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Sexologie

Publié le 18 fév 2009Lecture 5 min

Masturbation et auto-érotisme

P. BRENOT, Université Paris 5
Pendant plus de deux siècles, la masturbation, sous le nom d’onanisme, a été persécutée en Occident par des pasteurs, prêtres et médecins dans un mouvement hygiéniste qui n’était certainement destiné, inconsciemment, qu’à inhiber les pulsions sexuelles naissantes des adolescents. 
La plupart d’entre nous pensent que cet interdit est très ancien, qu’il s’agit d’une règle biblique. Il n’en est rien, la Bible n’interdit nulle part la masturbation, les textes sacrés non plus. L’onanisme, crime d’Onan, n’est en réalité qu’un coït interrompu !* Les interdits sont plus récents, avec des attitudes morales très différentes, selon les siècles. Mais ce n’est vraiment qu’au début du 18e siècle, en Europe, que se développera cet interdit jusqu’au milieu du 20e siècle. Il est d’ailleurs encore suffisamment dans les mémoires pour qu’une part importante de nos patientes et de nos patients en conçoivent toujours de la culpabilité.   Pourquoi cet interdit ? Certainement par le savoir inconscient que les pratiques sexuelles avec soi-même sont des facteurs d’épanouissement sexuel et donc de liberté individuelle, ce qui était alors une menace pour les familles désirant contrôler les alliances pour mieux transmettre les valeurs. L’histoire moderne en a décidé tout autrement puisque, aujourd’hui, l’individu existe à part entière – et notamment la femme – avec ses choix, ses désirs et la nécessité d’un épanouissement personnel. « La masturbation et l’autoérotisme sont au centre de la sexualité, permettant la maturation sexuelle comme la pérennité de la sexualité ». C’est une phrase que je prononce presque systématiquement lors du premier entretien avec mes patients ou patientes en difficulté sexuelle. Notre culture occidentale qui, dès l’origine, a banni le corps et le désir (Saint Augustin), ne pouvait pas accepter cet épanouissement du corps. Mais toutes les cultures traditionnelles, qui avaient compris l’importance de l’apprentissage des sensations et de la désensibilisation des émotions, ont en général développé des rituels pour permettre l’épanouissement. C’est ainsi qu’en Océanie, les mères font, dans les premiers jours de la vie, couler un liquide sacré fait d’eau, de lait et d’herbes sur la vulve entrouverte de la petite fille ou le pénis du petit garçon pour déjà sensibiliser cette région aux sensations intimes. Il en va de même pour la masturbation qui va ensuite permettre une progressive désensibilisation de la région génitale pour apprivoiser les réactions sexuelles afin de se les approprier. Ce terme « apprivoiser » me semble particulièrement juste chez la jeune fille qui doit lever les craintes liées au sexe pour « s’approprier » cette région intime, seule condition de l’épanouissement.   Ontogenèse Les premières masturbations ont été observées chez le bébé, garçon ou fille, dès l’âge de deux mois et les premiers orgasmes par auto-stimulation à l’âge de cinq mois (Kinsey). Dans les années qui suivent, cette activité auto-érotique est progressivement plus importante avec une phase de « clandestinisation » des pratiques jusqu’à l’adolescence où la masturbation est découverte, ou redécouverte par certains. La masturbation est un comportement auto-érotique qui trouve également sa place dans la relation à l’autre. Elle participe surtout à la maturation sexuelle en permettant de désensibiliser les réactions sexuelles avec soi-même, dans ce temps où le corps de l’autre sexe est encore trop inquiétant. Dans le rapport Spira, en 1993, sur 20 000 sujets adultes en France, 84 % des hommes avaient pratiqué au moins une fois la masturbation au cours de leur vie contre 42 % des femmes, toutes classes d’âges confondues. Si la proportion des hommes pratiquant la masturbation est sensiblement stable tout au long de la vie, celle des femmes évolue en fonction des classes d’âges et des générations. On a pu penser à une sous-déclaration féminine, on sait aujourd’hui que les femmes osent réellement parler de leurs pratiques lorsque le praticien le leur demande. Enfin, s’il n’y a pas de relation directe entre l’auto-érotisme, la pratique de la masturbation et la disponibilité sexuelle à l’âge adulte, on peut cependant remarquer que, parmi les femmes sexuellement épanouies à l’âge adulte, une majorité connaît l’auto-érotisme et la masturbation et que, parmi celles qui ont des difficultés à vivre leur sexualité à l’âge adulte, une majorité ne l’a jamais pratiquée. En cela, la masturbation est un facteur important de maturation sexuelle dans le sens où elle permet l’appropriation et l’apprivoisement des réactions sexuelles avant de les vivre avec un partenaire. L’auto-érotisme est une conduite érotique à part entière ; c’est à la fois une étape du développement, mais également un facteur d’accompagnement qui manque souvent aux individus et aux couples en difficulté sexuelle. * Pour les aspects historiques de cette persécution, voir P. Brenot, Eloge de la masturbation, Zulma, 1996

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