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Douleur

Publié le 04 nov 2021Lecture 7 min

Hypnose et réalité virtuelle au bloc opératoire : approches non médicamenteuses de l'anxiété et de la douleur

C. CHAUVIN1, V. FAITOT1, C. TERZULLI2, C. GIANESINI3, A.-S. GUILBERT1

L’anxiété et la douleur face à une intervention sont des manifestations communes à toutes les étapes de la procédure : anxiété avant l’intervention, peur d’avoir mal pendant et après l’intervention. La chirurgie gynécologique reste particulièrement anxiogène, pouvant entraîner des modifications physiologiques et psychologiques importantes pour les femmes en touchant à des symboles de la féminité ou de la fertilité. L’« Amsterdam preoperative anxiety and information scale » (APAIS) est une échelle d’évaluation de l’anxiété préopératoire simple et validée. Cette anxiété est détectée chez 40 à 60 % des patients opérés(1) et il a été démontré un lien entre anxiété et douleur postopératoire(2). Pour prévenir cette anxiété, il existe des approches non médicamenteuses comme l’hypnose et la réalité virtuelle, en complément ou en alternative à la prémédication pharmacologique.

En anesthésie : hypnosédation et hypnoanalgésie L’hypnose est une technique ancienne. Par la parole, le praticien en hypnose induit chez le patient un état de conscience particulier caractérisé par une indifférence à l’extérieur et par une hyper-suggestibilité. Cet état de conscience modifiée ou état de conscience « hypnotique » peut être utilisé en anesthésie, à visée sédative, pour lutter contre l’anxiété (hypnosédation) ou encore pour lutter contre la douleur (hypnoanalgésie). L’hypnose comme outil thérapeutique connaît un essor important actuellement. La litérature scientifique et médicale comprend des centaines d’essais cliniques évaluant l’hypnose sous toutes ses formes, qu’elle soit uilisée à visée antalgique, sédative ou psychothérapeuique (données Medline sous le mot-clé « hypnosis [MeSH Major Topic] »). Un rapport de l’INSERM de 2015, initulé « Évaluation de l’efficacité de la pratique de l’hypnose », rédigé à l’attention de la Direction générale de la santé, note que les résultats de l’hypnose sont variables, mais qu’il existe néanmoins suffisamment d’éléments pour pouvoir affirmer que l’hypnose a un intérêt thérapeutique potentiel (https://www.inserm.fr/wp-content/uploads/2017-11/inserm-rapportthematique-evaluationefficacitehypnose-2015.pdf). Des essais randomisés rapportent de manière concordante que l’hypnose permet de diminuer la quantité d’antalgiques et/ou de sédatifs administrés en peropératoire en chirurgie et en médecine interventionnelle(3-8). Plusieurs études randomisées ont démontré l’intérêt d’une induction hypnotique avant la réalisation de l’anesthésie locale ou locorégionale et de la chirurgie : les scores de douleurs, la survenue de nausées et/ou de vomissements ainsi que la consommation de morphine et de sédaifs étaient significativement plus bas dans le groupe traité(9). Pour le groupe « hypnose », les conditions de chirurgie étaient meilleures et les signes d’inconfort du patient étaient réduits(9). L'hypnose présente également des effets anxiolyitiques indépendamment de l'âge du patient(10) et est également efficace pour diminuer les désordres comportementaux postopératoies(11,12).  Le déploiement et l’utilisation de l’hypnose sont cependant limités par plusieurs facteurs, dont la nécessaire disponibilité de personnels soignants experts en hypnose, le temps et l’effort demandés au personnel soignant pratiquant l’hypnose et la disponibilité cognitive demandée par le patient qui se laisse plus ou moins facilement hypnotiser. Un code CCAM « séance d’hypnose » à visée antalgique (ANRP001) existe déjà, mais ne donne pas droit à rémunération. Points forts  L’hypnose peut être utilisée : – en anesthésie, à visée sédative, pour lutter contre l’anxiété : hypnosédation ; – pour lutter contre la douleur : hypnoanalgésie. L’hypnose permet : – de réduire l’anxiété et les douleurs ressenties par les patients ; – de réduire les doses d’anxiolytique et d’antalgique administrées en peropératoire ; – de diminuer les effets secondaires médicamenteux. La réalité virtuelle en clinique aujourd'hui La réalité virtuelle (RV) consiste en l’immersion d’un individu, via un casque, dans un univers virtuel généré par ordinateur. Grâce à des capteurs d’orientation, il peut se déplacer et interagir avec cet environnement. Les dispositifs de RV immersives se développent considérablement et sont de plus en plus accessibles (figure 1). Figure 1. Casque de réalité virtuelle Oculus. GearVR®. La RV pour la douleur et l'anxiété  Des travaux ont montré l'intérêt de la RV dans le traitement de la douleur et la gestion de l'anxiété. L’utilisation du jeu de RV, couplé au traitement antalgique a permis de diminuer significativement l’intensité de la douleur par rapport au traitement morphinique seul, mais également le temps passé à penser à la douleur(13,14). La perception de la douleur est réduite grâce à l’immersion en RV durant certains actes médicaux chez les patients hospitalisés(15), tels le débridement des plaies des grands brûlés(16-18), la thérapie physique postopératoire(19), la chirurgie thermique de la prostate(20) et les procédures dentaires douloureuses(21). La distraction en RV réduit la douleur, les nausées, et améliore le confort des patients atteints de cancer lors de procédures médicales(22-24) et des séances de chimiothérapie(25-27). L’efficacité de la RV ne semble pas dépendre de l’âge, du sexe et de l’ethnie des patients(13) ni diminuer au fil des utilisations(28). L’amélioration de la qualité d’image du disposiif (nombre de pixels et champ de vision diagonal) pourrait augmenter la sensation de présence dans le monde virtuel(29). Une étude en IRM fonctionnelle chez des sujets sains a montré que la diminution de la douleur ressentie par le sujet, lors de l’utilisation de la RV, s’accompagne d’une diminution de l’activité des zones cérébrales à l’origine des composantes émotionnelles et sensorielles de la douleur par rapport à la condition « simulation nociceptive seule »(14,30,31). Ces résultats d’efficacité prometteurs doivent être nuancés. En effet, ces études sont pour la plupart des études de cas ou avec un faible nombre de participants. Les biais liés au manque d’expériences randomisées faites en insu et à l’absence de contrôles appropriés ne permettent pas de tirer des conclusions générales des travaux existants. Pour déterminer l’efficacité de la RV dans l’analgésie, des études plus rigoureuses et à plus grande échelle sont nécessaires. Hypnose et réalité virtuelle La RV peut être combinée à l'hypnose. Cette dernière conbinaison a été particulièrement étudiée par Hoffman et Paterson avec des résultats prometteurs(32,34). L’utilisation de la RV combinée à un discours hypnotique tend à se démocratiser dans le milieu hospitalier avec l’essor de programmes spécialisés dans la gestion de la douleur et de l’anxiété (HYPNO VR® figure 2, OnComfort®). Ces programmes permettent de réduire les sensations douloureuses(32-34) et pourraient être particulièrement intéressants dans la ponction ovocytaire ou l’hystéroscopie. La RV combinée à un discours d’hypnose réduit la douleur la plus intense de 22 % supplémentaires par rapport à la RV seule(32) et aurait un effet anxiolytique même chez les patients peu suggestibles(35). Figure 2. A. Bibliothèque de choix des scénarios de réalité virtuelle. Le patient a le choix de l’environnement visuel, du type de musique, de la voix. Le praticien choisit la durée de la séance d’hypnose médicale en réalité virtuelle (Hypno VR®). B. Patiente installée pour un geste de ponction d’ovocyte et bénéficiant d’une séance d’hypnose médicale en réalité virtuelle. Points forts – La RV permet de soulager la douleur et l’anxiété des patients, particulièrement dans le cas de soins douloureux tels que les changements de pansements des grands brûlés. – La RV est plus puissante qu’un jeu vidéo pour soulager la douleur et l’anxiété. – La RV peut être combinée à l’hypnose et pourrait être intéressante dans la ponction ovocytaire et l’hystéroscopie. Des études prospectives randomisées sur un plus grand nombre de patients sont nécessaires.  Conclusion Pour prévenir l’anxiété et moduler la perception douloureuse lors de procédures médicales il existe des approches non médicamenteuses comme l’hypnose et la réalité virtuelle, en complément ou en alternative au traitement pharmacologique. Ces thérapies peuvent s’intégrer dans le cadre de la réhabilitation accélérée après chirurgie (RAAC). Actuellement, les technologies de RV sont fortement médiatisées. Dans le domaine de la santé, les technologies de RV sont un groupe hétérogène ; elles exigent que nous définissions leur contenu et leur uilisation. En explorant les applications réelles et les données cliniques, nous devrons définir les limites et les conséquences de l’uilisation de ces nouvelles technologies de RV en santé. Trois conditions fondamentales restent nécessaires en hypnose et en RV : la moivation du patient, sa coopération et sa confiance dans le thérapeute.

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