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Chirurgie

Publié le 10 avr 2018Lecture 8 min

Voie vaginale, voie cœlioscopique, voie ouverte : traiter le prolapsus génital de la femme obèse

Estelle JEANDITGAUTIER, Michel COSSON, Géraldine GIRAUDET, Hôpital Jeanne de Flandre, CHRU de Lille, Université Lille-Nord de France

L’obésité est une pathologie complexe qui se définit par un indice de masse corporelle (IMC) ≥ 30 kg/m2. C’est actuellement un problème de santé publique majeur dans les pays développés. L’obésité est un facteur de risque connu de prolapsus, dont la prise en charge n’est pas standardisée dans cette population spécifique. La physiopathologie du prolapsus est multifactorielle et les hypothèses pouvant expliquer l’augmentation de la prévalence du prolapsus chez la patiente obèse sont multiples. La prise en charge chirurgicale répond à des critères similaires à ceux de la population standard. Si une promontofixation est réalisée, elle peut l’être par voie cœlioscopique. il conviendra alors d’être particulièrement vigilant lors de l’accès au promontoire afin d’éviter le risque de plaie vasculaire.

L’obésité est actuellement un problème de santé publique qui se définit par un indice de masse corporelle (IMC) ≥ 30 kg/m2. On distingue différents sous-groupes : l’obésité modérée (IMC de 30 à 34,9 kg/m2), l’obésité sévère (IMC de 35 à 39,9 kg/m2) et l’obésité morbide (IMC > 40 kg/m2). On note une augmentation de la prévalence de l’obésité chez la femme (8,3% en 1997 15,7% en 2012), qui augmente avec l’âge. Du fait du vieillissement de la population et de l’augmentation de la prévalence de l’obésité, il convient de définir la stratégie chirurgicale à adopter dans cette population spécifique. Obésité et prolapsus Bien que de nombreuses équipes se soient intéressées à l’épidémiologie du prolapsus chez la femme obèse, la pré- valence est très variable selon les études allant de 2,9 à 97,7%(1) On peut expliquer ces résultats très différents par l’outil de dépistage utilisé: prévalence de 2,9% à 11,4 % si l’on utilise un questionnaire de symptômes pour diagnostiquer le prolapsus, 31,4 % à 97,7 % si l’on utilise l’examen clinique avec la classification POP-Q ou de Baden-Walker(1). Il existe une augmentation du taux de prolapsus symptomatique de 3 % en cas d’élévation d’une unité d’IMC(1). L’obésité morbide augmente le taux de prolapsus, notamment de l’étage postérieur(1). Le taux d’hystérocèles est majoré de 40 %, celui de cystocèle de 57 % et celui de rectocèle de 75 % chez la femme obèse(1). Physiopathologie La physiopathologie du pro- lapsus résulte souvent d’une association de facteurs de risque. Chez les patientes obèses, les hypothèses pouvant expliquer l’augmentation de la prévalence du prolapsus génital sont multiples. Sur le plan obstétrical, ces patientes présentent un risque augmenté de diabète gestationnel, de macrosomie et d’extraction instrumentale, qui sont des facteurs de risque supposés de survenue d’un prolapsus. Par ailleurs, chez les patientes obèses, il a été démontré qu’il existe une augmentation de la pression intra-abdominale liée à l’augmentation du périmètre abdominal (9,4-10 mmHg vs 6 mmHg dans la population de patientes sans surpoids) qui pourrait être responsable d’une altération des fibres musculaires du périnée. De plus, en cas d’effort (toux, port de charge lourde), l’hyperpression abdominale engendrée à charge égale est plus importante en cas d’obésité que chez la femme dont l’IMC est normal, majorant le risque de prolapsus. Dans cette population, le taux de diabète est également plus important et pourrait être responsable d’altérations neuromusculaires, notamment au niveau du muscle releveur de l’anus. D’autres hypothèses peuvent être mises en avant comme une modification de la posture et de la courbure rachidienne pouvant entraîner un déséquilibre au niveau des systèmes de soutènement du pelvis. Les anomalies de la courbure rachidienne ont été incriminées comme facteur de risque de prolapsus génital. Réduction pondérale L’étude de Kudish et coll. retrouve une tendance à l’amélioration clinique du score de Baden-Walker sur les étages antérieur et postérieur en cas de réduction pondérale de 10 %, mais ce résultat n’est pas significatif. En parallèle on retrouve une aggravation, non significative, sur l’étage moyen. Les scores de symptômes PFDI-20 et PFIQ-7 sont améliorés, passant de 87 à 65 % en cas de réduction pondérale de 50 % après chirurgie bariatrique(2). Cependant cette différence significative est liée à l’amélioration de la symptomatologie urinaire en cas de réduction pondérale. En effet, en cas d’incontinence urinaire d’effort, l’efficacité de la perte pondérale a été démontrée. Si on regarde les scores évaluant exclusivement le prolapsus (POPDI-6 et POPIQ-7), cette amélioration est moins nette. Il ne semble pas y avoir de bénéfice à une réduction pondérale pour l’amélioration des symptômes hors symptomatologie urinaire. Cependant, ces résultats sont basés sur de faibles niveaux de preuve et des études sont nécessaires afin d’évaluer de façon fiable l’impact d’une réduction pondérale sur les symptômes, le grade anatomique et le taux de récidive après traitement. Quel traitement chirurgical ? L’obésité est associée à de nombreuses comorbidités pouvant être des contre-indications potentielles sur le plan anesthésique. Actuellement, les études de morbi-mortalité per opératoire semblent montrer une diminution du sur-risque lié à cette pathologie, voire un effet protecteur en cas d’obésité modérée. Il persiste cependant un risque accru en cas d’obésité morbide. Par ailleurs, la connaissance de cette pathologie a récemment amélioré la prise en charge peropératoire des patientes obèses (position, pression intra-abdominale en cas de cœlioscopie). Les études ayant analysé les résultats de différentes techniques chirurgicales chez la femme obèse sont peu nombreuses, et il est donc difficile de définir une prise en charge basée sur les preuves chez ces patientes. Promontofixation : laparotomie versus cœlioscopie versus robot La promontofixation s’est imposée depuis quelques années comme la technique de choix dans le traitement du prolapsus de la femme jeune, actuellement principalement réalisée par voie cœlioscopique. Les études publiées en population standard, comparant la promontofixation par laparotomie ou cœlioscopie, sont en faveur de la cœlioscopie. La durée d’hospitalisation et d’immobilisation est moins longue, le risque d’infection et d’éventration moindre et le retour aux activités de la vie quotidienne plus rapide en cas de cœlioscopie. Dans l’étude de McDermott et coll., en cas de promontofixation dans une population en surpoids, les taux d’érosion et de récidive de symptômes étaient significativement plus importants en cas de laparotomie et les résultats sur l’étage postérieur moins bons(3). La laparotomie offrait un meilleur résultat sur l’étage antérieur dans le groupe obèse. Cependant, le taux de satisfaction des patientes et le taux de succès n’étaient pas différents entre le groupe laparotomie et cœlioscopie quel que soit l’IMC de la patiente(3). En cas de laparotomie, la durée opératoire est plus longue chez les patientes obèses (189 vs 169 min)(4). Le taux de complications survenues en peropératoire est identique dans la population obèse comparativement à la population standard(4). Les résultats anatomiques sont les mêmes à l’exception du point Bp de la classification POP-Q pour lequel les résultats sont moins bons en cas d’obésité. Le taux de réinterventions n’est significativement pas plus important chez la patiente obèse (3,1 % vs 1,7 %)(4). En cas de cœlioscopie, on ne retrouve pas de différence significative dans la population de patientes obèses en termes de résultats anatomiques. Le taux de complications peropératoires, de reprise chirurgicale et de laparoconversion est identique par rapport à la population standard non obèse(4). Aucune différence n’a été retrouvée en termes de temps opératoire, de taux de laparoconversion et de complications quand la voie robot-assistée est utilisée, comparativement à la cœlioscopie. En cas de prise en charge chirurgicale par promontofixation, il ne semble donc pas y avoir de différence par rapport à une population standard en termes de résultats et de complications peropératoires que ce soit par voie cœlioscopique ou laparotomique et l’intérêt du robot n’a pas été démontré. Par voie cœlioscopique, la dissection du promontoire doit être particulièrement prudente en raison du risque de plaies vasculaires (5,4 % de laparoconversion pour plaie vasculaire de la veine pré-sacrée ou iliaque gauche)(5). Voie vaginale : une meilleure alternative ? avec ou sans prothèse ? Chez les femmes obèses, une étude a comparé une prise en charge par promontofixation ou par chirurgie prothétique par voie vaginale. Sur le plan anatomique, on retrouve de meilleurs résultats concernant l’apex en cas de prise en charge par promontofixation. En revanche, aucune différence n’a été retrouvée en termes de satisfaction, de récidive des symptômes, d’érosion ou de dyspareunies. L’équipe d’Edenfield (2013) a comparé de façon rétrospective deux groupes : patientes obèses ou en surpoids et poids normal. Les patientes avaient bénéficié d’une chirurgie du prolapsus par suspension des ligaments utérosacrés, associée ou non à un geste antérieur ou postérieur (colporraphie). Ils n’ont pas retrouvé de différences entre les deux groupes en termes de récidive et de ré-intervention. Les récidives concernaient majoritairement l’étage antérieur alors que 64 % de ces patientes avaient bénéficié d’une colporraphie antérieure. L’étude de Kawasaki (2013) a comparé rétrospectivement un groupe de patientes obèses à un groupe de patientes de poids normal ou en surpoids ayant bénéficié d’une colporraphie antérieure. Il a été retrouvé un taux de récidives plus important chez les patientes obèses (OR : 2,5, IC 95% [1,2-5,3]). Il semblerait donc qu’il y ait une tendance à une augmentation du risque de récidive sur l’étage antérieur en cas de chirurgie vaginale avec tissus autologues chez la femme obèse. Cette tendance n’est pas retrouvée dans l’étude de Lo (2013) qui a comparé 3 groupes de patientes de poids normal, en surpoids ou obèses ayant bénéficié d’une intervention de Richter avec mise en place d’une prothèse antérieure à 4 bras et colporraphie antérieure et postérieure. D’après ces données, malgré un très faible niveau de preuve, on pourrait donc se poser la question de l’utilisation de matériel prothéique sur l’étage antérieur chez les patientes obèses afin de diminuer le risque de récidive. Conclusion L’obésité est un facteur de risque avéré de prolapsus. Sa prise en charge dans cette population spécifique est peu standardisée. Le traitement chirurgical de la patiente obèse doit être particulièrement encadré et réfléchi. La prise en charge et le choix de la technique chirurgicale semblent répondre aux mêmes critères que ceux appliqués à la population standard. Il semblerait intéressant d’évaluer spécifiquement l’efficacité d’une réduction pondérale sur l’amélioration des symptômes de prolapsus et/ou la diminution du taux de récidives après traitement.

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