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Sexologie

Publié le 15 fév 2011Lecture 4 min

Le doigt et le pénis

Philippe BRENOT, Directeur DIU de sexologie, Université Paris Descartes
Marine a 24 ans, elle est fonctionnaire et a une relation amoureuse depuis 2 ans avec un garçon qu’elle aime profondément, mais avec qui elle ne veut pas vivre, pour l’instant, car elle ne se sent pas prête à faire l’amour, ce pourquoi elle consulte.
Marine a eu un début de vie sexuelle assez satisfaisant avec une relativement bonne connaissance d’elle-même par la masturbation vers l’âge de 15 ans, pratique qu’elle poursuit et qui lui procure beaucoup de satisfaction orgasmique. Mais sa sexualité relationnelle est très difficile. Après de multiples tentatives avec un premier partenaire, elle a eu un premier rapport douloureux à l’âge de 18 ans puis, progressivement, un vaginisme empêchant les relations intimes, mais dont elle se satisfaisait car elle avait un partenaire très respectueux et non menaçant puisqu’il acceptait l’absence de pénétration. C’est lorsqu’elle est tombée amoureuse de Benoît qu’elle a rapidement été confrontée à la réalité du rapport sexuel, ne voulant pas perdre l’homme qu’elle aime et donc pas le décevoir. Benoît est également attentionné, mais il est plus ferme dans son attitude, ce qui amène Marine au « principe de réalité ». Rien cependant dans son histoire ne permet facilement de comprendre cette inhibition sexuelle, et le travail psychothérapique en relaxation, allié à l’apprivoisement de ses réactions intimes par une gynéco-sexologue, permet aujourd’hui des rapports possibles et rarement douloureux par pénétration. C’est ainsi que nous avions arrêté le suivi thérapeutique, il y a quelques mois.   Symbolique Marine est revenue il y a quelques semaines en insistant sur le fait qu’elle ne comprenait pas pourquoi sa sexualité n’était pas très facile. Et dans cette nouvelle tranche de thérapie, elle semble beaucoup plus motivée avec moins de défense contre elle-même. Elle parle plus librement et dit, en définitive, qu’elle se souvient de certaines réactions qu’elle avait au début de sa sexualité : « La pénétration, ça me faisait pleurer, je ne sais pas pourquoi, même lorsque ça ne me faisait pas mal. » Dans de tels moments où aucun souvenir ne vient spontanément, il est important de ne rien induire par des questions qui seraient trop précises, mais de laisser « ouvertes » les formulations qui surgissent d’elles-mêmes : « Je me souviens, quand j’étais petite, à l’âge de 4, 5 ou 6 ans, que j’avais très peur des personnes de sexe masculin. Ma mère et ma grand-mère me le disaient, je m’en souviens encore, elles ne comprenaient pas, moi non plus. Et puis, la peur s’est progressivement transformée en dégoût. J’avais peur des hommes que je ne connaissais pas. Je me souviens que je pleurais sans comprendre, s’il y avait telle ou telle personne présente, par exemple un cousin de ma mère qui était beaucoup plus âgé et dont j’avais très peur. » La libre parole laisse alors parfois surgir des mots qui ont une portée plus large ou hors contexte. C’est ainsi qu’elle fait cette réflexion : « Est-ce qu’on m’aurait fait du mal dans l’enfance ? » C’est lorsque je lui demande de préciser ce qui est aujourd’hui difficile dans sa sexualité qu’elle fait cette très curieuse remarque : « C’est vrai que j’arrive à être pénétrée par le pénis de mon ami, mais jamais par son doigt. Le doigt est toujours rejeté, moi-même je ne peux pas mettre un doigt dans mon vagin. » Je lui fais remarquer que ce n’est certainement pas un problème de taille car un pénis est en général plus large qu’un doigt. Elle fera encore cette remarque : « Peut-être que quand j’étais petite, quelqu’un m’a fait ça. Mais je n’en ai aucun souvenir. »   Faux souvenir Cette description très précise du symptôme n’a pu être faite qu’après un long temps de thérapie et, ce jour-là, parce qu’elle avait parlé dans le détail de ses difficultés actuelles : « Je peux être pénétrée par un pénis mais pas par un doigt. » Nous sommes réellement dans une dimension symbolique à laquelle il ne faut pas ajouter de « faux souvenirs » qui sont très faciles à induire, nous le savons. Il est important d’être prudent, de parler au conditionnel et de bien dissocier le présent avec l’homme qu’elle aime et un possible passé différent. Mais jamais le thérapeute n’ira formuler quelque chose de ce passé, qui n’est pour l’instant pas accessible. Peut-être ne le sera-t-il jamais. C’est pour cela que nous travaillons sur le présent sans ignorer un passé dont elle seule pourra, ou voudra, éventuellement parler.

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