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Infertilité

Publié le 12 nov 2015Lecture 10 min

Agoniste de la GnRh et cancer du sein

C. SONIGO, A. THOMIN, Service de médecine de la reproduction, hôpital Jean-Verdier, Bondy ; Service de gynécologie-obstétrique, Médecine de la reproduction, hôpital Tenon, Paris

Grâce au dépistage précoce et aux progrès thérapeutiques en oncologie, les taux de survie observés chez les jeunes patientes atteintes de cancer du sein sont de plus de 90 %.

Ces taux de survie sont obtenus au prix de traitements potentiellement délétères pour la fonction de reproduction. Or, la fertilité tient une place majeure dans la qualité de vie après cancer chez les patientes guéries et en âge de procréer. Ainsi, de nos jours, la préservation de la fertilité est devenue un enjeu majeur dans la prise en charge de ces patientes.

L’utilisation des agonistes de la GnRH pour préserver la fonction ovarienne après chimiothérapie est une des méthodes proposées à ces patientes jeunes. Cependant, elle est largement controversée.

Fonction ovarienne après chimiothérapie Les chimiothérapies induisent une altération de la fonction ovarienne, plus ou moins profonde en fonction du type d’agents utilisés, de la dose, de l’âge de la patiente au moment du traitement… Ainsi, une aménorrhée ou des troubles du cycle post-chimiothérapie sont retrouvés dans 10 à 90 % des cas selon les études. Les troubles de la fonction ovarienne peuvent aller jusqu’à une insuffisance ovarienne prématurée qui peut être définitive ou transitoire. La fertilité spontanée après chimiothérapie est extrêmement difficile à évaluer. En effet, les grossesses sont relativement rares et il est difficile d’appréhender le pourcentage de femmes présentant un projet de grossesse après la guérison de leur cancer. De plus, l’intervalle de temps entre chimiothérapie et grossesse est tel que ces données sont peu disponibles dans la littérature. Par ailleurs, il est important de noter que la survenue d’un cancer reporte un projet de grossesse de 2 à 5 ans après les traitements anticancéreux, surajoutant ainsi l’âge comme facteur physiologique d’altération de la réserve ovarienne. Des études ont évalué l’incidence de la fertilité spontanée après cancer du sein et celle-ci est faible, de l’ordre de 8 % avant 35 ans, 6 % avant 40 ans et 3 % avant 45 ans. La préservation de la fertilité est donc un enjeu majeur pour ces jeunes femmes désireuses de grossesse après le cancer. Mécanismes d’action en préservation de la fertilité Les mécanismes par lesquels les chimiothérapies affectent la fonction ovarienne sont actuellement mal connus, chaque type de molécule semblant entraîner une altération variable du stock ovocytaire par des voies différentes. Les cellules cibles peuvent être soit les follicules en croissance soit les follicules primordiaux quiescents. Les agonistes de la GnRH sont des dérivés synthétiques du décapeptide hypothalamique. La substitution de certains acides aminés fondamentaux induit une modification d’action de cette hormone. Ainsi, les agonistes de la GnRH se fixent sur le récepteur de la GnRH présent sur les cellules gonadotropes hypophysaires et induisent, dans un premier temps, une libération des gonadotrophines FSH et LH, stockées dans les vésicules hypophysaires. C’est l’effet flare-up qui dure 24-48 heures. Dans un deuxième temps, à la stricte condition que l’administration de l’agoniste soit répétée et prolongée, on observe une mise au repos fonctionnelle des cellules gonadotropes. Ce phénomène de « désensibilisation hypophysaire » est la conséquence d’une modification profonde de la machinerie intracellulaire, accompagnée d’une absence de recyclage des récepteurs sur la membrane cellulaire. Cette désensibilisation explique l’absence de sécrétion de FSH et de LH, du moins de leurs sousunités β, seules biologiquement actives. Celle-ci apparaît après plusieurs jours d’imprégnation avec l’agoniste de la GnRH et est plus ou moins profonde en fonction du type d’agoniste utilisé. La diminution drastique de FSH et de LH induit un arrêt de la stimulation ovarienne par ces hormones clés et une chute des stéroïdes ovariens. Actuellement, on dispose, pour la pratique clinique, de plusieurs agonistes de la GnRH qui diffèrent par leur voie d’administration (sous-cutanée ou intranasale) et leur durée d’action (formulation brève ou à libération prolongée). Les agonistes de la GnRH sont ainsi utilisés en pratique courante chez la femme : – à court terme, afin d’induire une désensibilisation hypophysaire avant stimulation ovarienne dans le cadre des protocoles d’hyperstimulation ovarienne contrôlée avant fécondation in vitro ; – à long terme, dans certaines pathologies hormono-sensibles comme l’endométriose. Certaines équipes ont proposé l’utilisation des agonistes de la GnRH chez les femmes jeunes atteintes de cancer du sein dans le cadre de la préservation de la fertilité. Le mécanisme d’action potentiellement mis en jeu dans la préservation du pool folliculaire au cours de la chimiothérapie est controversé. Certains invoquent l’arrêt de sécrétion de la FSH, qui pourrait maintenir les follicules primordiaux dans l’état quiescent moins accessibles à la toxicité chimio-induite. Ce rationnel est relativement faible dans la mesure où l’entrée en croissance des petits follicules primordiaux ainsi que l’essentiel du développement folliculaire se fait de manière indépendante des gonadotrophines. D’autres hypothèses mettent en scène l’activation directe du récepteur ovarien à la GnRH, celle-ci pouvant favoriser l’expression d’agents antiapoptotiques, mais ces mécanismes sont mal connus. La stratégie consistant à préserver la fonction ovarienne grâce à l’utilisation d’agonistes de la GnRH pendant la durée de la chimiothérapie est attractive car elle présente plusieurs avantages : – absence de délai nécessaire entre l’administration d’agonistes de la GnRH et le début de la chimiothérapie ; – pas de nécessité de stimulation ovarienne ou d’intervention chirurgicale supplémentaire ; – effet contraceptif chez des patientes pour qui une grossesse est contre-indiquée pendant la durée de traitement ; – induction d’une aménorrhée et réduction des phénomènes hémorragiques chez des patientes à risques de thrombopénie. Cependant, l’utilisation des agonistes de la GnRH au long cours induit une carence estrogénique profonde pouvant entraîner une sécheresse vaginale intense, des bouffées de chaleurs ou une déminéralisation osseuse. Lors d’un traitement par ces molécules, il est important de pallier ces effets secondaires grâce à des traitements non hormonaux. Utilisation en préservation de la fertilité dans la littérature   Une littérature controversée Les premières études testant l’éventuel effet protecteur des analogues de la GnRH en préservation de la fertilité étaient prometteuses. En effet, dans ces études, l’administration d’agonistes de la GnRH associée à une chimiothérapie connue pour être gonadotoxique (contenant du cyclo phosphamide, des anthracyclines ou du fluorouracile) entraînait une reprise des cycles menstruels dans 67 à 90 % des cas. Cependant, il s’agissait d’études de faible niveau de preuve, car elles étaient rétrospectives, non randomisées, non contrôlées et sur de petits effectifs. Ces résultats encourageants ont entraîné la réalisation d’études randomisées et contrôlées dont les conclusions sont controversées. Plusieurs essais randomisés sont en faveur de l’utilisation d’agonistes de la GnRH en préservation de la fertilité. En 2009, Badawy et coll. retrouvent une augmentation significative de la reprise des cycles avec l’utilisation d’agoniste sur un suivi de 5 mois chez 78 patientes(1). Cette étude présente toutefois plusieurs biais, avec notamment des dosages hormonaux avant chimiothérapie qui ne sont pas comparables entre les groupes, le statut hormonal non précisé, ainsi qu’un taux d’aménorrhée induite très élevé dans le groupe témoin. Ces résultats sont étayés par l’étude ZIPP(2) concernant des patientes atteintes de cancer du sein et suivies sur 36 mois et par l’étude PROMISE publiée en 2011 incluant plus de 200 patientes(3). Cependant, plusieurs essais randomisés multicentriques récents (publiés en 2011 et 2012), à la méthodologie rigoureuse (ajustement sur le statut des récepteurs hormonaux notamment), présentent des résultats contradictoires sur le rôle bénéfique supposé des agonistes : aucune amélioration significative n’est retrouvée sur la reprise des cycles chez des patientes atteintes de cancer du sein(4,5). Les principales études randomisées sont détaillées dans le tableau ci-dessous./sites/gynecologie-pratique.com/files/article/jim/media_13324_figure0.png     Une analyse difficile Logiquement, le critère de jugement principal afin d’évaluer l’impact des agonistes de la GnRH sur la fertilité est le taux de naissances vivantes. En pratique, cette donnée est peu accessible compte tenu de la durée de suivi des études qui excède rarement 24 mois et la difficulté d’évaluation de ce critère. La fonction ovarienne est donc approchée par des critères indirects : le bilan hormonal (AMH et FSH), le compte des follicules antraux et, le plus utilisé mais le moins fiable, la reprise ou non des cycles menstruels. Ce paramètre n’est un facteur prédictif ni de grossesse ni de la réserve ovarienne. De plus, évaluer l’aménorrhée induite par la chimiothérapie est compliqué pour plusieurs raisons, comme la possibilité d’une ménopause naturelle ou l’utilisation de tamoxifène. En effet, l’utilisation de tamoxifène est un facteur de persistance de l’aménorrhée induite par chimiothérapie et l’absence d’ajustement des études sur ce critère constitue, par conséquent, un biais important. De nombreux autres biais, rendant l’analyse difficile, sont également retrouvés dans ces études : protocole de chimiothérapie, présence ou absence de récepteurs hormonaux, âge des patientes, type de cancer … L’essai POEMS (prevention of early menopause study), randomisé multicentrique, avec un suivi à long terme, est en cours et pourra apporter des résultats contributifs. Analogue de la GnRH et pronostic du cancer du sein L’utilisation des agonistes de la GnRH, à seule fin de préserver la fertilité des femmes jeunes atteintes de cancer, ne doit pas altérer le pronostic de la maladie. Une métaanalyse publiée dans le Lancet en 2007 a évalué le pronostic du cancer du sein en fonction de l’utilisation d’agoniste de la GnRH. Elle retrouve au contraire une diminution des récidives de 12,7 % lorsque les récepteurs hormonaux de la tumeur sont positifs. Par ailleurs, la persistance d’une aménorrhée post-cancer semblerait améliorer la survie globale et sans récidive chez certaines patientes non ménopausées atteintes de cancer du sein. L’intérêt de supprimer la fonction ovarienne chez les patientes ayant conservé des cycles après chimiothérapie est l’objet d’une étude actuellement en cours. Conclusion L’effet bénéfique des agonistes de la GnRH dans la préservation de la fertilité est très controversé et les études sont difficiles à analyser du fait de nombreux biais et de l’absence de critère d’évaluation principal adéquate. L’efficacité de ce traitement en prévention de l’insuffisance ovarienne chimio-induite est donc aujourd’hui incertaine. Cependant, leur utilisation en cours de chimiothérapie présente certains avantages comme un effet contraceptif durable et une diminution des phénomènes hémorragiques chez des patientes à risque de thrombopénie. Si des agonistes de la GnRH sont proposés aux patientes, celles-ci doivent être clairement informées de l’objectif du traitement, des effets secondaires attendus et des doutes sur leur intérêt pour la préservation de la fertilité.    

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