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Cancérologie

Publié le 15 nov 2019Lecture 7 min

Traitement hormonal de la ménopause et cancer du sein : une métaanalyse sur près de 100 000 femmes

D. ROTTEN, Paris

Les investigateurs réunis sous la bannière du Collaborative Group on Hormonal Factors in Breast Cancer ont publié une gigantesque métaanalyse concernant l’association entre cancer du sein et traitement hormonal de la ménopause (THM)(1).

L’intérêt de cette étude repose entre autres sur le nombre de sujets inclus (près de 100 000 patientes ayant eu un cancer invasif du sein), la rigueur de la sélection des dossiers individuels et la qualité de l’analyse statisique (on trouve parmi les signataires Valérie Beral et Richard Peto par exemple). Que les études soient rétrospecives ou prospecives, l’existence d’un groupe témoin est bien sûr toujours requise. Malgré cela, des voix s’élèvent pour contester une partie des résultats, comme on le verra plus loin.

Cette analyse complète la précédente portant sur le même sujet, et publiée par ce même groupe en 1997. Deux caractéristiques différencient les deux publications. La première est le nombre plus important de patientes incluses, puisque maintenant la métaanalyse porte sur l’ensemble des articles parus de 1992 à 2018. Deuxième différence : l’effet du THM n’est plus considéré de façon globale, mais en fonction d’une dizaine de paramètres. Sont pris en compte : l’âge de survenue de la ménopause ; l’âge lors du début de la prise ; la durée de la prise ; le délai écoulé depuis l’arrêt du THM ; enfin, la composition du dernier THM utilisé. Les THM sont différenciés en estrogènes seuls (E) ou en association estrogène plus progestaif (E+P). Les E sont distingués selon leur voie d’administraion. Les P sont disingués selon leur famille chimique. Voyons dans un premier temps les principaux résultats de l’étude. Patientes Cinquante-huit études contrôlées portant sur les relations entre cancer invasif du sein et THM ont été idenifiées, 24 prospectives, 34 rétrospectives. Elles totalisent 143 887 cas, et environ 3 fois plus de patientes contrôles. Parmi les femmes ayant eu un cancer du sein, 71 217 (49,5 %) uilisent ou ont uilisé un THM, toutes modalités confondues. Les dossiers de 15 452 femmes ayant eu un cancer du sein sont exclus de l’analyse car ils ne comportent pas l’ensemble des paramètres de THM exigés. Une première analyse montre que, comparativement aux études prospectives, les études rétrospectives nord-américaines font apparaître des risques relaifs (RR) de cancer plus bas d’environ un cinquième. Cete différence ne reçoit pas d’explication. S’agit-il d’un biais de souvenir entre les patientes affectées d’un cancer et les patientes contrôles ? Autre hypothèse possible : dans les études rétrospectives, les patientes sous THM auraient plus voloniers accepté d’être incluses dans un groupe contrôle. De toute façon, le poids des études prospectives (près de 75 % des patientes) aurait « emporté » le résultat statistique. Les études rétrospectives ont donc été exclues de l’analyse statistique principale (figure 1). Figure 1. Organigramme des inclusions. Le corps de l’analyse porte donc sur 95 917 patientes ayant eu un cancer invasif du sein. Pour ces patientes, l’âge moyen de survenue de la ménopause est de 50 ans (déviaion standard [DS] : 5) et l’âge moyen lors du début de la prise est de 50 ans (DS : 6). La durée moyenne de prise est de 10 ans (DS : 6) pour les utilisatrices actuelles, et de 7 ans (DS : 6) chez les anciennes utilisatrices. L’âge moyen de survenue du cancer est de 65 ans (DS : 7). Parmi les utilisatrices d’E seuls, 84 % ont eu une hystérectomie, contre 7 % des uilisatrices d’E+P. Effet global de la prise de THM La prise de THM s’accompagne d’un risque accru de présenter un cancer du sein, qu’il s’agisse de prise actuelle ou de prise par le passé. Pour la prise actuelle, il n’y a pas d’augmentaion de risque pour les prises de durée ≤ 1 an. Par la suite, le risque augmente avec la durée de prise. Il est plus important en cas de THM associant E+P par rapport à la prise d’E seuls (figure 2, courbes du haut). Dans ce cas, le risque relatif est de 1,60 (IC95 % : 1,52-1,69) pour les prises de durée 1-4 ans. Il atteint 2,51 (2,35-2,68) pour des prises de durée ≥ 15 ans. Le sur-risque persiste après l’arrêt du traitement, même si c’est à un degré moindre. L’augmentation est visible dès une prise de 1-4 ans pour les associaions E+P, et de 5-9 ans pour les E seuls (figure 2, courbes du bas). Figure 2. Risque relatif de présenter un cancer du sein en fonction de la durée de prise, chez les utilisatrices actuelles et les utilisatrices passées. Les THM sont différentiés selon qu’il s’agisse d’E seuls ou d’association E+P. Les valeurs non significatives sont représentées par un O, les valeurs significatives par un * (cette convention est valable pour l’ensemble des graphiques). La durée de persistance dépend de la durée iniiale de prise. Pour des prises de 5 ans et plus d’associaions E+P, l’augmentation de risque est encore observée 10 ans après la dernière prise (figure 3A). La persistance du sur-risque est plus faible avec les E seuls. Elle est observée uniquement pour une durée de prise de 10 ans et plus (figure 3B et tableau). Figure 3A. Risque relatif de présenter un cancer du sein en fonction de la durée de prise initiale et de la durée écoulée depuis la dernière prise d’un THM combiné E+P Figure 3B. Risque relatif de présenter un cancer du sein en fonction de la durée de prise initiale et de la durée écoulée depuis la dernière prise d’un THM par E seul. Effet de l’âge de début du THM Que ce soit pour le THM combiné ou par E seuls, l’augmentation de risque est indépendante de l’âge de début de la prise de THM, pour des durées de prise sensiblement identiques. La baisse apparente sur la figure 4 n’est pas staisiquement significative. Figure 4. Risque relatif de présenter un cancer du sein en fonction de l’âge de début de la prise et du type de THM. Il n’a pas de différence statistiquement significative entre les différents âges de début. Estrogènes : effet de la nature et de la voie d’administration Pour les THM par E seuls, il n’y a pas de différence de risque selon qu’il s’agit d’estrogènes conjugués équins ou d’estradiol, ou que la voie d’administration soit orale ou transdermique (figure 5A). Figure 5A. THM par E seul. Risque relatif de présenter un cancer du sein en fonction de la nature et de la voie d’administration de l’E. Progestatif : effet de la nature du progestatif et de la chronologie d’administration Pour une durée de prise < 5 ans, l’augmentation de risque est avérée pour les trois progestatifs les plus uitlisés aux USA, (lévo)norgestrel, noréthistérone et acétate de médroxyprogestérone. Elle n’est pas observée avec la progestérone naturelle ou la didrogestérone. Mais force est de noter que dans les deux derniers cas les effectifs sont très faibles, respectivement 11 et 65 cancers. Pour une durée de prise de 5-14 ans, le risque avec la progestérone naturelle rejoint celui des progestatifs de synthèse. Seule la didrogestérone fait montre d’une augmentation de risque plus faible mais, là encore, les effectifs sont très faibles, respectivement 38 et 162 cancers (figure 5B). La chronologie d’administration du progestatif fait apparaître une différence entre administration intermitente (en général 10-14 jours par mois) et administraion quotidienne, cette dernière étant grevée d’un risque plus élevé (figure 5B). Figure 5B. THM par E+P. Risque relatif de présenter un cancer du sein en fonction de la nature du progestatif et selon sa chronologie de prise (pour une durée de prise 5-14 ans). Effet de l’IMC En dehors de toute hormonothérapie, l’incidence des cancers invasifs du sein augmente avec l’indice de masse corporelle (IMC). En cas de prise de THM, le risque relatif de cancer est, on l’a vu, globalement augmenté. Mais on observe une « perte » de l’effet de l’IMC : sous THM, l’incidence ne varie pas avec l’IMC (figure 6A). Mathématiquement, il en résulte une diminution du risque relatif de cancer lorsque l’IMC augmente (figure 6B). Ce phénomène est observé pour les THM combinés ou par E seul. Cette observation suggère que l’addition d’un E exogène augmente relativement peu la simulation estrogénique lors qu’elle est déjà élevée du fait de la sécrétion endogène venant du issu adipeux. Figure 6. Risque de présenter un cancer du sein en fonction de l’IMC. Effet global En intégrant l’ensemble des données obtenues dans la métaanalyse, les auteurs ont estimé l’augmentation absolue de risque associée au THM. Le calcul présenté dans le tableau est fondé sur les hypothèses suivantes : début du THM à 50 ans, prise pendant 5 ans, évaluation de l’incidence cumulée à 70 ans. La moitié de l’augmentation surviendrait pendant les 5 années de prise, l’autre moitié pendant les 15 années suivantes. En cas d’utilisation du THM pendant 10 ans, les chiffres seraient à doubler. Conclusion L’impressionnante masse de données gérées par le Collaboraive Group on Hormonal Factors in Breast Cancer a-t-elle permis de régler définitivement la question ? En grande partie, malgré plusieurs critiques. Les données sont issues d’études prospectives mais non randomisées, les inclusions de patientes se sont déroulées sur une très longue période pendant laquelle de nombreux facteurs ont pu évoluer, les molécules uilisées, progestaifs en pariculier, ne sont pas les plus uilisées en France. Seule la nature du dernier THM utilisé est prise en compte.  

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