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Sexologie

Publié le 15 nov 2011Lecture 6 min

Les conséquences du cancer du sein sur la sexualité

Pascale THIS, Institut Curie, Paris

Les troubles de la sexualité après un cancer du sein restent difficiles à évoquer en consultation en raison de la réticence des patientes, mais aussi des médecins. Il s’agit cependant d’un réel problème, pour lequel il est vraiment possible d’aider nos patientes.

 
Quel est l’impact du cancer du sein et de ses traitements sur la sexualité ? Pour apprécier l’impact d’une pathologie ou d’un traitement sur la sexualité, on peut recourir, soit à des questionnaires standardisés, soit à des études qualitatives. La première méthode, si elle a le mérite d’être rigoureuse, est nécessairement réductrice : on explore méthodiquement la fréquence des relations sexuelles, le désir, la capacité d’excitation sexuelle, l’aptitude à atteindre un orgasme, la satisfaction sexuelle. Le délai depuis le traitement est important à considérer ; certaines conséquences vont, en effet, s’améliorer avec le temps (aménorrhée transitoire postchimiothérapie), alors que d’autres vont s’installer secondairement (ménopause précoce, sclérose postradiothérapie). De plus, il faut tenir compte du profil évolutif de la maladie telle la survenue d’une récidive, qui retentira sur la qualité de la sexualité. Les études qualitatives comportent en général des entretiens individuels. Elles éclairent évidemment bien mieux toute la richesse de cette problématique, mais concernent rarement des effectifs importants ; or, ce dernier critère est essentiel dès lors que l’on souhaite prendre en compte les multiples déterminants de la sexualité après un cancer à l’aide de modèles multivariés (nature des traitements, statut hormonal des patientes, contexte psychologique, social, conjugal, etc.). Enfin, ces données sur les femmes après un cancer doivent nécessairement être comparées à celles portant sur la sexualité de femmes saines de même âge. Les bases de l’approche de la sexualité après cancer du sein ont été établies grâce à un important programme de recherche mené par l’équipe de P. Ganz aux États-Unis. Dans une première étude transversale, plus de 800 femmes âgées de 31 à 88 ans, ayant eu, 1 à 5 ans plus tôt, un cancer du sein de stade I ou II, ayant terminé leur traitement, éventuellement sous hormonothérapie et indemnes de récidives, ont répondu à un questionnaire explorant leur histoire médicale, leur qualité de vie, leur état psychologique, leur relation avec leur partenaire, leur sexualité, l’appréciation de leur image corporelle, à l’aide d’échelles validées. Globalement, les scores de qualité de vie étaient semblables ou meilleurs que ceux de femmes saines appariées sur l’âge. La satisfaction sexuelle était identique dans les 3 groupes d’âge (< 50 ans, 50-59 ans, > 60 ans). La comparaison avec un groupe contrôle de femmes indemnes retrouvait des scores identiques pour les mêmes tranches d’âge. Grâce à l’importance de l’effectif, les auteurs ont pu, dans un deuxième temps, cerner certains facteurs prédictifs d’une sexualité plus ou moins harmonieuse ; ces facteurs ont ensuite été confirmés par d’autres équipes.   Chimiothérapie Tous les travaux confirment l’influence délétère sur la sexualité de la chimiothérapie, de l’aménorrhée lorsqu’elle persiste, et de la sécheresse vaginale. Les femmes jeunes, en insuffisance ovarienne postchimiothérapique, sont plus susceptibles de voir leur sexualité s’altérer à la fois en raison des conséquences physiques, mais aussi des répercussions psychiques d’une ménopause précoce ou d’un désir de grossesse non assouvi.   Chirurgie mammaire Curieusement, alors que l’on aurait pu s’attendre à l’inverse, les travaux portant sur la chirurgie mammaire n’ont pas retrouvé d’impact notable de son étendue sur la sexualité, tout du moins lorsque celle-ci était évaluée à l’aide de critères objectifs et validés, et après contrôle de variables telles que l’âge et la chimiothérapie. Une analyse approfondie montre qu’en fait, le bénéfice de la conservation mammaire concerne la satisfaction quant à l’image corporelle et la perception par la femme de son attractivité sexuelle. En fait, il semble bien que l’un des facteurs prédictifs les plus importants de la sexualité soit la perception par la femme de sa propre attractivité sexuelle. Dès lors que celle-ci est perçue comme réduite (que ce soit en raison d’une mammectomie, d’une cicatrice considérée comme « inesthétique », d’une alopécie, d’une prise de poids), sa sexualité sera moins satisfaisante.   Hormonothérapie ? Le tamoxifène, isolément, n’a que peu d’effet sur la sexualité, notamment chez les femmes âgées de plus de 50 ans. En revanche, les agonistes de la LH-RH altèrent transitoirement celle-ci pendant la durée de la prescription. Concernant les inhibiteurs de l’aromatase, les études de qualité de vie montrent d’ores et déjà un effet délétère sur la sècheresse vaginale et la libido à confirmer par des études plus spécifiques.   Autres facteurs prédictifs Indépendamment des traitements, d’autres facteurs prédictifs émergent de ces études et nous ouvrent des pistes pour aider nos patientes. Trois d’entre eux apparaissent essentiels : le bien-être émotionnel des femmes, la qualité de leur relation avec leur partenaire et l’existence chez ce dernier de problèmes sexuels. Il importe de savoir si la sexualité était ou non de bonne qualité avant le diagnostic du cancer car, pour certaines femmes, les difficultés physiques, psychologiques et morales de cette période peuvent servir de prétexte à mettre fin à une activité sexuelle jugée auparavant peu satisfaisante, voire même redoutée, et que les traitements vont rendre plus difficile encore. À l’inverse, un état de santé satisfaisant, une bonne intégration sociale, une perception positive de son attractivité sexuelle sont autant de facteurs qui vont influer positivement sur la sexualité d’une femme après un cancer du sein. Dans une étude canadienne, 42 % des couples rapportent que, finalement, l’expérience de la maladie et des traitements les ont rapprochés   En pratique, comment aider nos patientes après un cancer du sein La prise en charge des symptômes de la ménopause peut aider à l’amélioration de la sexualité. Rappelons que les estrogènes, la DHEA, les phytoestrogènes et les androgènes sont contre-indiqués après un cancer du sein. Il faut donc savoir recourir aux traitements symptomatiques : l’acupuncture ou l’hypnose, par exemple, peuvent aider à la prise en charge des bouffées de chaleur. Pour la sécheresse vaginale, on peut proposer des agents hydratants, des lubrifiants et éventuellement (après feu vert des oncologues) des estrogènes locaux non absorbables comme le promestriène. Il faut savoir éviter les ovariectomies intempestives (en dehors des situations à risque familial de cancer de l’ovaire), qui précipitent parfois les patientes dans une ménopause brutale et définitive. Enfin, il est essentiel, lors de la consultation, de repérer une dépression, un problème conjugal, un problème sexuel chez la femme ou son partenaire. On pourra ainsi solliciter l’aide d’un collègue psychologue ou psychiatre, d’un sexologue, ou d’un andrologue.    

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