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Gynécologie générale

Publié le 03 déc 2009Lecture 9 min

Quel bilan urodynamique dans le prolapsus génito-urinaire ?

J. SOUFFIR, CEEG - Paris

Le bilan urodynamique est un examen complémentaire destiné à discriminer la responsabilité des organes impliqués dans les incontinences urinaires et les troubles mictionnels. Associés aux prolapsus urogénitaux, des signes fonctionnels urinaires peuvent se produire. Il s’agit d’examiner le bien-fondé de prescrire un bilan urodynamique à toute patiente porteuse d’un prolapsus génito-urinaire : quelles sont ses indications et ses limites dans les connaissances actuelles ? 

Cet examen complémentaire permet : – de réaliser une expertise du comportement vésical, urétral et vésico-urétral ; – l’élaboration de données chiffrées à comparer avec des normales.   Cependant, en cas d’anomalies de ces valeurs, il ne donne pas l’étiologie, qui reste à chercher. Il est composé de quatre examens : – une débitmétrie, – une urétrocystomanométrie, – une sphinctérométrie (ou profilométrie) statique, – une sphinctérométrie dynamique.   La débitmétrie Elle analyse la miction proprement dite et informe sur la qualité du jet urinaire et la quantité d’urines émise par seconde (débit maximal). Elle doit se faire avec un besoin urinaire analogue à celui habituel au sujet, en respectant les conditions d’intimité, avec un contenu vésical supérieur à 100 ml. Cet examen est complété par une mesure du résidu post-mictionnel (RPM).  La débitmétrie normale (figure 1) doit porter sur un contenu suffisant, mais pas excessif (notion de besoin normal). Elle n’est interprétable qu’avec un contenu vésical > 100 ml. Elle forme une courbe en « cloche » régulière. Le débit maximal varie entre 20 et 25 ml/s. Chez la femme, le temps de miction se situe autour de 30 s. Le RPM doit être inférieur à 20 % du contenu vésical total.    La débitmétrie anormale (figures 2 et 3) peut montrer une courbe aplatie (débit bas), allongée en abscisse (miction de longue durée) ou polyphasique (plusieurs pics successifs).  Figure 1. Débitmétrie normale. Figure 2. Dysurie. Miction longue. Figure 3. Miction par poussées. L’urétrocystomanométrie Elle est réalisée après la débitmétrie et la mesure du résidu post-mictionnel. Elle analyse l’évolution des pressions vésicale et urétrale pendant la durée d’un remplissage à vitesse lente, en prenant pour référence une mesure des pressions abdominales. Elle analyse la chronologie des besoins en temps et en volume (B1 : besoin initial, vite oublié, B2 : besoin normal, B3 : besoin urgent, B4 : besoin douloureux). Elle mesure la capacité vésicale maximale, la tonicité du détrusor, la compliance vésicale.  La courbe vésicale normale (figure 4) montre la tonicité du détrusor (< 20 cm H2O s’élevant peu pendant tout le remplissage), sa stabilité (pas de contractions non inhibées), sa sensibilité (B3-B1 > 100 ml) et sa réactivité.   Figure 4. Urétrocystomanométrie normale.  La courbe vésicale anormale (figures 5 et 6) peut montrer une instabilité (existence de contractions non inhibées), une hyper- ou une hypotonicité, une hyper- ou une hypoesthésie, une hyper- ou une hyporéactivité.  La courbe urétrale normale est stable pendant toute la durée du remplissage et donne la Pu maximale.  La courbe urétrale anormale peut montrer une instabilité avec des variations de pressions > 20 cm H2O et/ou une hypertonie (figure 7). La profilométrie statique et dynamique.   Figure 5. Instabilité vésicale. Figure 6. Hypertonie vésicale. Figure 7. Instabilité urétrale.  La profilométrie normale (figure 8a) La profilométrie statique mesure la force de résistance sphinctérienne au repos. Elle se compare à la normale pour l’âge, donnée par la formule (pression de clôture maximale de l’urètre [Pcmu] = 110 – âge ± 20 % en cm H2O). Mesurée plusieurs fois de suite, elle doit être reproductible. La profilométrie dynamique analyse la transmission des pressions sur la vessie et l’urètre au sein de l’enceinte manométrique abdominale. Elle est normale à une valeur de 100 %.  La profilométrie anormale (figures 8b et 8c). En statique, elle peut montrer une insuffisance de pression de clôture (> normale pour l’âge) ou une hypertonie urétrale (> normale pour l’âge). Sur plusieurs mesures successives, elle peut être non reproductible. En dynamique, la transmission des pressions est < 80 %. C’est un concept urodynamique théorique, de moins en moins utilisé en raison de sa mauvaise signification d’une réelle altération de la statique pelvienne. Le bilan urodynamique constitue un ensemble de données, dont chaque élément doit être corrélé aux autres pour être interprété. S’il indique des anomalies de valeurs, il n’indique jamais l’étiologie, qui reste à rechercher.   Figure 8. De gauche à droite : pression de clôture normale, hypertonie urétrale, insuffisance sphinctérienne. Questions pratiques Le BUD est-il indispensable à la conduite thérapeutique en présene de prolapsus génito-urinaire ? Le prolapsus génito-urinaire (GU) est une pathologie polymorphe et complexe. Il peut concerner un ou plusieurs organes dans le même environnement (cavité pelvienne basse). La gêne fonctionnelle qu’il provoque est subjective et n’est parfois pas proportionnelle à son degré. Son traitement est fonction de la gêne engendrée, laquelle peut concerner un autre système fonctionnel que l’organe destabilisé. On peut donc observer : – des gênes statiques : extériorisation et/ou pesanteurs, – des gênes urinaires : incontinences, urgenturies avec ou sans fuites, dysurie avec ou sans résidu, – des gênes sexuelles réelles ou fantasmées, – des gênes anorectales, – des gênes mixtes. Le BUD ne concerne que la gêne urinaire, qu’elle soit un des symptômes exprimés ou qu’elle risque de se produire dans les suites d’une cure chirurgicale de prolapsus.   Faut-il faire un BUD devant tout prolapsus ?  Prolapsus de faible degré, peu gênant, asymptomatique Le but de son traitement concerne l’avenir, afin de prévenir toute aggravation. Le traitement proposé combine hygiène de vie (constipation, port de charges, diminution des contraintes), rééducation (renforcement de la statique pelvienne, et verrouillage à l’effort) et, si nécessaire, restauration de la trophicité vulvo-vaginale. Le BUD est inutile.  Prolapsus de faible degré, avec signes urinaires Le but est d’améliorer la tolérance fonctionnelle. Le traitement est le même que précédemment.  Si la gêne est réellement diminuée ou l’amélioration de la qualité de vie suffisante pour la patiente, un entretien est nécessaire et un BUD inutile.  Si la gêne n’est pas modifiée, un avis médical et/ou chirurgical sera demandé. Un BUD peut être légitime.  Prolapsus de haut grade, avec signes urinaires Il peut être d’emblée chirurgical. Chaque type de gêne devra être évalué. Un interrogatoire précis et un examen clinique soigné seront pratiqués et un BUD complémentaire sera souvent utile.  Prolapsus de haut grade, sans signes urinaires Il peut être aussi d’indication chirurgicale. Là encore, l’interrogatoire et l’examen clinique seront soignés et le BUD souvent nécessaire, afin d’échapper au risque d’incontinence qui serait démasquée par la chirurgie. Quelles modifications le prolapsus GU peut-il induire sur les paramètres ? Le BUD peut rester tout à fait normal. Il peut montrer : – des anomalies du jet visibles lors de la débitmétrie : miction lente, poussées abdominales, débit effondré ; – des anomalies de type instabilité « mécanique », vésicale et/ou urétrales ; – des pressions urétrales plus élevées que la normale, le prolapsus pouvant être compressif sur l’urètre. Ces modifications ne sont pas forcément spécifiques du prolapsus.   À quoi sert un BUD en présence d’un prolapsus ?  À rien, si le prolapsus est de faible degré et qu’il n’y a pas de signes urinaires.  À proposer une chirurgie, en cas d’IU associée, sans aucune chance pour la rééducation.  Avant une chirurgie, pour expertiser le tractus urinaire, choisir un type d’intervention, évaluer et prévenir la patiente d’un risque ultérieur d’incontinence, bien que le BUD ne soit pas forcément prédictif.   Faut-il modifier l’élaboration du BUD en présence d’un prolapsus génito-urinaire ? L’interrogatoire est fondamental et doit préciser le type de gêne, ses circonstances et son retentissement sur la vie du sujet. L’examen clinique doit se faire à vessie pleine, examiner la mobilité de chaque organe, démasquer une fuite éventuelle et évaluer les possibles anomalies musculaires (inversion de commande périnéale) (figures 9 à 12). Figure 9. Examen d’un prolapsus au repos et à l’effort de poussée.  Figure 10. Prolapsus antérieur masquant une rectocèle. Figure 11. Refoulement d’une rectocèle. Figure 12. Fuite d’effort.  Figure 13. Élytrocèle susceptible de comprimer une sonde. Lors de la débitmétrie, il faut expliquer que la miction doit être détendue, sans pousser ni forcer, et respecter l’intimité de la patiente. Lors de la pose des sondes, on peut observer l’éventuelle résistance urétrale à leur passage. Lors de la sphinctérométrie, il faudra comparer le profil urétral prolapsus en place et prolapsus réduit (figure 13). EN PRATIQUE • Le bilan urodynamique est un examen complémentaire dont l’intérêt n’est plus à discuter, d’autant que les mesures sont de plus en plus précises grâce à l’évolution des matériels. Dans le cadre du prolapsus génito-urinaire, il ne doit pas être systématique. • Si le prolapsus est de faible degré, peu ou prou accompagné de signes urinaires modérés, il peut être accessible aux traitements conservateurs, le but n’étant pas de restaurer l’anatomie, mais d’améliorer, voire de faire disparaître, la gêne fonctionnelle et préserver l’avenir. • Si le prolapsus est plus accentué et qu’il est légitime de proposer une chirurgie à une patiente qui est d’accord, le bilan urodynamique devient beaucoup plus utile, soit qu’il permette de discriminer et d’affiner les causes de symptômes, soit qu’il constitue un document médico-légal justifiant la chirurgie et un support pour prévenir la patiente des risques postopératoires

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