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Psycho-social

Publié le 19 oct 2011Lecture 5 min

La peur du jugement

Philippe BRENOT, Directeur des enseignements de sexologie et sexualité humaine université Paris-Descartes
En quelques décennies, les mentalités ont profondément évolué et les rapports entre les hommes et les femmes ont changé d’une manière très rapide. Là où l’homme la dominait, la femme est aujourd’hui au moins son égale, si ce n’est une rivale dans certains couples qui ont « inversé » le schéma traditionnel dominant/dominé. La domination masculine...
En quelques décennies, les mentalités ont profondément évolué et les rapports entre les hommes et les femmes ont changé d’une manière très rapide. Là où l’homme la dominait, la femme est aujourd’hui au moins son égale, si ce n’est une rivale dans certains couples qui ont « inversé » le schéma traditionnel dominant/dominé. La domination masculine est une vieille histoire qui remonte à l’aube de l’humanité, certainement constitutive des premiers humains. C’est aujourd’hui un concept dépassé qui laisse cependant quelques persistances difficiles à réduire mais aussi les stigmates de son abolition.   Domination masculine Il n’est pas inutile de rappeler que cette « domination » est strictement humaine, qu’elle n’existe aucunement – du moins sous la forme sociale que nous lui connaissons – dans les espèces animales proches de nous et notamment les primates. Pas de domination des mâles sur les femelles, alors que les différences de taille et de puissance physique sont bien plus manifestes que chez nous. Pas non plus de domination, ni d’imposition, par le sexe dans ce monde animal très proche de nous puisque ce sont les femelles – et non les mâles – qui expriment leur désir et approchent le partenaire. Nous observons ensuite, dans l’ensemble des sociétés humaines, une domination des femelles par les mâles, qui ne prendra vraiment fin, en Occident, que dans les années 1970 avec l’évolution des moeurs, l’accès des femmes au travail, la libéralisation de la société et les règles progressives d’égalité entre les sexes. Une réelle parité n’est cependant toujours pas d’actualité, ne serait-ce qu’en matière de salaires, dont l’écart mensuel moyen entre hommes et femmes était encore en France de 18 % en 2008 (INSEE, 2008) ! Si les comportements ont réellement changé en moins de 50 ans, il existe environ un tiers d’attitudes masculines dominantes « irréductibles », mais également encore une même proportion de femmes acceptantes et soumises. À l’opposé, nous observons autant de schémas inversés avec des femmes très affirmées et parfois dominantes, mais aussi une part plus importante encore, à mon sens, d’hommes attentionnés et, d’une certaine façon, craintifs de leur épouse. C’est une constatation quotidienne en thérapie de couple. Jacques a 47 ans et vit depuis 10 ans avec Mélanie, beaucoup plus jeune que lui, 34 ans. Ils ont deux enfants de 7 et 5 ans. Jacques a toujours été très attentif à cette femme qu’il aime profondément, mais le pouvoir dans le couple est très certainement du côté de Mélanie qui ne veut pas s’en laisser conter. Mélanie a beaucoup de personnalité ; elle est assez entière et ne mâche pas ses mots. En dépit de ses sentiments, Jacques est très inquiet des moindres réactions de sa femme car il craint avant tout ses mouvements d’humeur qui, à plusieurs reprises, les ont amenés au bord de la rupture. Jacques craint profondément les réactions Mélanie, mais n’a jamais osé le lui dire. Cette révélation au cours de la thérapie de couple qu’ils ont engagée lui a été insupportable au point qu’elle interrompe la thérapie et menace le couple de séparation. Les vérités ne sont pas toujours bonnes à dire, elles ont au moins le mérite de rappeler « le principe de réalité ».   La crainte du partenaire La relation à l’autre dans un couple est souvent régie par une relation de soumission ou de domination à l’autre. Le point d’équilibre serait un couple sans soumission ni domination. La psychanalyse, avec Jean Cournut, nous affirme que « les hommes dominent les femmes parce qu’ils en ont peur ». Et il ajoute que cette peur, selon Freud, viendrait du fait qu’elles sont castrées et donc, en réaction, castratrices ! C’est certainement assez juste sur un plan symbolique et dans l’organisation des sociétés à l’origine de l’humanité. Mais aujourd’hui où les mentalités ont énormément changé, où l’individu existe en tant que sujet, la crainte des hommes est clairement celle de l’éloignement amoureux dans le couple, de la prise de distance et de la rupture. Nombreux sont les hommes qui disent ne pas comprendre les attitudes féminines et être très attentifs de peur de déplaire, de blesser, de décevoir. Dans la grande enquête que je viens de mener sur plus de 2 000 hommes vivant en couple, 46 % craignent les réactions de leurs compagnes et 52 % leur jugement. Ce n’est ni un scoop ni un leurre, c’est une observation, une réalité nouvelle avec laquelle nous devons composer. Il est en effet important de pouvoir rassurer l’homme, lui apprendre à s’affirmer, mais aussi rassurer sa partenaire sur le fait qu’elle n’est en rien coupable et que c’est lui qui craint ses réactions. Les personnalités masculines se sont en effet affaiblies dans les 50 dernières années en raison de l’affirmation progressive des femmes avec qui ils vivent et qui ne supportent pas des comportements masculins de domination. Notre regard impartial de médecin doit permettre d’aider à une meilleure affirmation de chacun dans les couples en difficulté qui viennent nous consulter.   Illustration : Elizabeth Taylor (Martha) et Richard Burton (George), Qui a peur de Virginia Woolf ? (1966)

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