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Infertilité

Publié le 18 jan 2022Lecture 11 min

Ovaires polykystiques - Prise en charge de l'infertilité en dehors des indications de FIV

Hélène BRY-GAUILLARD, Endocrinologie et médecine de la reproduction, CHIC de Créteil ; Endocrinologie et reproduction, CHU Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre

Le syndrome des ovaires polykysiques (SOPK) est une endocrinopathie fréquente touchant 8 à 13 % des femmes. Elle représente la première cause d’hirsutisme et d’anovulation. Le SOPK est un syndrome hétérogène. C’est pourquoi la définition, toujours utilisée, est pragmatique et issue du consensus de Rotterdam de 2003, modifie sur les critères échographiques en 2018(1).

Le SOPK est caractérisé par un trouble de la folliculogenèse associé à une hyperandrogénie intra-ovarienne, elle-même favorisée par une hyperinsulinémie. Il en résulte le plus souvent une anovu- lation, responsable de la difficulté de conception. La prise en charge de l’infertilité du SOPK passe donc par le rétablissement de l’ovulation, en ayant bien sûr vérifié l’état tubaire et le spermogramme du conjoint. Si les trompes sont perméables et le spermogramme compatible avec une conception spontanée, on proposera à la patiente une induction de l’ovulation simple. Dans le cas contraire, on posera l’indication d’une technique d’aide médicale à la procréation (AMP), insémination ou technique de fécondation in vitro (FIV ou ICSI) selon les facteurs d’infertilité associés. On dispose d’une littérature abondante sur la prise en charge du trouble de l’ovulation lié au SOPK. La place de chacun fait toujours actuellement débat et est d’autant plus difficile à déterminer que le SOPK est un syndrome hétérogène, incluant des phénotypes variables plus ou moins sévères. Lutte contre l’insulinorésistance • Amaigrissement Le surpoids et l’obésité sont fréquemment associés au SOPK et aggravent les signes cliniques du syndrome, à savoir l’anovulation et l’hyperandrogénie. Il faut toutefois rappeler ici que, selon les populations étudiées, 30 à 50 % des patientes SOPK ont un poids normal et que 30 % des SOPK à poids normal auraient une insulinorésistance. Les effets délétères de l’obésité sur la fertilité et le déroulement de la grossesse justifient la prise en charge hygiéno-diététique indépendamment du SOPK. En effet, l’obésité est un facteur responsable d’une augmentation de délai de conception, de fausses couches à répétition (FCS) et de complications materno-fœtales au cours de la grossesse. Elle est également responsable d’une difficulté voire d’une non-réponse aux traitements inducteurs de l’ovulation ainsi que d’un risque d’échec plus important des techniques d’AMP quelles qu’elles soient lorsque ces dernières sont utilisées. Les modifications de l’hygiène de vie permettent une diminution significative du poids, de la testostérone, du tour de taille et de l’insulinémie, mais il faut souligner l’absence de données suffisantes concernant l’effet sur la fertilité des patientes(2). Certaines études ont cependant montré une restauration de l’ovulation et des grossesses spontanées dans un pourcentage de cas variable selon les auteurs. L’amaigrissement semble efficace à partir d’une perte de poids supérieure à 5 %. La chirurgie bariatrique pratiquée dans l’obésité morbide permet une baisse d’incidence de l’irrégularité menstruelle, de l’hirsutisme et de l’infertilité(3). Cependant, elle n’est pas indiquée pour le seul motif de l’infertilité dans le SOPK associé à une obésité. En effet, la balance bénéfice/risque est discutable du fait des conséquences de cette chirurgie qui oblige à différer la grossesse d’au moins un an et qui entraîne des risques materno-fœtaux liés à l’intervention et à la malabsorption induite. • Activité physique L’activité physique régulière est également efficace pour augmenter la fréquence des cycles ovulatoires chez les patientes avec SOPK obèses(4). Elle agit en augmentant la masse maigre et la dépense énergétique, réduisant ainsi l’insulinorésistance. Les mesures hygiéno-diététiques doivent donc être expliquées en 1re intention(1) et font partie intégrante de la prise en charge du SOPK avec surpoids. Insulinosensibilisateurs • Metformine C'est un antidiabétique oral de la famille des biguanides, utilisé depuis les années 1970 dans le diabète de type 2. En diminuant l’insulinorésistance et donc l’hyperinsulinémie, la metformine réduit l’hyperandrogénie intra-ovarienne, facteur impliqué dans l’altération de la folliculogenèse du SOPK. Elle augmente les taux d’ovulation et de grossesse dans le SOPK comparativement au placebo. La dernière revue Cochrane publiée en 2019 montre une supériorité de la metformine par apport au placebo sur le taux de naissances vivantes, les taux de grossesses cliniques ainsi qu’une augmentation des cycles ovulatoires et de la régularité menstruelle(5). Cette même métaanalyse ne montre pas de différence significative en termes de naissances vivantes entre le groupe des femmes traité par citrate de clomifène (CC) et celui traité par metformine (OR 0,70, IC : 0,45-1,00 ; 5 études portant sur 741 femmes) prescrit en 1re ligne de traitement. Elle note que le CC donne de meilleurs résultats dans le groupe des femmes ayant un IMC > 30, alors que la metformine semble plus efficace dans le groupe des femmes ayant un IMC < 30. L’interprétation des données reste cependant difficile du fait des effectifs faibles de patientes avec des profils cliniques variables, des doses et durées d’administration de metformine différentes pouvant limiter son effet, en particulier en cas d’obésité. D'après les données actuelles, certains sous-groupes de patientes pourraient donc bénéficier du traitement par la metformine :  en 1re intention chez les femmes non obèses. Elle peut, par exemple, être proposée à une femme jeune, qui souhaite éviter un monitorage et/ou ne veut pas prendre le risque d’une grossesse multiple ;  en adjonction au CC chez les patientes résistantes au CC seul(5), elle pourrait améliorer les taux d’ovulation et de grossesse, et faciliter la réponse ovarienne au traitement d’induction de l’ovulation par FSH et les taux de naissances vivantes(6). • Myo-inositol Le myo-inositol et le D-chiro-inositol sont des composants des membranes cellulaires à 6 carbones et sont les précurseurs de seconds messagers jouant un rôle important dans la transmission des signaux cellulaires. Ils améliorent, entre autres, la sensibilité à l’insuline et la résistance au stress oxydatif chez la souris. Certaines études chez l’homme ont rapporté un bénéfice du myo-inositol sur le métabolisme et la fréquence des cycles ovulatoires dans le SOPK(7). Il entre actuellement en France dans la composition d’un complément alimentaire, et son intérêt dans l’infertilité reste à évaluer dans de larges cohortes de patientes ayant un SOPK(8). Traitements inducteurs de l'ovulation • Citrate de clomifène Le CC est, jusqu’à présent, le traitement inducteur de l’ovulation de 1re intention dans les SOPK en France. En effet, c’est un traitement peu onéreux, simple d’utilisation, présentant peu d’effets secondaires et permettant d’aboutir à un taux de grossesse cumulé de 50 à 60 % après 6 cycles de traitement(9). Le CC est un anti-estrogène, dérivé triphényl-éthylène. Il se lie au récepteur de l’estradiol au niveau hypothalamo-hypophysaire et, par inhibition du rétrocontrôle négatif de l’estradiol, entraîne une libération de FSH endogène. Il est habituellement administré à la dose de 50 à 100mg/j pendant 5 jours à partir du 2-3e jour d’un cycle spontané ou après hémorragie de privation induite par 10 jours de progestatifs. Un monitorage de l’ovulation est nécessaire afin d’évaluer le risque de grossesses muliples (nombre de follicules matures à mesurer par une échographie vers le 12-14e jour du cycle) et vérifier l’efficacité du CC. L’ovulation sera jugée sur une courbe de température et/ou au mieux sur un dosage de progestérone plasmatique vers le 22e jour du cycle. Si l’ovulation n’est pas obtenue, la dose peut être augmentée jusqu’à 150 mg/j pendant 5 jours. La dose efficace dépend principalement du poids de la patiente. En cas d’anovulation sous CC, on parle alors de résistance au CC. Les facteurs de résistance au CC sont le poids ainsi que les marqueurs de sévérité du syndrome : l’index d’androgène libre, l’aménorrhée, le volume ovarien et la concentration d’AMH. L’âge et la durée d’infertilité se rajoutent aux facteurs précédemment cités comme facteurs influençant le taux de naissance après CC. La stratégie thérapeutique doit être revue dès les premiers cycles en cas de résistance au CC et, dans tous les cas, après échec de 4 à 6 cycles de CC à dose adaptée, même si les cycles sont ovulatoires, car la fécondabilité diminue rapidement après le 3e cycle (figure). • Inhibiteurs de l'aromatase (IA) En bloquant la synthèse d’estradiol à partir des androgènes, ils libèrent le rétrocontrôle hypotha-lamo-hypophysaire négatif de ce stéroïde et augmentent ainsi la sécrétion de FSH endogène permettant la croissance folliculaire. Leurs effets sur l’axe gonadotrope ainsi que leurs modes d’administration sont donc proches du citrate de clomifène, mais ils n’ont pas l’effet anti-estrogénique délétère du CC au niveau de l’endomètre et de la glaire. Par ailleurs, ils ne bloquent pas le rétrocontrôle hypothalamo-hypophysaire de l’estradiol et donc le processus physiologique maintenant une ovulation monofolliculaire. En France, les inhibiteurs de l’aromatase non stéroïdiens sélectifs, le létrozole et l’anastrozole, sont utilisés dans le traitement du cancer du sein mais n’ont pas l’AMM dans l’induction de l’ovulation. Dans cette dernière, le létrozole est utilisé à la dose de 2,5 à 7,5 mg par jour pendant 5 jours en début de cycle. La Cochrane a publié une mise à jour concernant le taux de naissances sous IA comparé au CC ; 13 études prospectives randomisées avec un total de 2 954 patientes ont été retenues. Elle met en évidence un meilleur taux de naissance vivante dans le groupe IA comparé au CC avec un OR 1,68 (IC 95 % : 1,42-1,99), soit 253 naissances (IA) contre 167 (CC) avec un même taux faible de grossesses multiples (1,3 % sous IA contre 1,7 % sous CC)(10). Ainsi, les recommandations de l’ESHRE en juin 2018 placent les IA en 1re ligne de traitement dans l’induction de l’ovulation du SOPK(1). Concernant l’innocuité des IA, la métaanalyse de 2017 ne rapporte pas de différences en termes de malformation, que ce soit par rapport aux patientes traitées par CC ou à celles ayant conçu sans traitement(11). Cette classe thérapeutique est donc intéressante, car elle est d’utilisation facile, aussi efficace voire plus que le CC, particulièrement chez les patientes obèses puisque l’obésité ne semble pas réduire la réponse aux IA(12). Elle n’a cependant pas l’AMM en France dans cette indication. • Ganodotrophines Le principe du traitement par gonadotrophines est d’atteindre le seuil de FSH, qui permet le recrutement folliculaire puis la maturation du follicule dominant, étapes bloquées dans le SOPK. La difficulté est de trouver le seuil minimal efficace pour obtenir la croissance d’un ou de deux follicules tout en restant en dessous du seuil d’hyper-réponse ovarienne (ces deux seuils peuvent être très proches dans le SOPK). Ces seuils sont variables d’une patiente à l’autre et d’un cycle à l’autre chez une même patiente. Une simulation par gonadotrophines nécessite un monitorage de l’ovulation soigneux afin d’ajuster le traitement pour permettre un recrutement monofolliculaire en évitant le recrutement mulifolliculaire et ses complications (hypersimulation ovarienne et grossesses muliples). Une étude multicentrique comparant un traitement par FSH au CC sur un total de 6 cycles chez 666 femmes retrouve des taux de naissances vivantes un peu supérieur dans le groupe FSH (52 % vs 41 %, RR : 1,24, p = 0,01), sans différence en termes de grossesses multiples entre les 2 groupes(13). Par ailleurs, le traitement par gonadotrophines semble plus efficace que le CC associé à la metformine en cas de résistance au CC, d’après une métaanalyse portant sur 3 études avec un total de 333 patientes(14). Les gonadotrophines semblent avoir une efficacité comparable au létrozole dans les quelques études comparant ces 2 traitements en cas de résistance au CC(10), mais les données manquent pour conclure(11). La place des gonadotrophines dans la stratégie thérapeutique en simulation simple (sans AMP) reste en seconde intention après échec de CC (associé ou non à la metformine) ou du létrozole. On peut discuter selon les cas et les habitudes des équipes, sur la même ligne thérapeutique, un drilling ovarien. Traitement chirurgical • Drilling ovarien La chirurgie ovarienne par laparoscopie (LOD) appelé aussi drilling ovarien a été initialement décrite en 1984 par H. Gjonnaess comme traitement du SOPK. Le drilling ovarien, ou multiperforation ovarienne, consiste à pratiquer 6 à 12 perforations dans le cortex ovarien grâce à une énergie électrique ou à un laser. Les complications – en particulier l’apparition d’adhérences ou l’altération du capital folliculaire à long terme – sont très diversement appréciées, en particulier du fait de l’absence de standardisation de la technique. Les effets du drilling ovarien sont obtenus dans les 3 premiers mois, limite au-delà de laquelle on peut le considérer comme peu ou pas efficace. Il permet l’obtention d’une ovulation dans environ 50 % des cas dans les 6 mois qui suivent le geste. La dernière métaanalyse de 2020 comparant le LOD aux traitements d’induction de l’ovulation après échec de CC retrouve peu ou pas de différence en termes de grossesses cliniques (21 études, 2016 patientes) et un moindre taux de naissances (9 études, 1015 patientes) dans le groupe LOD compris entre 28 et 40 % contre 42 % dans le groupe induction de l’ovulation ; cette différence est très réduite lorsque seules les études limitant les biais de sélection sont prises en compte (4 études, 415 patientes). Le risque de grossesse multiple est moindre dans le groupe LOD(15). Une métaanalyse récente portant spécifiquement sur la comparaison entre les traitements par létrozole et LOD (4 études sur un total de 621 patientes) retrouve un taux semblable de grossesses (autour de 30 %) chez les patientes « résistantes aux CC »(16). Le drilling évite les complications telles que les grossesses multiples ou l’hypersimulation ovarienne, comparativement au traitement par gonadotrophines, mais présente des risques liés au geste chirurgical. Il est classiquement réservé à l’échec du CC en 2e ou 3e ligne (figure). • Stratégie de prise en charge (figure) Comme pour la prise en charge de tout couple infertile, le clinicien doit considérer l’histoire clinique de la patiente et les autres paramètres d’infertilité du couple pour adapter la prise en charge du trouble de l’ovulation lié au SOPK. Les modifications du mode de vie et la perte de poids sont à proposer systématiquement en 1re intention pour les patientes obèses ou en surpoids. Ce sont des mesures efficaces et peu onéreuses mais souvent difficiles à obtenir. Il faut motiver les patientes avec SOPK tout au long de leur prise en charge et à savoir revenir à ces recommandations de base en cas d’échec. Le CC est à ce jour en France le traitement d’induction de l’ovulation de 1re intention dans le SOPK. Cependant, les données actuelles mettent en évidence une meilleure efficacité du létrozole en termes de taux de grossesses et de naissances vivantes, notamment chez les patientes obèses, raison pour laquelle les sociétés de médecine de la reproduction internationales l’ont placé en 1re ligne de traitement. En l’absence d’AMM pour cette indication, la prescription du létrozole peut être envisagée sous couvert de données scientifiques solides sur son efficacité et son innocuité. En cas d’échec de ces traitements, on peut proposer en 2e intention soit une induction de l’ovulation par FSH, soit un drilling ovarien, selon le souhait du couple et l’expertise du centre. La place de la metformine, en l’absence d’anomalie glucidique, reste encore débattue, même si elle paraît intéressante dans certaines situations. La figure mentionne les indications potentielles de la metformine d’après les données conformes aux dernières recommandations internationales.

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