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Cancérologie

Publié le 11 fév 2008Lecture 9 min

La kinésithérapie dans les suites du cancer du sein

S. MIESCH Kinésithérapeute, Rambouillet

La prise en charge en kinésithérapie d’une personne ayant eu un cancer du sein a pour objectif la récupération fonctionnelle perdue ou en déclin, après un traitement local et/ou systémique. Ces traitements ont des conséquences au niveau des tissus mous à type de rétractions cutanées, aponévrotiques et tendineuses, atrophie musculaire, ainsi qu’une fragilisation osseuse accompagnée de troubles circulatoires.  À la suite du traitement systémique, il persiste parfois des séquelles locales de perfusions (ulcérations, paresthésies). La kinésithérapie représente une part importante du traitement.

 
La kinésithérapie débute en postopératoire immédiat afin que le (la) patient(e) réadapte et donc réadopte au plus vite son bras, sans se sentir trop diminué(e). La relation de confiance qui doit s’instaurer permet une visualisation positive de son être dans sa globalité, nous éliminerons les tensions du corps par le mouvement, et les peurs par le dialogue. Ainsi, quelques grands axes à traiter, tant du point de vue kinésithérapique que psychique : réharmonisation, suppléance et cicatrice.   Réharmonisation scapulo-humérale L’élévation du bras L’élévation antérieure du bras se fait en actif aidé puis en actif, coude plié au début pour avoir un petit bras de levier. Il faut respecter la physiologie articulaire de l’épaule, c’est-à-dire l’élévation de 0 à 90° qui se fait dans l’articulation gléno-humérale, omoplate basse, puis de 90° au zénith, l’omoplate terminant l’élévation. Très rapidement, la patiente sera capable de lever seule son bras sans compensation, ce qui lui permettra d’effectuer seule les activités de sa vie quotidienne (se coiffer, ouvrir les volets). Il est crucial qu’elle réintègre le côté opéré et reprenne le contrôle de son bras au plus vite.   La correction posturale Elle permet d’éviter l’adoption d’attitudes « vicieuses », du fait de la douleur ou d’un excès de précautions. Afin d’éviter les déformations dans un plan sagittal, nous travaillons la décontraction musculaire du cou et des épaules, associée à un travail spécifique de renforcement des muscles extenseurs du rachis (Auto-grandissement Axial Actif) et des fixateurs d’omoplate. La patiente aura un programme d’exercices à faire seule pour éviter toute amyotrophie : contraction des pectoraux en serrant les mains jointes devant elle, contraction des grands dentelés en poussant le mur face à elle, contraction des intercostaux par résistance à l’inspiration. Ce travail se fait en isométrique et en course interne par série de 5 secondes répétées 10 fois. Pour lutter contre la déformation de la colonne vertébrale dans un plan frontal, il faut ouvrir le côté atteint par des étirements.   La respiration abdomino diaphragmatique On explique l’intérêt du diaphragme dans son rôle de pompage, tant sur la circulation lymphatique que sur la digestion.   La mobilisation des articulations périphériques La mobilisation du cou, des épaules et du bras permet de réduire la raideur, avec approche des brides rétractiles pour éviter la fibrose. Cette réharmonisation se fait également en prévention de fausses périarthrites scapulo-humérales ou de fausses névralgies cervico-brachiales liées à des contractures douloureuses du fait de l’adoption permanente d’une position de défense. Bien placer son dos dans les 3 dimensions permet à la patiente de retrouver pleinement son espace pour faire face aux autres.   Drainage du réseau lymphatique Le Drainage Lymphatique Manuel Le Drainage Lymphatique Manuel (DLM) associé à des manœuvres drainantes dans l’axe des collecteurs permet de résorber l’œdème en stimulant les ganglions, afin de favoriser la circulation de retour. Il permet de diminuer l’inflammation, la gêne fonctionnelle par assouplissement de l’œdème et d’augmenter la trophicité des tissus en vue d’une meilleure cicatrisation. La lymphe participe à la défense de l’organisme, draine les déchets cellulaires et absorbe les corps gras. Elle est composée de protéines, électrolytes, glucose, cholestérol, fer, enzymes et hormones, lymphocytes travaillant à la réparation des tissus endommagés et macrophages chargés de détruire les corps étrangers, agents pathogènes et résidus cellulaires. Elle est présente dans tous les tissus (sauf le tissu nerveux) et son volume représente 16 % du poids du corps, soit environ 10 litres. Toute perturbation du système lymphatique entraînera un ralentissement de la circulation de retour, de l’évacuation des déchets et des échanges cellulaires.   Technique de drainage bras et thorax   Stimulation des ganglions : citerne de Pecquet (qui se trouve à l’origine du canal thoracique), chaîne transverse du cou, ganglions rétroclaviculaires, sous-scapulaires, mammaires, axillaires homo- et controlatéraux jusqu’à l’épitrochlée.     Mouvement d’appel (destiné à faire évacuer la lymphe à distance de la zone malade dans les vaisseaux précollecteurs, puis collecteurs sains) par une manoeuvre en tampon buvard qui associe une traction de la peau dans le sens de la circulation lymphatique, à une manœuvre de déroulement de la main de l’aval vers l’amont (mains toujours perpendiculaires à l’axe des collecteurs). L’appel se fait d’abord à distance de la zone malade.     Mouvement de résorption pour favoriser le captage de la lymphe par les capillaires initiaux, au niveau de la zone œdémateuse. Cette manœuvre se fait en tampon buvard associée à une traction de la peau, la main déroule cette fois-ci de l’amont vers l’aval. La traction du tissu conjonctif tire sur les ligaments de Leak (haubans qui solidarisent le vaisseau au tissu environnant), ce qui ouvre les capillaires favorisant le passage du liquide interstitiel. Les précollecteurs font suite aux capillaires initiaux par une structure de muscles lisses (lymphangiomes), d’où la sensation de travail musculaire après la séance.     Re-stimulation des ganglions pour favoriser le drainage. C’est ici le traitement de choix, car il permet de drainer la lymphe dans le réseau existant et de construire des anastomoses (réseau de substitution) pour diminuer autant que possible le risque de lymphœdème. Toutefois, l’obstruction ou l’interruption du système lymphatique au niveau proximal des membres (ganglions) suite à une infection, la tumeur, ou une cicatrice, engage à classer ces lymphœdèmes secondaires en quatre types. • Le premier type apparaît quelques jours après la chirurgie et cède habituellement par reprise de la fonction musculaire. • Dans un délai de 6 à 8 semaines postopératoires ou durant le traitement de radiothérapie, une lymphangite ou une phlébite sans thrombose veineuse associée peut apparaître. Elle se traite principalement par surélévation du membre et anti-inflammatoires. Ces deux premiers types ne présagent pas nécessairement un gonflement chronique après leur résolution. • Le troisième type peut se produire après une piqûre d’insecte, blessure mineure ou brûlure, se surajoutant à un œdème chronique. Le DLM est absolument contre-indiqué en cas d’infection ! • Le quatrième type, plus fréquent et plus insidieux, apparaît dans les 18 à 24 mois après chirurgie, et peut apparaître de quelques mois à quelques années après le traitement. Si aucun soin (DLM, surélévation du membre, contraction musculaire) n’est effectué, les protéines s’accumulent entraînant une augmentation de la pression osmotique dans les tissus et une stagnation du liquide interstitiel. À terme, la fibrose du tissu interstitiel par le fibrinogène et les fibroblastes ne répond plus au traitement, donc il faut absolument éviter que cela arrive. Attention, quel que soit le stade du lymphœdème, la compression pneumatique est tout à fait contre-indiquée.   Cicatrices Il existe deux types de cicatrices et traitements associés : – les cicatrices cutanées axillaires de tumorectomie ou mastectomie. Le travail se fait par mobilisation digitale transverse en translation par rapport au plan sous-jacent, pour la solliciter dans son grand axe tout en maintenant l’union des berges ; – les cicatrices sous-cutanées à type de thromboses lymphatiques superficielles : la fibrose des vaisseaux thrombosés et l’apparition de fins cordons sous-cutanés saillants limiteront la mobilité de l’épaule. Il convient alors, après massage, de pratiquer des étirements doux infra-douloureux en diagonale, engageant le bras en abduction et rotation externe. Ce travail de la peau permet à la patiente de ressentir une liberté de mouvement et un bien-être oubliés par la sensation qu’elle a souvent d’une peau cartonnée. Il aide aussi à l’obtention du meilleur résultat cosmétique possible, avec tout l’impact psychologique que cela suppose. Du fait du symbole de deuil que les cicatrices représentent, on ne les travaillera que lorsqu’une vraie relation de confiance sera établie. Avant toute intervention de reconstruction, la préparation de la peau (vascularisation, souplesse) garantira de meilleures suites postopératoires. La patiente peut lutter contre la peur d’avoir mal, ses réticences vis-à-vis d’un corps étranger à partir du moment où elle accepte que l’on travaille cette zone et qu’elle est capable de se regarder dans une glace. Après reconstruction, nous reverrons la patiente pour travailler les cicatrices (entre autres à l’endroit de la greffe quand l’aréole sera replacée), éviter les coques et les restrictions au niveau de l’épaule.    En pratique Dans le cancer du sein plus que dans toute autre pathologie, les maux du corps, qui ne représente que l’enveloppe, sont responsables d’une grande partie des souffrances intérieures, risquant d’altérer les capacités de récupération. Chaque cas étant unique, le kinésithérapeute devra apporter une réponse adaptée, tant sur le plan physique que psychologique. Le travail de rééducation s’inscrit dans le cadre d’une prise en charge pluridisciplinaire, d’où l’intérêt d’une synergie avec médecins et psychothérapeutes, afin que le patient aborde les traitements avec sérénité et qu’il se considère acteur et non victime.

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