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Ovaires

Publié le 25 mar 2009Lecture 13 min

Kystes fonctionnels ovariens. Tenir compte des conditions de découverte

J. BELAISCH, Paris

C’est à l’adolescence ou en postménopause que les diagnostics sont les plus difficiles et que les décisions thérapeutiques ont le plus de conséquences.

À l’adolescence Les kystes sont fréquents et les interventions envisagées avec plus d’appréhension. De Silva(15) a analysé sur 11 ans 134 dossiers de lésions ovariennes : 60 % étaient des kystes fonctionnels (52/81 opérés) ; les 6 malignes étaient en général de > 10 cm de diamètre ou étaient palpables ou s’accompagnaient de manifestations endocrines. Pour Pomeranz (16), 43 % (sur 51) des masses ovariennes étaient des kystes fonctionnels et 57 % des tumeurs (sans plus de précision). Pendant la même période, 246 appendicites ont été opérées. L’échographie génitale serait donc indispensable avant toute intervention pour douleur pelvienne. Skiadas (17) rapporte que 25 % des masses ovariennes étaient des kystes fonctionnels. Enfin, 45 % des 120 adolescentes consultant pour douleurs pelviennes et opérées par Tsikouras (18) sur 5 ans (72 en urgence) étaient porteuses des kystes fonctionnels. Aucun cas de lésion maligne n’a été rencontré. On peut en conclure que, hormis le cas où la symptomatologie est franche, une attitude d’expectative armée est justifiée lorsque l’aspect échographique n’est pas préoccupant, car le risque de lésion maligne est très faible.   En période d’activité reproductrice C’est essentiellement sur la catégorie de femmes soumises à une stimulation ovarienne ou à une contraception hormonale que nous nous focaliserons. Les kystes provoqués par les gonadotrophines à activité FSH/LH sont trop connus, de même que lors d’une administration d’antiestrogènes ou d’agonistes de la GnRH, pour que nous nous y attardions. En ce qui concerne le tamoxifène, 28 sur 57 femmes non ménopausées (49 %) et 1 sur 93 femmes ménopausées en ont présenté (9). Pour le clomifène, cet effet secondaire ne semble pas avoir été chiffré, mais il n’est pas discuté. Enfin, les agonistes de la GnRH provoquent un développement folliculaire excessif, comme l’a montré la comparaison entre les patientes ayant reçu, préalablement à la stimulation pour FIV, des estroprogestatifs ou aucune préparation. En effet, sous agonistes, des kystes ont été décelés chez 51,6 % des 31 patientes non prétraitées vs 0 % des 31 ayant reçu des EP(10). Aucune donnée sur la fréquence des kystes après inhibiteurs de l’aromatase n’est disponible.   La contraception progestative pure Il nous semble utile d’entrer ici dans les détails des publications, car la grande fréquence des kystes sous cette forme de contraception est la donnée fondamentale qui éclaire la compréhension de leur physiopathologie. Alors que, dans le groupe témoin, Broome (19) trouve des KOF seulement lors de 3 % des échographies, il en observe 7,5 % chez les femmes sous pilule triphasique et 33,3 % lors des échographies dans le groupe des Progestin Only Pills (POP). Notion importante, aucun follicule de > 30 mm n’a duré plus de 2 mois. Y. Tayob (3) a été le premier à insister sur le rôle de ces pilules. Chez 21 utilisatrices, dont 7 se plaignaient de douleurs pelviennes à une période ou à une autre, il a décelé 12 fois un kyste fonctionnel contre 4 fois chez les 21 témoins ne se plaignant d’aucune douleur. Vessey(20) a fait la même constatation, mais sur de petites populations : kyste folliculaire symptomatique 0,52/1 000 années/ femmes sous POP vs 0,06/ 1 000 années/femmes avec les autres pilules. Enfin, Rice(4) constate la présence à 7 mois de 20 % et à 12 mois de 14 % de kystes fonctionnels sous désogestrel 75 μg (Cérazette®) et sous levonorgestrel 30 μg (Microval®), à 7 mois de 17 % et à 12 mois de 25 %. Dans sa revue de la littérature, Alvarez-Sanchez(5) retrouve entre 17 et 60 % de kystes fonctionnels sous Norplan®. En comparant Implanon®, Jadelle® et les stérilets au cuivre, des kystes ont été détectés chez 5,2 %, 13,0 % et 1,9 % des utilisatrices, respectivement, à 3 mois. À 6 mois, la prévalence était de 7,2 %, 8,0 % et 2,1 %, et à 12 mois de 26,7 %, 14,6 % contre 1,2 % pour les stérilets au cuivre(6) ; Brache en observe également un grand nombre sous implant à la Nestorone(21). Sous SIU au lévonorgestrel (Mirena®), la survenue de kystes fonctionnels est très diversement appréciée : dans l’étude française de Dubuisson, la fréquence était de 2,5 %, spontanément disparus. Pour Pakarinen (22), 8 % de kystes sont survenus, qui ont disparu en 6 à 8 semaines. Robinson(23) trouve un KOF chez 12 % des femmes (6/50) (2 laparoscopies), Bahamondes (24) : 19 % de kyste > 25 mm, Jarvela : 31 %, tous ayant disparu après 4 mois ; dans cette population, l’estradiol plasmatique était plus élevé chez les porteuses de kyste que chez l’ensemble des femmes(8). On peut donc en conclure que le risque de méconnaître une lésion ovarienne organique est faible dans cette population qui ne reçoit que des progestatifs, et que la question de l’exploration laparoscopique ne doit être posée qu’après une surveillance de 3 ou 4 mois. En outre, dans le cas du SIU, l’indication étant souvent liée à une pathologie antérieure, un grand nombre de ces femmes auront déjà subi une échographie. Il est remarquable que A. Netter et R. Gabriel(25) observent, après avoir passé en revue la littérature, qu’environ un sur six des kystes sous POP est douloureux ; ils suggèrent que la découverte d’une masse annexielle ne devrait pas être considérée chez ces femmes comme une indication chirurgicale d’urgence.   Les perturbations hypothalamohypophysaires Le point de vue adopté ici d’explication endocrinologique de la formation de ces kystes et que l’on trouve souvent dans la littérature anglo-saxonne est le même que celui de Netter et Gabriel : leur formation résulte d’une inhibition ou d’une diminution de la sécrétion de LH par le progestatif, alors que celle de FSH est conservée. La diversité des effets globaux des microprogestatifs sur l’activité ovarienne est bien connue (ils vont de l’absence totale d’activité folliculaire au cycle ovulatoire normal chez 40 % des femmes) et elle explique le large éventail des chiffres de fréquence des kystes dans la littérature. Ces réponses dépendent de la molécule et de la dose du progestatif, de sa biodisponibilité (poids de la femme), de la sensibilité hypothalamique au rétrofreinage (gènes, mutations des récepteurs de la progestérone, état psychologique ?) et de la sensibilité ovarienne à la stimulation gonadotrope (gènes, autres facteurs ?). Ainsi, selon la population observée, les risques de développement d’un kyste fonctionnel différeront considérablement, mais la prise en compte chaque fois que possible de ces divers éléments sera aussi d’une grande aide diagnostique.  La preuve la moins discutable Une observation paradigmatique vient démontrer l’utilité de cette analyse physiopathologique. V. Remorgida et coll.(26) ont rapporté l’observation de 12 femmes souffrant de douleurs liées à une endométriose de stade IV, résistantes aux traitements médical et chirurgical antérieurs. Leur protocole thérapeutique consistait en l’administration orale quotidienne de 2,5 mg de létrozole (Femara®), 75 μg de désogestrel (Cerazette®), 1 000 mg de calcium et 880 UI de vitamine D. La durée prévue du traitement était de 6 mois. Mais aucune des patientes n’a complété l’étude (la durée médiane des traitements a été de 84 jours) car toutes ont développé des kystes ovariens. Ces kystes étaient hautement prévisibles puisque, Cerazette® ne mettant pas à l’abri des kystes, la suppression du frein estrogénique à la sécrétion de FSH par Femara® ne pouvait que favoriser leur développement. Les auteurs attendaient sans doute d’autres bénéfices de cette association, mais ceux-ci n’ont pas eu le temps de se manifester.  Une situation complexe : les kystes lutéiniques de l’endométriose La maladie endométriosique offre une situation encore plus complexe que les simples follicules persistants, car la formation de kystes lutéiniques y est plus fréquente que chez les femmes en bonne santé. La formation brutale de ces kystes est habituellement très douloureuse. Elle conduit très souvent également à une décision opératoire qui peut être dommageable lorsque la patiente a été opérée une première fois d’un endométriome, en raison de la fréquence des adhérences postopératoires qui ne sont pas à négliger, surtout si la femme espère une grossesse spontanée. Une fine analyse échographique peut aider à un diagnostic précis et à proposer une surveillance sous traitement antalgique et progestatif continu, à la condition formelle que la patiente ait compris que cette surveillance est absolument indispensable et qu’elle doit se faire sur le long terme, car le risque de cancérisation ne peut être éliminé aisément, le CA 125 pouvant être très élevé lors de la formation du kyste.   Après la ménopause La femme ménopausée ne peut être intégrée qu’indirectement dans ce thème des kystes fonctionnels de l’ovaire, car ceux-ci sont moins fréquents à cette période de la vie, mais la problématique de la découverte d’une lésion kystique est la même et mérite donc d’être abordée. Le risque de malignité est évidemment plus grand que chez les femmes plus jeunes ; il est donc essentiel de le connaître. Deux publications, celle de Valentin(27) et de Ekerhovd(28) apportent des informations précises. Le premier rapporte une série consécutive de 52 autopsies de femmes, non liées à une maladie ovarienne. Cinquantedeux lésions kystiques ont été observées : 11 lésions > 10 mm (21 %), 6 > 20 mm (12 %), 4 > 30 mm (8 %), 2 > 40 mm (4 %). Les kystes étaient soit simples, soit des corpora albicantia kystisés, soit des kystes du para-ovaire et des tumeurs solides. Les auteurs concluent : « les petits kystes bénins des annexes (≤ 50 mm) et les petites tumeurs solides bénignes sont si communs chez les femmes postménopausiques que leur présence peut être regardée comme normale. Nos résultats plaident en faveur d’un traitement conservateur des lésions annexielles présentant une morphologie ultrasonore bénigne, détectées incidemment lors d’un examen échographique chez les femmes en postménopause ». Ekerhovd décrit une série de 200 autopsies de femmes postménopausiques, dont 20,8 % étaient porteuses d’un kyste de 5 à 50 mm et dont 8,2 % se situaient entre 20 et 50 mm. Il conclut de cette série qui n’a pas été publiée qu’aux États- Unis, 500 000 femmes asymptomatiques sont statistiquement porteuses de tels kystes et que, si elles étaient toutes opérées, les complications opératoires non négligeables feraient au moins 150 morts. Par ailleurs, cette équipe compare les images échographiques et l’histologie des kystes opérés ; sur 247 kystes uniloculaires sans parties solides ni formations papillaires ni écho interne, 4 se sont révélés malins (1,6 %), alors que la proportion s’élevait à 10 % lorsque l’aspect échographique complexe excluait l’hypothèse d’un kyste fonctionnel. Pour Obwegeser(29), sur 144 kystes apparemment simples en échographie, il y a eu 2 cancers de l’ovaire et une tumeur borderline, tous 3 chez les 34 femmes postménopausées. La fréquence, dans ces cas, de la malignité se situait, selon les publications qu’il a analysées, entre 2 et 8 %, et les kystes malins avaient tous un diamètre moyen > 7 cm. Granberg(30) n’a même observé qu’un seul cas de malignité pour 296 kystes uniloculaires (femmes de tous âges). Les incertitudes sont causées par le fait qu’un kyste peut paraître dépourvu de projections papillaires alors qu’il en existe, et cela est surtout vrai quand le kyste est de grande dimension. C’est pourquoi, compte tenu qu’aucun kyste apparemment simple ne s’est révélé malin ou borderline quand il était < 7,5 cm de diamètre, la limite de 5 cm comme critère de probable bénignité peut être considérée comme raisonnable. Au contraire, la conduite devrait être extrêmement prudente au-delà.   Une inquiétude légitime Le chirurgien n’est d’ailleurs jamais dans une situation facile et celle-ci est encore plus malaisée lorsque la patiente lui a été adressée par un autre médecin, gynécologue médical ou généraliste car, s’il réfutait l’indication opératoire, sa responsabilité serait encore plus grande. Il peut néanmoins se fonder sur quelques arguments statistiques, mais qui sont loin d’être formels.  Environ 2 % des masses annexielles sont des carcinomes ovariens ou des tumeurs borderline(31). Pour Demont et coll., 1 à 4 % des kystes supposés bénins se révéleront malins(13). Enfin, selon Ekerhovd(28), la proportion de kystes sans aucun écho qui se révéleront malins ou borderline est faible : 0,73 % en préménopause et 1,6 % en postménopause.  75 % des kystes fonctionnels ont disparu après 3 mois. Il est donc raisonnable devant des images de kystes simples de laisser passer ce délai.   En conclusion En dernière analyse, dans cette recherche d’efficacité et de meilleure indication thérapeutique, il ne peut y avoir de solution simple. Comme l’écrivaient Doret et Raudrant, seule une recherche en permanence renouvelée pourra obtenir les meilleurs résultats. Le gynécologue devra donc s’appuyer sur plusieurs facteurs, chacun ayant son importance : – l’existence ou non de symptômes (en leur absence une attitude d’expectative est plus facile à défendre) ; – les dimensions du kyste : la quasi-totalité des tumeurs malignes dépassaient 7 cm de diamètre moyen ; – les critères échographiques, les apports du Doppler, utiles mais non formels ; – les antécédents personnels (diagnostic antérieur d’OMPK) et familiaux (cancer des annexes et du sein) ; – les dosages de CA 125 (un dosage normal du CA 125 rend peu probable une lésion maligne) ; – la certitude que la patiente se soumettra à une surveillance stricte tant que le kyste n’aura pas disparu ; – c’est donc avant tout, et on ne peut jamais assez insister, la répétition des échographies sur 3 mois au moins qui sera la base de la conduite thérapeutique, si du moins la patiente peut supporter cette attente, comme J. Raiga et coll. de l’équipe de Monaco l’ont écrit dans une revue très riche en données histologiques (35) ; – restent les propres sentiments de la patiente. Ils sont essentiels et doivent être pris en considération pour décider avec elle si le kyste persistant doit être retiré chirurgicalement sans attendre, ou suivi par des échographies successives(11). Aujourd’hui, aucun critère ne permet de dire où placer le curseur. L’expérience et la connaissance des avantages et inconvénients de chacune des deux attitudes conditionneront la décision thérapeutique de chaque gynécologue.    POINTS À RETENIR • Le freinage plus ou moins incomplet de LH associé à la persistance – ou même la stimulation – de la sécrétion de FSH sont les causes majeures de la formation de kystes fonctionnels de l’ovaire. • En outre, ceux-ci se forment plus facilement en cas d’ovaires micropolykystiques. • Lorsqu’une sécrétion excessive de FSH est combinée avec un freinage insuffisant de LH, 100 % des femmes feront un kyste fonctionnel(26). • Ces conditions endocriniennes de dysfonction hypothalamohypophysaire doivent donc être recherchées devant tout kyste possiblement fonctionnel. Et rappelons que l’existence de douleurs pelviennes ne permet pas de réfuter le diagnostic de kystes fonctionnels ovariens.

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