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Infertilité

Publié le 09 juin 2017Lecture 6 min

Ondes électromagnétiques et fertilité

Pascale MIRAKIAN, Hôpital privé Natecia, Lyon

Une onde électromagnétique est la combinaison de deux « perturbations », l’une électrique, l’autre magnétique. Ces deux perturbations oscillent en même temps, mais dans deux plans perpendiculaires. Elles se retrouvent au voisinage de toute installation électrique ou de télécommunication émettrice domestique (radio, internet, téléphones sans fil et mobiles, fours à micro-ondes, WiFi). Elles émettent partout dans les villes et les campagnes à proximité des voies ferrées, télécommunications, antennes relais, lignes à haute tension, radars, WiFi). Les ondes électromagnétiques sont des rayonnements non ionisants, par opposition aux rayonnements ionisants comme les rayons X, dont on connaît l’impact sur les issus de notre organisme. Cet article permet de faire le point sur l’état de nos connaissances actuelles sur l’effet des ondes électromagnétiques sur la fertilité humaine.

L’impact des ondes électromagnétiques est mesuré pour les sources proches par le DAS (débit d’absorption spécifique). Le DAS quantifie le niveau d’exposition aux ondes électromagnétiques. il doit être < 2 W/kg (norme UE). La valeur effective du DAS diminue avec l’augmentation de la distance entre le téléphone et l’utilisateur(1) et augmente avec le temps de communication téléphonique. Plus la connexion est facile, moins le téléphone émet d’ondes (3G, 4G, WIFI). On parle d’innocuité cérébrale pour un temps d’exposition au téléphone < 30 minutes(2). L’état actuel de nos connaissances de l’impact des ondes électromagnétiques sur la santé est résumé dans le rapport de l’ANSES 2013. L’Agence de sécurité sanitaire considère que les ondes électromagnétiques n’ont pas d’effet sanitaire avéré. Elle conclut à une possible augmentation du risque de tumeur cérébrale, sur le long terme, pour les utilisateurs intensifs de téléphones portables. Le CIRC (Centre international de recherche sur le cancer) classe les ondes électromagnétiques comme cancérogène possible (groupe 2B) pour les leucémies et les tumeurs cérébrales. Selon l’ANSES, il n’existe pas de niveau de preuve suffisant pour conclure à un lien entre infertilité et ondes électromagnétiques. L’ANSES recommande toutefois d’adopter des principes de précaution chez l’enfant de moins de 15 ans : utiliser un kit mains libres et choisir un téléphone de DAS faible. Dans ce rapport, il n’y a aucune mention spécifique pour la femme enceinte. En interrogeant les patients qui consultent en centre de procréation médicalement assisté, il apparaît que leurs connaissances sur les effets des ondes électromagnétiques proviennent des médias ou de la presse. Les professionnels de santé ont un faible rôle d’information et de prévention (étude non publiée 2012, Hôpital privé Natecia). Il est pourtant de notre ressort de tenir ce rôle, en délivrant une information raisonnée, issue de l’analyse d’articles scientifiques. Quels sont les éléments de preuve ? Depuis le rapport de l’ANSES en 2013, deux métaanalyses permettent de tirer certaines conclusions. Tout d’abord, la métaanalyse chinoise porte sur 18 études, 3 947 hommes, 186 rats où trois situations sont étudiées : exposition du sperme in vivo, in vitro et chez le rat. En conclusion, un effet délétère des ondes est retenu chez le rat sur la concentration et la mobilité des spermatozoïdes. In vitro, seul l’impact sur la mobilité et la vitalité des spermatozoïdes est retenu. En revanche, il n’y a pas de niveau de preuve suffisant pour établir un lien pour les études in vivo(3). La deuxième métaanalyse est anglaise et porte sur 10 études, 1 492 prélèvements de sperme. Les études sont encore trop hétérogènes pour conclure formellement, mais un effet délétère in vivo et in vitro sur la mobilité et la viabilité du sperme semble se détacher(4). Une étude in vitro chez le rat montre une baisse de la mobilité, de la vitalité des spermatozoïdes et de l’activité acrosine. L’analyse de leur ADN met en évidence chez les rats exposés (60 minutes à une distance de 10 cm à 850 MHz versus non exposés), une augmentation de la fragmentation de l’ADN et de l’expression du gène Clusterin (témoin d’apoptose)(5). Deux études in vivo, plus récentes, montrent que la diminution de la mobilité des spermatozoïdes est inversement proportionnelle au temps d’exposition pour le mobile, une diminution du nombre des spermatozoïdes est de surcroît observée au-delà de 30 minutes d’exposition à l’internet filaire et au WIFI(6,7). Les limites de ces dernières études viennent d’une grande hétérogénéité du type d’exposition (téléphone mobile et/ou internet avec ou sans WIFI) et par conséquent du niveau de fréquence (entre 900 MHz et 1 600 MHz) et d’une grande hétérogénéité des temps d’exposition, de 30 minutes à plus de 2 heures. De plus, la consommation du tabac n’est pas toujours spécifiée. Les études peuvent concerner des étudiants, mais aussi des patients issus de centre de procréation médicalement assistée(4). En ce qui concerne l’impact des ondes sur l’ovaire, une seule étude est retrouvée chez le rat, n = 16 exposés versus non exposés, 15 minutes pendant 15 jours à 900 MHz. L’analyse histologique après extraction des ovaires met en évidence une diminution significative du nombre de follicules primordiaux après l’exposition(8). Qui sont les sujets vulnérables ? Sur le rapport de l’ANSES, le principe de précaution concerne les sujets vulnérables. Quoi de plus vulnérable qu’un embryon ? Aucune étude n’a été effectuée à ce jour sur l’impact des ondes électromagnétiques dans les centres de PMA sur les gamètes et les embryons. En revanche, l’impact des ondes sur la femme enceinte est étudié. Une étude réalisée en 2015 a comparé un groupe de femmes ayant eu une fausse couche à < 14 semaines d’aménorrhée et un groupe ayant eu une grossesse évolutive sur des données de questionnaires remis aux patientes. Les temps d’appel, le DAS du téléphone, la localisation du téléphone mobile, son utilisation pour des applications internet en plus des appels ont été étudiés. Il existe une différence significative franche entre les deux groupes. Une autre étude a montré que l’exposition à de basses fréquences (30 Hz à 3 kHz) augmente le risque relatif de fausse couche (RR après ajustement à 1,85)(9). En résumé, nous ne disposons que de relativement peu d’études sur le sujet. Il faudra attendre le résultat d’études à plus grande échelle avec des appareils de mesure des champs électromagnétiques standardisés. L’étude COSMOS (Cohort Study Mobile Communication) est prometteuse, car elle suit une cohorte de 250 000 adultes âgés de 18 à 69 ans (Danemark/ Finlande/Pays-Bas/Royaume Uni/Suède/France). Conclusion Les ondes électromagnétiques impactent la santé humaine par effet thermique, stress oxydatif et altération de l’ADN. Leur effet délétère sur les paramètres spermatiques et la réserve ovarienne est démontré in vitro et chez l’animal. Le niveau de preuve chez l’homme est insuffisant pour démontrer un impact sur l’infertilité, mais il y a un effet possible sur le risque de fausse couche. La pollution électromagnétique est ubiquitaire et de plus en plus importante dans notre environnement. À l’échelle individuelle, nous pouvons déjà agir sur notre utilisation domestique du téléphone mobile, du WIFI. L’impact des ondes électromagnétiques est lié au temps d’utilisation, à la distance de l’émetteur et au DAS (débit d’absorption spécifique). Les recommandations de l’ANSES se limitent à préconiser l’utilisation d’un kit mains libres filaire, et à préférer les téléphones mobiles de DAS faible chez les personnes vulnérables (enfants de moins de 15 ans). En tant que professionnels de santé, nous avons le devoir d’élargir ces principes de précaution aux femmes enceintes (vulnérabilité de l’embryon) et de sensibiliser l’homme infertile.  Suggestions de principes de précaution : – choisir des appareils avec un faible taux de DAS ; – éviter de mettre son portable dans sa poche ; – se tenir à distance de tous les émetteurs en fonctionnement ; – ne pas téléphoner en voiture, en train, dans un ascenseur ou en sous-sol ; – privilégier les SMS car le flux d’ondes pour l’émission d’un message SMS est très court ; – éviter de dormir à côté de son portable allumé.

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