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Contraception

Publié le 14 nov 2019Lecture 7 min

Contraception après un cancer du sein : le cas spécifique des patientes sous tamoxifène

M. ESPIÉ, Sénopôle Saint Louis, APHP, université Denis Diderot

La contraception préférée en cas de cancer du sein est le DIU au cuivre. Le SIU au lévonorgestrel n’est pas recommandé par peur de son action hormonale, même s’il n’y a pas de preuve de sa nocivité : résultats contradictoires quant à une augmentation du risque de survenue d’un cancer du sein, pas de sur-risque de rechute mis en évidence dans les études randomisées qui l’avaient proposé pour protéger l’endomètre des effets indésirables du tamoxifène.

Contraception pendant le traitement et après cancer du sein Il existe très peu de données dans la littérature médicale et un dogme : pas de contraception hormonale, ni estroprogestative, ni progestative, la peur étant d’accélérer la croissance de cellules cancéreuses. Nous avions mené une en quête à l’initiative du GERM et avec la participation de la SFG et de la FCGM ; 2 500 questionnaires avaient été envoyés à des gynécologues. Le critère d’inclusion était d’être une femme non ménopausée ayant été traitée pour un cancer du sein et ayant eu une prescription contraceptive. Nous avons obtenu 197 réponses entre juin 2002 et janvier 2003. L’âge médian des patientes était de 38,5 ans. La grande majorité avait eu la pose d’un dispositif intra-utérin (73,1 %), 21,3 % une contraception hormonale et un autre moyen pour 14,7 %. parmi ces patientes, 13 % ont rechuté : 2,9 % sous progestatifs, 16,3 % sous DIU et 14,8 % en ayant utilisé d’autres méthodes. cette population est beaucoup trop limitée pour en tirer des conclusions, mais nous n’avons pas observé de catastrophe chez les femmes qui étaient sous progestatifs(1). Le choix d’une méthode sera fait avec la patiente et en fonction de son âge, de ses antécédents (parité, antécédents pathologiques...), des relations du couple et de la fréquence des rapports sexuels. La sexualité est parfois perturbée par la maladie, mais souvent de façon temporaire. La prescription contraceptive est donc nécessaire et constitue un bon moyen pour permettre à la femme d’aborder des problèmes sexuels ou conjugaux. Le choix dépendra également d u psychisme de la femme, de ses préférences et de sa capacité à la bonne observance de la contraception. • Les méthodes locales — crèmes et ovules spermicides, associés ou non à un diaphragme, éponges imprégnées de crème, préservatifs masculins et féminins — sont séduisantes car totalement inoffensives et sans aucune interaction avec la maladie ni avec son traitement. Leurs inconvénients sont réels : l’astreinte d’utilisation, l’efficacité n’est pas absolue, elles sont souvent onéreuses et non remboursées par la sécurité sociale. On les choisira si la femme les réclame, si les rapports sexuels sont peu fréquents et surtout si les autres méthodes sont contre-indiquées. • Comme nous l’avons déjà dit, la contraception hormonale est contre-indiquée : les estroprogestatifs, les progestatifs purs microdosés (ils peuvent induire une hyperestrogénie qui n’est probablement pas recommandée) et les progestatifs macrodosés à dose antigonadotrope, même s’ils ont été utilisés en France dans cette situation. • Les dispositifs intra-utérins restent la contraception la plus adaptée, la nulliparité n’étant pas une contre-indication. En cours de chimiothérapie intensive, il faut cependant se méfier en cas d’aplasie de longue durée (leucopénie et surtout thrombopénie). Nous n’utilisons quasiment plus de chimiothérapie de ce type. Le DIu au lévonorgestrel n’est pas recommandé en raison de son action hormonale. Il est même proposé de le retirer en cas de cancer du sein… personnellement, il me semble préférable d’attendre la fin de la chimiothérapie pour éviter tout risque de grossesse non désirée. • Les analogues Lh-rh ne sont pas recommandés en raison des effets indésirables associés (ostéoporose, sécheresse vaginale et bouffées de chaleur). Le tamoxifène, s’il peut induire une aménorrhée, n’est pas contraceptif, c’est un inducteur de l’ovulation ; de plus, il a un effet tératogène. • La contraception définitive peut être discutée avec la patiente, de même que la vasectomie. En conclusion, la contraception est nécessaire. Elle doit pouvoir être réversible en cas de désir de grossesse. Les répercussions de la contraception hormonale sur le cancer du sein restent mal connues et la contraception mécanique préférée est le DIU au cuivre. Qu’en est-il sous tamoxifène ? Avant la ménopause, le tamoxifène est associé à des anomalies gynécologiques. Dans l’essai de chimioprévenion du NSABP p1, il a été retrouvé une plus grande incidence de polypes endométriaux (RR = 1,9 ; 1,55-2,41), de léïomyomes (RR = 1,3 ; 1,14- 1,55), d’endométriose (RR = 1,9 ; 1,35-2,70), de kystes ovariens (RR = 1,5 ; 1,20-1,78), d’hyperplasie sans atypie : (RR = 1,65 ; 1,34-2,04) et de chirurgie gynécologique (hystérectomie) (RR = 1,6 ; 1,29-1,88)(2). Dans une autre étude prospective, 67 patientes sous tamoxifène (34 pré-ménopausées et 33 ménopausées) ont été comparées à 48 témoins avec 26,3 mois de médiane de traitement. Il a été effectué un recueil des ménométrorragies, de l’épaisseur de l’endomètre et de sa taille. Il n’a pas été noté de modification de l’épaisseur et de la taille de l’endomètre chez les femmes non ménopausées, pas de différence significative en cas de curetage avant la ménopause, à la différence de ce qui a été observé après la ménopause(3). Il est bien connu que le tamoxifène augmente le risque de cancer de l’endomètre ; ce risque est multiplié par 2 ou 3 chez les femmes ménopausées avec un risque lié à la dose et à la durée : dans l’étude NSABP B14, 1,6/1 000 versus 0,2/1 000 sous placebo(4-5). cependant, dans l’essai de chimioprévention p1, il n’a pas été observé de risque accru de cancer de l’endomètre chez les femmes de moins de 50 ans, alors que le risque était multiplié par 4 après 50 ans, d’où la recommandation de l’absence de surveillance spécifique de l’endomètre(6). Devant ces risques, il était tentant de proposer d’utiliser un SIU au lévonorgestrel, les progestatifs réduisant ces risques putatifs, et d’assurer par ailleurs ainsi une contraception efficace. Mais qu’en est-il par rapport au cancer du sein ? SIU au lévonorgestrel et risque de cancer du sein Les données sont contradictoires. La publication de Backman était rassurante, ne montrant pas de risque accru par rapport au risque de cancer du sein attendu dans cette population finlandaise(7). Le travail de Dinger ne montrait pas davantage de cancer du sein dans une population avec un SIU au lévonorgestrel par rapport à une population ayant un DIU au cuivre(8). En revanche, Soini a rapporté, toujours en Finlande, chez des femmes présentant des ménorragies, un excès de cancers du sein par rapport au nombre de cancers attendus(9-10). Une grande étude danoise de cohorte montre également une élévation du risque de cancer du sein sous SIU au lévonorgestrel, de même amplitude que ce qui a été observé sous contraception estroprogestative chez ces femmes de moins de 49 ans. (RR = 1,21 ; 1,11-1,33)(11). A contrario, une grande étude cas-témoins menée en Israël ne retrouve pas d’élévation du risque chez les utilisatrices (p = 0,23), sauf chez les femmes entre 40 et 45 ans(12). Enfin, l’étude NOWAC, étude de cohorte menée en Norvège comparant 9 144 utilisatrices à 95 174 non-utilisatrices, ne retrouve pas d’augmentation du risque (RR = 1,03 ; 0,91- 1,17)(13). Il est donc impossible de conclure ; si le risque existe, il est faible. Une méta-analyse « de qualité » serait probablement souhaitable. SIU au lévonorgestrel pendant et après cancer du sein Une seule étude a été publiée. Il s’agit d’une étude rétrospective menée en Belgique : 79 patientes utilisant ce SIU ont été appariées à 120 patientes ne l’utilisant pas. Les auteurs ont défini deux sous-groupes : les patientes qui ont continué à utiliser ce DIU après le diagnostic et les patientes qui ont commencé à l’utiliser après avoir été traitées. Le suivi moyen a été de 2,8 ans(14). Le risque de rechute n’est pas statistiquement différent entre les deux populations (HR = 1,86 ; 0,86-4,00). En effectuant une analyse de sous-groupes a posteriori, il a été mis en évidence un risque accru chez les utilisatrices (38 patientes) au moment du diagnostic et ayant poursuivi l’utilisation (HR = 3,39 ; 1,01-11,35), non retrouvé chez les utilisatrices après le diagnostic (41 patientes) (HR = 1,48 ; 0,62-3,49). Cette étude ne permet pas d’avoir la moindre certitude étant donné la taille des échantillons. SIU au lévonorgestrel sous tamoxifène Le SIU au lévonorgestrel a donc été prescrit dans le but de protéger les patientes sous tamoxifène du risque de cancer de l’endomètre. Il s’agit majoritairement de femmes ménopausées. Une méta-analyse de trois essais randomisés a été publiée, regroupant 359 patientes (20 % non ménopausées) traitées par tamoxifène avec un suivi de 3 à 5 ans. Elles ont été surveillées par échographie, hystéroscopie, biopsie d’endomètre ± mammographie. Il a été mis en évidence une réduction de la survenue de polypes (or = 0,18 ; 0,08-0,42 ; p < 0,0001). Il a été noté une absence de différence significative pour les fibromes sous muqueux (or = 0,42 ; 0,08-2,21), une tendance à l’absence de prolifération endométriale (or = 0,36 ; 0,13-1,02 ; p = 0,05), moins d’hyperplasie endométriale mais sans que cela soit significatif (or = 0,20 ; 0,04-1,18), plus de saignements « anormaux » (or = 6,20 ; 2,99-12,85). Il n’a pas été observé d’élévation significative du risque de rechute (0r = 1,75 ; 0,64-4,80) ni de la mortalité par cancer du sein (or = 1,22 ; 0,42-3,5)(15). une deuxième méta-analyse de la cochrane Database retrouve approximativement les mêmes résultats(16). Conclusion Il y a donc très peu de données concernant les femmes non ménopausées et il est difficile d’extrapoler à partir des femmes ménopausées, en raison des modalités d’acon du tamoxifène. En France, le consensus reste de ne pas utiliser le SIU au lévonorgestrel chez une femme ayant eu un cancer du sein et même de le retirer. Ce n’est pas le cas au canada(17) !

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