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Infertilité

Publié le 16 oct 2022Lecture 9 min

Impact du stress oxydant et du traitement avec des micronutriments sur la maturation et la compétence spermatique

Dorian BOSQUET et coll*

De façon générale, les voies métaboliques oxydatives font parie intégrante du fonctionnement cellulaire. Ces mécanismes oxydatifs sont étroitement contrebalancés par des systèmes réducteurs qui font office de régulateurs : lorsque ces systèmes régulateurs sont dépassés, on parle de " stress oxydant ". La spermiogenèse est un modèle de ce juste équilibre nécessaire dans la balance entre oxydation et réduction. En effet, un dérèglement de la balance oxydo-réduction a un impact sur son bon déroulement en impactant négativement les paramètres spermatiques, l’intégrité génomique et épigénéique. L’inferilité masculine en est l’expression clinique.

Il existe des conditions pathophysiologiques génératrices de stress oxydant sur les issus, mais également des dysfonctionnements cellulaires. Ce sont les espèces réactives de l’oxygène (ERO, ou ROS en anglais) qui semblent jouer un rôle significatif dans les dommages spermatiques. Pour une prise en charge clinique de l’infertilité masculine, la compréhension des mécanismes de défense anti-oxydatifs pourra aider les cliniciens et les biologistes à proposer des traitements ciblés permettant de les renforcer. C’est une des voies thérapeutiques proposées pour rétablir la bonne compétence spermatique nécessaire à la fertilité de l’homme.   Équilibre de la balance oxydo-réduction au niveau épididymo-testiculaire Physiologiquement, la respiration mitochondriale est la principale source d’espèces réactives de l’oxygène (ERO). Ces molécules possèdent soit un électron non apparié, soit une liaison instable qui les rend particulièrement réactives et leur donne leur pouvoir oxydant. Ces ERO sont indispensables physiologiquement. Par exemple, lors de la maturation épididymaire des spermatozoïdes, la fonction principale de ces ERO est de former des ponts disulfures entre les protamines (structures protéiques qui permettent le super-enroulement dit " toroïde " de l’ADN spermatique). Cette oxydation réduit l’espace physique entre les protamines et permet donc de verrouiller la condensation de l’ADN spermatique. Cet hyper-enroulement chromatinien est indispensable pour protéger l’intégrité du génome et l’épigénome (réservoir d’ARN paternel) des spermatozoïdes de toutes agressions après leur émission, particulièrement lors de leur trajet au sein du tractus génital féminin. Paradoxalement, cette hypercondensation empêche tout mécanisme de traduction ou de transcription chez le spermatozoïde qui a d’ailleurs été débarrassé de tout matériel cytoplasmique lors de la spermiation : à ce stade, le spermatozoïde est particulièrement fragile et dépend de son environnement pour être protégé. Alors, des systèmes réducteurs veillent au sein de l’épididyme afin de réguler la quantité d’espèces oxydantes dans le liquide épididymaire. Ces systèmes peuvent être séparés en deux sous-unités : ceux faisant intervenir des molécules comme les vitamines (C, E, caroténoïdes, etc.), le zinc, le sélénium, ou encore le coenzyme Q10, et ceux faisant intervenir des mécanismes enzymatiques. Ces systèmes enzymatiques sont principalement représentés par les glutathions peroxydases qui permettent d’éliminer le peroxyde d’hydrogène (H2O2) et ainsi d’éviter tout dommage radicalaire au niveau cellulaire.   Dommages spermatiques par le stress oxydatif Les ERO entrent très facilement en interaction avec les différents composants moléculaires cellulaires (acide nucléique, acides aminés, lipides, etc.). En effet, il faut considérer ces ERO comme des messagers dans la communication intercellulaire dont le signal va être modulé en fonction du niveau de leur réactivité oxydative. Au niveau protéique, les ERO modifient la conformation tridimensionnelle des protéines et changent donc leurs propriétés (ce mécanisme est par exemple régulé par le sélénium). Sur le plan lipidique, les spermatozoïdes ayant une membrane riche en acides gras, leur membrane cytoplasmique est particulièrement sensible à la peroxydation. Cette activité fait varier la fluidité. de la membrane et peut affecter la mobilité spermatique. De plus, la modification de la conformation de la membrane cytoplasmique peut avoir un impact sur la capacité du spermatozoïde à induire sa capacitation, sa réaction acrosomique ou encore la reconnaissance gamétique. Il existe des mécanismes enzymatiques régulateurs de la peroxydation lipidique via notamment l'action du lycopène et de la L-carnitine. Au niveau de l’ADN spermatique, les liaisons entre acides nucléiques peuvent être directement modifiées par oxydation, induisant des cassures simples ou doubles brins. Ce phénomène peut être évalué en dosant dans le liquide séminal un produit d’oxydation d’un acide aminé, la guanine, nommé le 8-OHdG. De plus, la fragmentation anormale de l’ADN peut être évaluée par la mesure du taux de fragmentation de l’ADN spermatique (DNA Fragmentation Index ou DFI) via différents protocoles (TUNNEL, SCSA le plus couramment en France). Cet environnement hyper-oxydant peut également avoir un impact sur le bon fonctionnement des mécanismes de réparation de l’ADN. Par exemple, il existe physiologiquement une activité endonucléasique (qui induit des cassures simples et doubles brins de l’ADN) lors de la spermiogenèse : c’est le cas de l’étape de substitution histone/protamine, qui va induire des cassures de l’ADN afin de faciliter l’insertion des protamines, qui nécessiteront d’être réparées par la suite. Ces mécanismes de réparation étant principalement d’origine protéique, ils peuvent être défaillants dans un environnement hyper-oxydant induisant des sites abasiques ou la persistance anormale de cassure de l’ADN. De plus, ces défaillances peuvent avoir un impact sur la qualité et la quantité de la substitution des histones par les protamines. Ce phénomène entraîne la persistance anormale d’histones et ainsi des anomalies de condensation de l’ADN spermatique. Ces anomalies de condensation peuvent se traduire par des modifications morphologiques du spermatozoïde et réduire ses capacités d’induire une fécondation. Elles peuvent être évaluées par la mesure de l’index de décondensation de l’ADN spermatique (Sperm Decondensation Index ou SDI), le plus souvent par une technique de coloration au bleu d’aniline. Paradoxalement, certaines zones géniques doivent être vierges de toute compaction afin d’être disponibles rapidement lors de la fécondation et des premiers stades de clivage de l’embryon. C’est un des rôles du zinc qui permet de protéger ces groupements thiols de toute oxydation. Ce système peut être défaillant en cas d’environnement hyperoxydant et justifie la supplémentation en zinc dans un traitement oral antioxydant. En raisonnant de façon plus globale, le potentiel d’oxydo-réduction du liquide séminal (Static oxidation-reduction potential : sORP) peut être mesuré directement par le système MIOXsys (Aytu, BioScience, USA). L’impact direct du stress oxydant sur le spermatozoïde lui-même est largement documenté dans la littérature. La maturation épididymaire étant le moment critique. Pourtant, il semble également que le stress oxydant ait un impact en amont, lors de la spermiogenèse au sein des tubes séminifères. En effet, le processus méiotique nécessite une régulation grâce à des molécules clés (keys checkpoints molecules) qui peuvent être endommagées par les ERO. Ces " checkpoints " altérés par le stress oxydant peuvent impacter l’efficience du processus méiotique des cellules germinales en entraînant soit une apoptose, soit un dysfonctionnement mitochondrial avec un déséquilibre énergétique, soit des anomalies chromosomiques. Ces dernières se traduisent par une contribution paternelle négative sur le potentiel de développement, d’implantation embryonnaire ou d’avortement précoce.   Conditions pathologiques génératrices d'ERO La littérature rapporte des situations cliniques typiques génératrices d’ERO. Au niveau environnemental, l’exposition tabagique, l’imprégnation alcoolique chronique, l’obésité, l’exposition à des toxiques professionnels (insecticides, herbicides, métaux lourds, solvants, etc.), l’exposition à la chaleur (professionnelle, sport intense) et à des radiations sont décrites. Les infections génito-urinaires chez l’homme, qui produisent un environnement inflammatoire et le  recrutement de leucocytes, sont particulièrement génératrices d’ERO. De plus, une pathologie se distingue par son incidence dans une situation d’hypofertilité masculine : la présence d’une varicocèle. Selon Alsaikhan et coll. (2016), elle est retrouvée dans 25 à 35 % des cas dans une situation d’infertilité contre 15 % dans la population générale. En effet, cette insuffisance valvulaire de la veine testiculaire, à gauche dans 80 % des cas, entraîne un reflux de métabolites toxiques normalement éliminés par le rein et augmente la température intrascrotale. Cette situation est particulièrement génératrice de trouble de la spermiogenèse, notamment par un environnement hyperoxydant. Cette situation clinique est intéressante, car elle peut être dépistée et traitée efficacement.  partir de ces éléments, il semble que la collecte de données lors de l’anamnèse est un moment clé pour identifier une situation évocatrice de trouble de la fertilité dans un contexte de stress oxydant et ainsi motiver des examens complémentaires. Parallèlement à ces origines exogènes d’ERO, on peut émettre l’hypothèse que les ERO soient d’origine endogène par dysfonctionnement mitochondrial. Les anomalies spermatiques seraient alors liées à un désordre métabolique d’origine mitochondrial. Une désorganisation mitochondriale issue de défaut méiotique en amont, ou la carence en certains éléments clés dans le transport membranaire mitochondrial pourrait en être la cause justifiant la supplémentation par exemple en L-carnitine et l’acylcarnitine (Marcovina et coll. 2013, Colin et coll. 2015).   Les antioxydants sous forme de compléments alimentaires dans le parcours d'infertilité Les objectifs d’une supplémentation alimentaire d’antioxydants chez l’homme infertile sont de : réduire la quantité de radicaux libres ; réduire les processus inflammatoires ; améliorer les paramètres spermatiques ainsi que la maturation et la compétence du spermatozoïde ; augmenter la stabilité et réduire les dommages de l’ADN spermatique ; augmenter la qualité du métabolisme énergétique du spermatozoïde. Pour ce faire les antioxydants oraux présentent trois grandes catégories de molécules : énergétiques tel le fructose, des enzymes antioxydantes comme le sélénium ou le coenzyme Q10, la carnitine, la LC-carnitine, le glutathion (rôle dans le cycle non carboné) et des micronutriments qui sont des éléments clés de la spermiogenèse et de la maturation épididymaire comme le zinc ou la vitamine B12. Selon Delbarba et coll. (2020), une cure de 3 mois par des compléments alimentaires (myoinositol, acide alpha lipoïque, coenzyme Q10, sélénium, zinc et vitamine B) a un impact positif chez des patients inclus sur le critère : taux de fragmentation (DFI) > 20 %. En effet, l’auteur constate une amélioration de la vitalité (p < 0,05), du DFI (p = 0,0001) qui permet à des patients de passer de paramètres spermatiques globalement anormaux à totalement normaux (p < 0,05). D’après la revue Cochrane de 2011, le traitement antioxydant aurait fait ses preuves sur différents critères de jugement : amélioration de paramètres spermatiques, amélioration des marqueurs de maturité du noyau spermatique (DFI et SDI), baisse du stress oxydatif dans le liquide séminal, succès en insémination intra-utérine, en FIV amélioration de la fécondation, de la qualité embryonnaire, du taux implantatoire, des naissances vivantes. Il semblerait donc que le traitement antioxydant ait montré son efficacité dans ces situations. Néanmoins, il existe en pratique clairement une variabilité interindividuelle dans la réponse au traitement antioxydant.   Particularité de la supplémentation en carnitine et L-carnitine La L-carnitine semble particulièrement retenir l’attention des auteurs. Selon Ahmed et coll. (2011), la comparaison du dosage de L-carnitine dans le liquide séminal chez un groupe de patient fertile versus infertile montre une baisse significative du taux de L-carnitine dans le plasma séminal des patients infertiles. Selon Marcovina et coll. (2013), la supplémentation en L-carnitine pourrait pallier certaines dysfonctions mitochondriales qui entraîneraient des anomalies spermatiques. Mongioi et coll. (2016) ont passé en revue le rôle de la carnitine sur les paramètres spermatiques : amélioration de la mobilité, de la concentration, de la morphologie et réduction de la production d’ERO. Schéma de synthèse. Stress oxydant et infertilité masculine : comment réguler la dérégulation. Conclusion À partir de ces éléments, la prescription de l’analyse de la fragmentation de l’ADN spermatique (DFI), du niveau de condensation de l’ADN spermatique (SDI) ainsi que le dosage de 8-OHdG ou des sORP peut être intéressante en tant que biomarqueur des dommages du stress oxydatif chez les patients hypofertiles. Ces biomarqueurs semblent apporter des informations complémentaires aux traditionnels paramètres spermatiques. En fonction des résultats de ces biomarqueurs, un traitement oral par antioxydant au minimum de 3 mois semble pertinent. D’après notre expérience, une supplémentation avec un complément alimentaire tel que le Proxeed Plus (Alfasigma Netherland) pendant 3 mois peut améliorer les paramètres spermatiques, l’intégrité génomique du spermatozoïde et la réduction de l’ADN libre circulant et plus globalement le pronostic de la tentative d’AMP (Lienzi et coll. 2004, Balercia et coll. 2005, Cavallini coll. 2012, Vessey coll. 2016, Busetto coll. 2017).

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