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Infertilité

Publié le 04 sep 2017Lecture 10 min

Intrication des troubles sexuels et de l’infertilité

Samuel SALAMA, Hôpital privé de Parly II-Le Chesnay

Aujourd’hui, sexualité et reproduction ne sont plus aussi indissociables qu’elles ont pu l’être durant des siècles. En effet, la contraception permet une sexualité récréative, protégée du risque de grossesse, et les techniques d’assistance médicale à la procréation (AMP) ont déjà permis, sans rapport sexuel, la naissance de millions d’enfants, grâce à la fécondation in vitro.
Il existe également un double lien entre infertilité et trouble sexuel. En effet, près de 10 % des couples consultent pour infertilité et, dans de rares cas, cette dernière est due à un trouble sexuel. De plus, l’annonce du diagnostic et le parcours d’AMP peuvent déstabiliser le couple et avoir des répercussions sur leur sexualité en induisant une dysfonction sexuelle de novo.
Il apparaît aujourd’hui nécessaire que le praticien prenant en charge des couples infertiles connaisse l’existence de ces problématiques afin de pouvoir dépister une dysfonction déjà présente ou d’anticiper, de prévenir et de traiter une dysfonction induite de novo.

Pendant très longtemps, la sexualité et la reproduction ont été considérées comme indissociables. Mais deux découvertes majeures du XXe siècle ont rompu ces liens. Grâce à la contraception, la plupart des rapports sexuels des couples hétérosexuels sont récréatifs et seules quelques-uns sont à visée reproductive. De plus, grâce à l’AMP, des millions d’enfants ont été conçus sans rapport, grâce à l’insémination intra-utérine (IIU) ou à la fécondation in vitro (FIV), voire sans éjaculation grâce au prélèvement chirurgical de spermatozoïdes dans le testicule. Plus de 10 % des couples consultent pour une infertilité. Durant les entretiens médicaux, les questions sur la sexualité du couple sont souvent éludées et peu de praticiens se renseignent sur la présence éventuelle de dysfonctions sexuelles pouvant être à l’origine de l’infertilité. Parfois, l’annonce de l’infertilité et/ou sa prise en charge en AMP induisent des difficultés sexuelles de novo. Alors que de nombreuses études se sont intéressées à la sexualité des femmes sous contraception, très peu se sont consacrées à la sexualité des couples durant le parcours en AMP. Nous proposons une mise au point orientée sur ces 2 principales problématiques concernant l’infertilité et la sexualité : − quand un trouble sexuel du couple est responsable d’une infertilité ; − quand l’annonce de l’infertilité et de la prise en charge en AMP induit des troubles sexuels. Le praticien en AMP doit connaître l’existence possible de ces troubles afin de les dépister et de pouvoir proposer une prise en charge globale qui, à la fois, potentialise les chances de grossesse et préserve (ou restaure) un climat sexuel épanouissant au sein du couple. Quand un trouble sexuel du couple est responsable d’une difficulté reproductive Une dysfonction sexuelle concernant l’homme, la femme ou les deux membres du couple, pourrait être à l’origine de l’infertilité dans 2,4 % des cas(1). Mais cette estimation est probablement sous-évaluée, car bien souvent, les médecins d’AMP, peu à l’aise avec ces questions portant sur les sujets intimes, n’interrogent pas les couples consultant sur leur sexualité. Les patients n’évoquent que très rarement spontanément l’existence de tels troubles. Si une dysfonction a été diagnostiquée, la prise en charge de ces couples peut soulever un problème éthique au sein des équipes, car il n’existe actuellement aucune recommandation. L’aide d’un psychologue et/ou d’un sexologue peut s’avérer essentielle. Au regard des lois de bioéthique, l’AMP est destinée à un couple hétérosexuel (un homme et une femme), en âge de procréer, et dont l’infertilité a été médicalement constatée (loi n°2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique, modifiée en 2011). L’AMP doit-elle se substituer à une sexualité défaillante ? Le couple doit-il alors être pris en charge en AMP avec une insémination intra-utérine ou alors orienté vers une prise en charge sexologique, alors qu’il ne formule aucune plainte d’ordre sexuel et que chacun des partenaires se satisfait de ses relations sexuelles, même inexistantes ? Pour tenter de répondre à ces questions, il ne faut pas oublier que la prise en charge sexologique peut être longue et sans garantie de succès (capacité au changement ?). Il faut également prendre en compte l’âge de la patiente, qui limite le temps disponible pour la prise en charge (diminution des chances de grossesse). Dysfonctions du couple Certains couples consultent pour infertilité alors qu’ils n’ont pas ou très peu de rapports sexuels. Il est important de distinguer : un couple en crise, avec un évitement de l’intimité et cherchant à avoir un enfant pour des raisons de représentation sociale ; ou un couple en harmonie avec un réel désir d’enfant, mais avec un intérêt très limité envers la sexualité (environ 1 % de la population générale). De manière anecdotique, il arrive que des couples aient un type de sexualité non fécondante (sans éjaculation intravaginale). L’interrogatoire précis du médecin est capital et une information concernant la physiologie de la reproduction pourra alors être bénéfique au couple. Dysfonctions masculines Chez l’homme, la fertilité dépend de la capacité à produire une émission de sperme intravaginale, à la suite d’une séquence type : désir, excitation, érection puis éjaculation, qui est presque systématiquement associée à un orgasme(2). La défaillance d’une ou de plusieurs de ces étapes peut alors être responsable d’une infertilité. La dysfonction érectile est une pathologie fréquente, touchant 5 à 20 % des hommes de moins de 50 ans(3). Elle est parfois très sévère et entraîne une incapacité de pénétration vaginale. L’éjaculation rapide peut être responsable de difficulté sexuelle, mais n’est pas responsable de trouble de la reproduction. Elle concerne près de 30 % des hommes. Mais il existe, chez environ 10 % des éjaculateurs précoces, une éjaculation ante portas (qui survient avant la pénétration) et qui, dans ce cas, limite les chances de grossesse(3). Certains hommes présentent une anéjaculation. Dans ce cas, il est important de bien distinguer l’éjaculation rétrograde totale de l’anéjaculation percoïtale. Dans le cas d’une éjaculation rétrograde totale, il existe un orgasme associé, mais le sperme est émis dans la vessie. Les principales étiologies sont neurologiques ou anatomiques (postchirurgicales) et la prise en charge relève d’une AMP pure (récupération des spermatozoïdes dans les urines alcalinisées). L’anéjaculation per coïtale est quasi systématiquement associée à une anorgasmie. Sa prévalence est difficile à déterminer. L’étiologie est le plus souvent d’origine psychologique. Elle peut être primaire ou secondaire au projet d’enfant, soulevant alors la question de la réalité du désir de paternité. Dysfonctions féminines Contrairement à l’homme, la fonction reproductrice de la femme est physiologiquement dissociée de la fonction sexuelle. Une femme peut, en effet, être enceinte sans avoir ressenti ni du plaisir, ni de l’excitation, ni même du désir. Cependant, il existe des pathologies sexuelles féminines qui peuvent compromettre le rapport sexuel(4). Le vaginisme, qui se traduit par une contraction involontaire des muscles périnéaux rendant impossible la pénétration, concernerait près de 1 % des femmes (5). Les causes sont psychologiques. La prise en charge s’appuie sur un rappel anatomique du périnée et du vagin, sur une information sur la physiologie du rapport sexuel, sur une réassurance de la patiente et éventuellement une utilisation de dilatateurs vaginaux. Les dyspareunies sévères qui rendent la pénétration douloureuse, obligeant à interrompre le coït, sont plus fréquentes(5). Il est important d’explorer ces douleurs qui sont le plus souvent d’origine organique. Les causes de dyspareunies profondes peuvent contribuer à altérer la fonction reproductive (endométriose, hydrosalpinx, fibrome). Dans certains cas, une prise en charge chirurgicale peut, dans un même temps, alléger les douleurs et potentialiser la fertilité. Certaines dyspareunies superficielles peuvent aussi « masquer » un vaginisme.  Un début de solution Sur les conseils d’un médecin, spontanément ou après des recherches sur Internet, un certain nombre de couples ont tenté, avec succès, des auto-inséminations intravaginales avec une seringue ou une pipette. Cette approche peut être complémentaire d’une prise en charge sexologique, mais, encore une fois, l’âge de la patiente doit être pris en compte. L’infertilité et sa prise en charge générant une dysfonction sexuelle dans le couple L’annonce de l’infertilité Après plusieurs mois d’attente, d’espoirs, puis de désillusions devant l’absence de grossesse, le couple fragilisé prend un rendez-vous chez le spécialiste. Divers bilans sont réalisés, le diagnostic d’infertilité est posé et l’annonce déstabilise le couple(6) ; Gurkan et al. 2010). L’attribution de la responsabilité à l’un des membres du couple peut être culpabilisante. L’annonce d’altérations de la fonction spermatique (oligo-asthénotératospermie [OATS]) ou de l’azoospermie va blesser l’homme dans sa virilité. Il y a confusion entre « infertilité » et « impuissance ». Il n’est pas rare de retrouver, chez des hommes infertiles, des signes de dépression, avec une diminution importante de l’estime de soi et l’apparition de troubles sexuels de novo (dysfonction érectile)(7). L’annonce de l’infertilité atteint la patiente dans sa féminité et surtout dans son potentiel de maternité. Dans certaines cultures, on accède au statut de « femme » quand on a été enceinte, et quand on a accouché (par voie basse et sans analgésie). Une obstruction tubaire, suite à une infection sexuellement transmissible, peut culpabiliser la patiente vis-à-vis de sa sexualité passée. Une insuffisance ovarienne prématurée renvoie à la patiente l’image de la ménopause et d’un vieillissement prématuré. Il n’est, ainsi, pas rare de constater des signes de dépression chez des femmes infertiles. Chez ces couples infertiles, la sexualité récréative peut être mise de côté avec, pour excuse, le « à quoi bon ? ». Le médecin en charge de l’annonce de l’infertilité doit donc être prudent sur les mots choisis, qui restent gravés dans la mémoire des patients et qui peuvent induire une blessure narcissique profonde. Dans certains cas, il peut être utile de proposer au couple un soutien psychologique. Impact de la prise en charge en AMP sur la sexualité Les techniques d’AMP reposent sur la maîtrise et le contrôle du cycle ovulatoire. La programmation de rapports sexuels au moment de l’ovulation, permet d’optimiser les chances, mais ces rapports « sur commande » désérotisent l’acte et peuvent être mal vécus par l’un des membres du couple. L’homme n’est plus perçu comme un amant complice et la recherche d’une efficacité technique à un instant précis est génératrice de stress, de diminution de la satisfaction et parfois de dysfonction sexuelle(8). Le recueil spermatique pour le bilan initial (spermogramme), ou pour la réalisation des techniques d’AMP, est réalisé au laboratoire, par masturbation. Le lieu et cette modalité de prélèvement peuvent être anxiogènes et rendent parfois le recueil impossible. Certains hommes n’ont pas l’expérience de la masturbation pour des raisons culturelles et/ou religieuses. De plus, il a été montré que la qualité du sperme est inversement corrélée à la durée de la masturbation pour le prélèvement (effet négatif du stress)(9). Chez la femme, durant la FIV, les éventuels effets secondaires de l’hyperstimulation ovarienne, avec notamment les bouffées de chaleur, les troubles de l’humeur, les céphalées, la prise de poids et les douleurs pelviennes dues à l’augmentation du volume des ovaires, peuvent contribuer à une détérioration de la qualité de vie sexuelle. De plus, certains traitements peuvent être responsables d’une baisse de la libido (agoniste de la LH-RH). La ponction ovarienne et les enjeux de la tentative (nombre d’ovocytes recueillis, nombre d’embryons de bonne qualité obtenus) sont également générateurs de stress. L’utilisation d’ovules de progestérone en intravaginal pour le soutien de la phase lutéale entraîne des pertes gênantes. Concernant la sexualité des couples après une AMP, les conclusions sont divergentes. Pour Gamet(10), le climat sexuel des couples est déjà détérioré par l’infertilité et la survenue d’une grossesse n’améliore pas forcément la situation. À l’inverse, Repokari et coll.(11) ont retrouvé une meilleure satisfaction sexuelle pour les couples ayant obtenu une grossesse après AMP en comparaison des couples ayant obtenu une grossesse de manière naturelle. Guillet-May et coll.(12) retrouvent 70 à 80 % de dépressions réactionnelles, troubles sexuels et difficultés relationnelles chez les couples en échec d’AMP. Conclusion Aujourd’hui, sexualité et reproduction peuvent être complètement dissociées, en particulier, lors d’une AMP. L’infertilité due exclusivement à une dysfonction sexuelle est relativement rare, mais le plus souvent non diagnostiquée. En l’absence de recommandations officielles, la discussion de ces dossiers en staff multidisciplinaire peut être utile. L’annonce de l’infertilité et de son origine, qui implique un ou les deux membres du couple, n’est pas sans conséquence sur l’estime de soi, mais aussi sur la qualité de vie individuelle, sur la qualité de la relation ainsi que sur la sexualité. Lors de la prise en charge, la programmation des rapports sexuels par le médecin désérotise l’acte et peut engendrer des dysfonctions. L’hyperstimulation ovarienne contrôlée, les traitements et les enjeux de la tentative ont le plus souvent des répercussions négatives sur la sexualité du couple. Le recueil de sperme par masturbation au laboratoire peut être une situation gênante et réellement problématique pour certains hommes. Il est nécessaire que le praticien qui prend en charge des couples en AMP connaisse ces possibles troubles sexuels, afin qu’il puisse les diagnostiquer et prendre en charge le couple ou l’adresser à un spécialiste (sexologue, psychologue, psychiatre, andrologue, etc.).

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