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Infertilité

Publié le 27 sep 2010Lecture 12 min

Les stimulations ovariennes modérées : panorama de la littérature

M. GRYNBERG, Hôpital Antoine-Béclère, INSERM U782, Clamart
La stimulation ovarienne constitue un des principaux outils dans le traitement des couples pris en charge en assistance médicale à la procréation. Depuis les premiers temps de la fécondation in vitro, la stimulation ovarienne a été utilisée pour compenser les insuffisances de cette technique, visant à augmenter le nombre d’ovocytes recueillis, ce qui permet de sélectionner les embryons de meilleure qualité pour le transfert
Le protocole de stimulation ovarienne le plus classiquement utilisé comprend une désensibilisation hypophysaire par un traitement agoniste du GnRH de longue durée, combinée à l’administration de gonadotrophines exogènes. Ce régime de stimulation ovarienne demeure toutefois coûteux, complexe, stressant et associé à un certain nombre d’effets indésirables à court et long termes, potentiellement graves. Ainsi, afin de pallier ces inconvénients, les protocoles de stimulation modérée font l’objet depuis quelques années, d’un intérêt croissant (1-5). L’usage des antagonistes du GnRH permet de débuter une stimulation ovarienne pour FIV au cours d’un cycle menstruel spontané sans perturbation du recrutement folliculaire de la phase folliculaire précoce. Cela permet d’utiliser l’augmentation endogène de FSH au cours de la phase de transition lutéofolliculaire et ainsi de diminuer la dose de gonadotrophines exogènes à administrer, comparativement à un protocole agoniste long. En effet, une élévation modérée mais continue des taux de FSH durant le milieu ou à la fin de la phase folliculaire suffit à allonger la fenêtre FSH, permettant un développement multifolliculaire (6). L’apparition des antagonistes du GnRH a par conséquent permis le développement de protocoles de stimulation ovarienne modérée (2). L’ISMAAR Consensus Group a défini les stimulations modérées par les stimulations de l’ovulation pour FIV avec : – soit administration de gonadotrophines exogènes à des doses faibles et/ou pendant une courte durée, en association à un antagoniste de la GnRH ; – soit des traitements per os (antiestrogènes ou inhibiteurs de l’aromatase) ± gonadotrophines. La FIV en cycle naturel est également incluse dans cette définition(7).   Principales indications des stimulations modérées reconnues à ce jour : – l’absence de désir de cryopréservation embryonnaire, – le SET (mais mild stimulation n’est pas synonyme de SET !), – les mauvaises répondeuses avec recrutement pauci-folliculaire, – les antécédents de syndrome d’hyperstimulation ovarienne, – les contre-indications aux hyperestrogénies supraphysiologiques.   La FIV en cycle naturel ou semi-naturel La FIV en cycle naturel Dans sa forme basique, elle consiste en un simple monitorage d’un cycle spontané avec recueil d’un unique ovocyte préalablement à la survenue du pic de LH. Les taux de grossesses évolutives par cycle de FIV en cycle naturel débuté ont été rapportés à 7,2 %, ce qui peut paraître peu acceptable au vu des taux obtenus en FIV stimulée (8). Cependant, il faut pondérer ces chiffres par la population étudiée, car nombreux sont les groupes qui réservent cette indication de FIV aux patientes ayant eu des échecs en FIV stimulée. Seules, 4 études randomisées comparant cycles naturels et stimulés ont été publiées (9-12). En dépit du faible nombre de patientes et de cycles, les résultats en cycle spontané tendent globalement à donner de moins bons taux de grossesses. Cependant, une étude a montré, dans une population sélectionnée, qu’après 4 cycles de FIV en cycle naturel, les taux cumulés de grossesses étaient de 46 % avec 32 % de naissances vivantes (13). Dans cette étude, 181 cycles ont été pratiqués chez 52 patientes, aboutissant à 16 naissances.   La FIV en cycle naturel modifié Le manque de souplesse de cette technique avec nécessité d’un monitorage fréquent ainsi que les forts taux d’annulation pour élévation prématurée de la LH ont fait développer la FIV en cycle naturel modifié, utilisant notamment les antagonistes du GnRH en phase folliculaire tardive afin de prévenir l’élévation prématurée de LH. Parallèlement, la poursuite de la croissance du follicule dominant est obtenue par adjonction de gonadotrophines exogènes (« addback »). Dans la plupart des études, l’administration de ces deux traitements est débutée lorsque le diamètre folliculaire atteint 12 à 17 mm. À ce jour, aucune étude comparative randomisée portant sur les résultats de cette procédure n’a été publiée. La plupart des études rapportent les résultats chez des patientes mauvaises répondeuses à une stimulation ovarienne conventionnelle. Dans cette population, les taux de succès sont compris entre 0 et 14 % par cycle débuté (14-18). Une large étude de cohorte a évalué les taux de grossesses cumulés après 3 cycles de FIV en cycle naturel modifié chez des patientes de bon pronostic (19) : 844 cycles ont été étudiés chez 350 femmes d’une moyenne d’âge de 36 ans, sans traitement de FIV préalable. Les taux de grossesses par cycle étaient compris entre 8,3 et 20,8 %. Les taux d’annulation étaient de 13 %. Des taux de grossesses relativement bons ont également été rapportés chez des couples ayant une infertilité d’origine masculine isolée, évalués à 13,3 % par cycle (20) et 43,8 % après 6 cycles (21). À Clamart, entre 2002 et 2006, 744 recueils ovocytaires après FIV en cycle naturel modifié ont été pratiqués chez des patientes ayant des échecs de FIV stimulée ou des paramètres de réserve ovarienne incompatibles avec une stimulation ovarienne. Les taux de grossesses cliniques étaient de 15,6 %. Les taux d’implantation étaient en moyenne de 29 % avant 37 ans et devenaient nuls après 41 ans.   Clomid/hMG Le citrate de clomifène (CC) est un antiestrogène utilisé en médecine de la reproduction depuis de nombreuses années, notamment du fait de son administration orale et de son faible coût. En réduisant le rétrocontrôle négatif des estrogènes sur l’hypophyse, il permet une libération de FSH qui peut être couplée à une administration de gonadotrophines exogènes en vue d’une stimulation ovarienne. En effet, l’action synergique de ces deux produits permet une réduction du nombre d’unités de gonadotrophines exogènes, nécessaire pour obtenir une stimulation multifolliculaire. Par ailleurs, la co-administration de gonadotrophines permet de contrebalancer les effets négatifs des antiestrogènes sur l’endomètre (22) et ainsi de ne pas réduire les taux d’implantation embryonnaire. Deux essais randomisés ont comparé les résultats de la FIV avec des protocoles CC + gonadotrophines versus protocole agoniste du GnRH long. Dhont a retrouvé dans le groupe CC, une durée de stimulation (11,2 versus 8,7 jours) et un nombre d’ampoules de gonadotrophines (44,9 versus 9,9) réduits, des taux d’annulation plus élevés et des taux de grossesses plus bas (23). Plus récemment, il a été montré que la stimulation associant CC à 225 UI de FSH et 75 UI de LH donne des taux de grossesses et d’annulation comparables à ceux du protocole agoniste long (24), malgré une réduction des doses de gonadotrophines administrées. Lin, dans une étude prospective randomisée, a montré que l’association des antagonistes du GnRH au protocole CC/hMG, permet l’obtention de taux de grossesses similaires à ceux du protocole agoniste long avec une réduction du nombre d’ampoules de gonadotrophines, de la durée de stimulation et du nombre d’ovocytes recueillis (25). Ces données confirment celles de deux études rétrospectives plus anciennes (26,27). Néanmoins, il est à noter qu’une étude comparative non randomisée entre ces deux mêmes protocoles a montré des taux de grossesses inférieurs lorsque le CC était utilisé (28). L’apport de l’association d’un antagoniste du GnRH aux stimulations associant CC + hMG reste débattu. Une étude randomisée a retrouvé des taux similaires de grossesses avec ou sans adjonction d’antagonistes (29). L’intérêt d’une désensibilisation hypophysaire en cas d’utilisation du CC est probablement fonction du dosage utilisé et de différences interindividuelles. La plupart des études utilisent des gonadotrophines associées à du CC à la dose de 100 mg/j pendant 5 jours au cours de la phase folliculaire précoce. Cependant, il n’existe pas de données probantes sur l’intérêt d’utiliser de l’hMG ou de la FSH recombinante en association au CC ni sur celui d’associer ou non une supplémentation en LH recombinante (30,31). De plus, le régime optimal d’administration de gonadotrophines n’est toujours pas connu. Au total, même si les données disponibles sont insuffisantes pour évoquer un bénéfice de l’association CC + gonadotrohines en stimulation multifolliculaire, le faible coût de ce traitement ne doit pas le faire rejeter.   Association de gonadotrophines exogènes à un antagoniste du GnRH La stimulation ovarienne modérée, au cours de laquelle l’administration d’une faible dose de gonadotrophines est retardée au moment du milieu de la phase folliculaire, est basée sur le concept de fenêtre FSH (32). L’administration de FSH exogène depuis le milieu jusqu’à la fin de la phase folliculaire, dans le but de prévenir la chute de FSH, induit un développement multifolliculaire. L’ajout d’un antagoniste du GnRH permet de prévenir l’élévation prématurée de LH (33). Dans une étude pilote, il a été montré que l’administration de FSH à faible dose peut être retardée au 7e jour du cycle (34), avec toutefois une réduction du nombre de follicules dominants obtenus, comparativement à une stimulation débutée au 3e ou 5e jour du cycle. En 2003, Hohmann a mené une étude prospective randomisée chez 142 patientes, comparant trois protocoles de stimulation différents : stimulation ovarienne modérée avec 150 UI/j de FSH à partir du 5e jour du cycle associée à un antagoniste du GnRH à partir du 14e jour du cycle ; protocole agoniste long conventionnel ; protocole anta goniste conventionnel avec début d’administration de FSH en phase folliculaire précoce. Les taux de grossesses étaient comparables dans les trois groupes de patientes, avec une réduction de la durée de stimulation etde la quantité de gonadotrophines nécessaires dans le protocole de stimulation modérée (35). Par ailleurs, le taux d’embryons « tops » était significativement plus important en stimulation modérée comparativement au protocole agoniste long (55 % vs 37 %). Heijnen a montré, sur 800 cycles consécutifs menés chez 404 patientes, que ce même protocole de stimulation modérée avec transfert d’un embryon donne, comparativement à un protocole de stimulation conventionnelle avec transfert de 2 embryons, des taux de grossesses comparables en dépit de stimulations plus courtes, moins coûteuses, nécessitant une réduction du nombre d’ampoules de FSH. L’acceptabilité des traitements ne différait pas dans les deux groupes. Les taux de grossesses gémellaires étaient diminués en cas de stimulation modérée associée au SET. Les taux de naissances cumulés à 1 an ne différaient pas significativement dans les deux groupes, même s’il est à noter qu’avant d’avoir ce recul de 1 an, la courbe des naissances en cas de stimulation modérée restait en permanence en deçà de celle obtenue avec une stimulation conventionnelle (36).   Stimulations modérées et qualité embryonnaire Un certain nombre d’études ont rapporté une possible altération de la qualité embryonnaire, tant d’un point de vue morphologique que chromosomique (37,38). Ce phénomène pourrait résulter de l’interférence avec la sélection naturelle des ovocytes de meilleure qualité ou de l’exposition des follicules en croissance aux effets potentiellement négatifs de la stimulation ovarienne. L’objectif de la stimulation ovarienne modérée étant de se rapprocher de la physiologie, une des attentes en est l’amélioration de la qualité embryonnaire. Dans une étude randomisée, Baart a montré, en utilisant une technique de FISH, une réduction des aneuploïdies des embryons humains après stimulation modérée, comparativement à une stimulation conventionnelle (38). Une métaanalyse récente a, par ailleurs, mis en évidence des taux d’implantations supérieurs après recueil d’un nombre modeste d’ovocytes après « mild stimulation » comparativement au recueil d’un même nombre d’ovocytes au cours d’un protocole de stimulation de FIV classique (39). Ainsi, les auteurs concluaient que le petit nombre d’ovocytes récupérés après stimulation modérée représente un groupe homogène d’ovocytes de bonne qualité. Un des inconvénients potentiels des stimulations modérées avec recueil d’un faible nombre d’ovocytes, pourrait être la réduction du nombre d’embryons disponibles pour la cryopréservation. Cela doit toutefois être pondéré par le fait qu’il ne semble pas exister de différence en termes de nombre d’embryons de bonne qualité obtenus avec un protocole conventionnel de FIV ou une stimulation modérée (38).   Stimulations modérées et réceptivité endométriale La stimulation ovarienne affecte la fonction du corps jaune avec, en contrepartie, la survenue de perturbations de la phase lutéale et une altération de la réceptivité endométrriale. Cet effet délétère de la stimulation ovarienne est tenu pour responsable de nombreux échecs d’implantation embryonnaire (40). Bien que les mécanismes physiopathologiques impliqués soient relativement méconnus, les taux de stéroïdes sexuels supraphysiologiques atteints après stimulation multifolliculaire conventionnelle pourraient être impliqués (41). Ainsi, les stimulations modérées, en réduisant les taux de stéroïdes circulants, pourraient améliorer les taux d’implantation embryonnaire. Toutefois, aucune donnée probante ne peut à ce jour attester de ce fait.   Conclusion En dépit d’un intérêt croissant pour les stimulations ovariennes modérées, il n’existe pas de bases scientifiques suffisantes pour proposer la stimulation modérée en remplacement des protocoles de stimulation classiques pour toutes les patientes. Les taux de grossesses par cycle de stimulation avec protocole classique restent supérieurs à ceux obtenus avec les stimulations modérées chez des patientes non sélectionnées. Si l’acceptabilité des traitements est probablement similaire entre stimulation standard et stimulation modérée, il faut tenir compte des habitudes culturelles qui favoriseront plutôt une technique de stimulation que l’autre. Des études complémentaires restent nécessaires pour trouver réellement la place des stimulations modérées dans la prise en charge des couples en AMP.

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