entre patients et médecins, ces propositions suffiront pour en terminer avec des accusations non fondées, car mal étiquetées. Si on échoue dans cette clarification des mots et des comportements, ceci se fera, pour finir, au détriment des patients qui attendent des médecins qu’ils les aident dans leurs éventuelles pathologies.
Personne ne peut parier sur le fait qu’il n’aura jamais besoin d’un médecin en qui la confiance soit absolue.
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