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Avis d'expert

Publié le 13 nov 2019Lecture 6 min

Pemphigus et grossesse

B. GUERROUJ, S. ZARKIK, M. AIT OURHROUI, K. SENOUCI, B. HASSAM CHU Ibn Sina, Rabat, Maroc

Les dermatoses associées à la grossesse représentent un groupe hétérogène à expression variable, basculant de pathologies à simple impact esthétique à celles ayant un pronostic péjoratif. La survenue du pemphigus au cours de la grossesse est exceptionnelle. Le diagnostic est généralement aisé et repose sur la clinique, l’histologie et l’immunofluorescence directe et indirecte. Aucune particularité clinico-biologique n’est observée au cours de cette association, mais la survenue de complications materno-fœtales fait toute la gravité de cette association. Le traitement repose principalement sur la corticothérapie, la plasmaphérèse ainsi que les Ig IV. Nous rapportons ici deux observations d’association pemphigus et grossesse et nous détaillons la particularité de cette association et sa gravité.

Le pemphigus est une maladie auto-immune à expression cutanéomuqueuse, caractérisée par la présence de bulles intra- épidermiques. Cette maladie est la conséquence de la présence des auto-anticorps anti-substance intercellulaire de type IgG qui se fixent entre les kératinocytes de l’épiderme et entraînent une dislocation des connections intercellulaires ; elle survient au cours des cinquième et sixième décennies de la vie(1). Sa survenue au cours de la grossesse est rare(2). Observations • Dans le premier cas, une patiente âgée de 39 ans sans antécédents pathologiques notables, est hospitalisée pour une dermatose bulleuse survenant au cours de la grossesse. La patiente ayant eu un antécédent de mort fœtale à terme, est actuellement enceinte à 11 semaines d’aménorrhée SA). Elle était admise pour une dermatose bulleuse dont le début remontait à 7 mois par l’apparition des lésions bulleuses de la muqueuse buccale avec une dysphagie, puis une extension au reste du corps. La patiente avait reçu de nombreuses thérapeutiques par automédication, une antibiothérapie à base de sulfaméthoxazole, triméthroprime et métronidazole ainsi que des dermocorticoïdes sans amélioration. À l’examen clinique, on trouve des bulles flasques intéressant tout le tégument reposant sur un fond érythémateux, associées à des lésions végétantes. L’examen des muqueuses retrouve la présence des érosions au niveau buccal et génital. Le diagnostic d’un pemphigus vulgaire est retenu sur les données histologiques et d’immunofluorescence indirecte avec un titre d’anticorps anti-substance intercellulaire à 320. Devant la prise de nombreux traitements tératogènes par automédication et la nécessité d’instaurer une corticothérapie au long cours, la décision a été l’interruption thérapeutique de la grossesse. La patiente a été mise sous prednisone à la dose de 2 mg/kg/jour avec une dégression progressive. Une rémission complète était obtenue après 3 mois. Aucune rechute n’était constatée après 4 ans de recul. Le second cas présente une patiente âgée de 29 ans ayant deux antécédents d’accouchements par voie basse à terme et enceinte à 40 SA. Elle a été hospitalisée pour une prise en charge de dermatose bulleuse dont le début remontait au premier mois de sa grossesse, initialement au niveau de la muqueuse buccale avec l’installation d’érosions douloureuses et invalidantes, puis l’apparition de lésions bulleuses flasques au niveau du corps. L’accouchement s’est fait par voie basse à terme donnant naissance à une fille, pesant 3 kg 300. L’examen clinique de la mère a trouvé des lésions bulleuses flasques diffuses intéressant tout le corps, avec érosions buccales et lésions vulvaires douloureuses (figures 1 et 2). L’étude histologique était en faveur d’un pemphigus vulgaire. Le taux d’anticorps antisubstances intercellulaires était élevé à 640 UI. L’examen du nouveau-né a trouvé également la présence de lésions bulleuses intéressant le cuir chevelu, les épaules et les jambes. La patiente a été mise sous corticothérapie (prednisone à raison de 2 mg/kg/j) associée à l’azathioprine à raison de 150 mg/j. L’évolution a été marquée par une bonne amélioration et un blanchiment des lésions après 2 mois de traitement. Parallèlement, on notait chez le nouveau né une amélioration après 3 semaines sous soins locaux en gardant des lésions cicatricielles hyperpigmentées. Discussion Les dermatoses associées à la grossesse représentent un groupe hétérogène de maladies mal définies. Leur pathogénie reste encore non élucidée. La pemphigoïde gravidique reste la dermatose bulleuse la plus fréquente dont l’incidence varie entre 1/1 700 et 1/50 000. L’association pemphigus et grossesse reste exceptionnelle. Au cours d’une étude rétrospective réalisé par Ambros-Rudolph et coll. incluant 505 femmes enceintes présentant des dermatoses prurigineuses, un seul cas de pemphigus a été observé et jusqu’à présent seulement 38 observations de pemphigus et grossesse ont été décrites dans la littérature. Il s’agit d’un pemphigus vulgaire dans la plupart des cas(3). Seulement un seul cas de pemphigus endémique et de pemphigus végétant ont été décrits respectivement(4,5). La rareté de cette association peut être expliquée par l’altération de la fertilité au cours du pemphigus soit par des troubles du cycle menstruel ou des troubles hormonaux, comme c’est le cas dans différentes maladies auto-immunes(6,7). Le diagnostic est généralement aisé et repose sur la clinique, l’histologie et l’immunofluorescence directe et indirecte. Aucune particularité clinico-biologique n’est observée au cours de cette association. Le traitement repose principalement sur la corticothérapie ; les immunosuppresseurs sont contre-indiqués(8) et la plasmaphérèse a été proposée mais reste expérimentale(9) . Des données suggèrent que les IgIV peuvent être utiles dans le traitement des patientes enceintes atteintes du pemphigus et aucun effet indésirable à long terme n’a été observé ni chez la mère ni chez l’enfant(10). La gestion de cette association représente un véritable défi pour les praticiens. D’une part, il faut traiter la femme enceinte et d’autre part, il faut éviter les complications chez la mère et chez le fœtus. Le pronostic néonatal est parfois défavorable avec un risque de complications estimé entre 14 et 27 %, à type d’hypotrophie, de naissance prématurée, de mort fœtale in utero et de rupture prématurée de la membrane(11). Ces complications semblent être corrélées à des formes sévères et évolutives, avec un taux d’anticorps anti-SIC élevé et à des formes difficiles à traiter ayant nécessité de fortes doses de corticoïdes ; s’y ajoute le risque de développement du pemphigus néonatal(12) qui est secondaire au passage transplacentaire des anticorps IgG maternels (figures 3 et 4). Le pemphigus néonatal s’améliore en 3 semaines environ sous traitement symptomatique(13). La survenue des lésions bulleuses chez le nouveau-né n’est pas systématique malgré une maladie active chez la mère ; deux théories ont expliqué l’absence des lésions, soit par la présence d’un titre négligeable des anticorps chez le fœtus et l’absence d’antigènes réactifs sur l’épiderme du fœtus, soit par la fonction du placenta qui joue un rôle de barrière contre les auto-anticorps. Ainsi, la présence des anticorps chez le nouveau-né est le résultat d’une saturation de cette barrière à des niveaux élevés qui dépassent les capacités d’absorption du placenta(14). Mais ce passage placentaire n’est pas le seul responsable des lésions chez l’enfant, vu la survenue de lésions bulleuses chez un nouveau-né malgré une rémission complète chez la mère avec un titre des anticorps anti-substance intercellulaire négatif(15). L’accouchement par voie basse est préféré à la voie haute chez ces patientes étant donné le risque élevé de mauvaise cicatrisation(16). Par conséquent, la gestion de la grossesse devrait impliquer un équilibre entre les complications de la maladie et les complications iatrogènes dues aux traitements. Ainsi, une surveillance fœtale rigoureuse s’impose avec une collaboration étroite entre dermatologues et obstétriciens. Conclusion Il est juste de considérer la grossesse chez les femmes atteintes de pemphigus sévère comme une grossesse à risques. Une surveillance rapprochée de la viabilité fœtale est nécessaire dès les premières semaines de gestation. Aucun élément clinique ou biologique n’est prédictif d’atteinte fœtale et néonatale.

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