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Sexologie

Publié le 24 nov 2009Lecture 4 min

On n’y est jamais arrivé !

Philippe BRENOT, Psychiatre anthropologue, Université Paris-Descartes
«Nous sommes ensemble depuis 12 ans, ça fait 7 ans qu’on est mariés. Au début c’est moi qui ne voulais pas qu’on fasse l’amour avant le mariage. Depuis, on essaie tous les jours, mais on n’y est jamais arrivé ! Je suis toujours vierge et il est désespéré. »
Si l’on cherchait des arguments pour montrer la nécessité d’un apprentissage à l’amour, le mariage non consommé en serait évidemment la preuve. Car si le sexe était tellement naturel, s’il allait évidemment de soi, nous n’observerions pas de tels cas de figure, qui ne sont pas rares, d’un couple n’arrivant pas à réaliser l’acte sexuel. Ce terme un peu vieux maintenant, de mariage non consommé, recouvre une double problématique : celle d’une femme anxieuse, inhibée et peu construite dans son intimité ; mais en face d’elle, l’attitude protectrice d’un homme très amoureux et surtout respectueux de sa partenaire. Car c’est le « respect » qui pérennise le trouble sexuel. Cette complicité inconsciente est en définitive recherchée par la jeune femme qui a sélectionné son partenaire pour cette qualité du respect, donc de non-dangerosité. La sexualité est ainsi profondément organisée autour du signal de l’angoisse, tout ce qui pousse à l’amour étant facteur sécurisant et en retour anxiolytique ; tout ce qui éloigne de l’amour étant des facteurs menaçants et donc anxiogènes. Nous allons naturellement vers la sécurité et nous nous éloignons de ce qui nous semble dangereux. C’est particulièrement vrai des sujets fragiles, émotionnels, traumatisés. Telle situation, tel événement, ne sera pour nous anxiogène qui si nous l’avons déjà rencontré dans un contexte menaçant. Sécurité oblige C’est ainsi que pour le tout petit enfant, ce qui fait le moins peur c’est sa « maman » et lui même. Comme sa maman ne touche pas son sexe, c’est lui même qui va le toucher, cela s’appelle l’auto-érotisme, c’est la première forme d’apprivoisement des réactions sexuelles avec soi-même, première situation sécurisante. Par la suite, le petit enfant, garçon ou fille, pourra avoir des gestes intimes, parfois avec des partenaires de même sexe car ils font moins peur que ceux de l’autre sexe (c’est la phase de l’homoérotisme qui n’est pas obligatoire, qui n’a rien à voir avec l’homosexualité). C’est ensuite, après avoir expérimenté les situations sécurisantes de l’autoérotisme et éventuellement de l’homo-érotisme, que l’adolescent pourra oser approcher quelqu’un de l’autre sexe. Cette progression dans les apprentissages étant une sorte de désensibilisation de l’émotion sexuelle par des approches rendues progressivement plus sécures.   Sortir de l’impasse La jeune femme vaginique et inhibée qui ne peut réaliser le coït avec cet homme, en général profondément aimé, n’a pas connu d’habituation à l’intimité et vit donc toute approche comme dangereuse. Son partenaire respectueux lui permet alors d’éviter cette confrontation en restant sur des attouchements externes qui sont plus sécurisants. D’autres cas de figure peuvent être envisagés comme un abus sexuel dans l’enfance, des rapports forcés à l’adolescence… qui auront laissé une trace traumatique rendant tout partenaire potentiellement dangereux (« j’ai maintenant peur lorsque un homme s’approche de moi »). Le mariage non consommé a donc ce grand avantage de ne pas exposer aux situations dangereuses. Mais il faut un jour en sortir, soit par l’insistance tranquille mais ferme du partenaire, soit par l’assouplissement des défenses de la jeune femme. Faire les deux opérations dans le même temps (par une meilleure connaissance d’elle même et un accompagnement du couple) est en général le plus satisfaisant. Mais ce n’est jamais facile, car cette jeune femme sécurisée par la pratique d’une sexualité externe non menaçante n’abandonnera pas aisément ce bénéfice inconscient. Elle y est cependant obligée par deux nouvelles menaces qu’elle exprime ouvertement : « On veut avoir des enfants, ce n’est pas comme ça qu’on y arrivera » et « Il faut qu’on fasse l’amour, sinon il va me quitter ». Reste à savoir laquelle sera la plus convaincante.

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