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Sexologie

Publié le 22 aoû 2010Lecture 4 min

« Il regarde du porno ! »

Philippe BRENOT, Directeur DIU de sexologie, Université Paris Descartes

« Il n’y a pas d’urgence de couple ! », c’est une affirmation réfléchie que je délivre souvent devant l’insistance des couples à consulter « immédiatement ». Il n’y a pas d’urgence dans un couple, car lorsqu’il y a une crise, le point de départ est évidemment bien antérieur. Depuis quelques années, on doit cependant infléchir cette position de principe devant des situations vécues comme urgences conjugales, pratiquement toujours par la femme, et à la suite de la découverte d’une pratique secrète. C’est le cas de la si fréquente révélation d’une infidélité par un mail, un texto ou tout autre artifice informatique négligemment oublié : c’est le cas lorsqu’une femme – souvent très idéaliste et peu autonome dans sa sexualité – découvre que son conjoint regarde du porno ! 

Maisons closes L’origine des représentations pornographiques (photos et films) est intéressante à connaître. Les premiers films furent tournés dans des maisons closes au début du XXe siècle, d’abord photographies intimes des deux partenaires, puis très vite des « gros plans » des parties génitales en action. Pour quelles raisons me direz-vous ? Une seule réponse : pour procurer de l’excitation. Les maisons closes, qui se sont surtout développées depuis le XIXe siècle dans les grandes métropoles occidentales qu’étaient Londres ou Paris, par exemple, avaient deux fonctions bien spécifiques. Première fonction : initier les jeunes à la sexualité (60 à 70 % d’une classe d’âge de nos grands-pères et arrière-grandspères avaient leur premier rapport sexuel avec une prostituée) ; deuxième fonction : redonner de la vigueur aux membres qui n’en avaient plus, c’est-à-dire en permettant des conditions d’excitation qui réveillaient la libido et, chez l’homme, le mécanisme érectile. Pour cela, quelques trucs pratiques : la stimulation visuelle des attraits physiques de femmes désirables, la vue des organes génitaux et notamment du sexe féminin « ouvert » comme un appel au coït ; les pratiques érotiques excitatoires que sont fellation, cunnilingus et même sodomie (aujourd’hui normales dans les couples puisque les maisons closes n’existent plus !) ; la flagellation et autres excitants externes ; les pseudos- aphrodisiaques et l’alcool comme excitants internes ; la multiplicité des partenaires ou les coïts multiples en raison de l’excitation provoquée par la simultanéité des actes sexuels… Mais cela, me direz-vous, est terminé depuis longtemps, depuis Marthe Richard et la fermeture des maisons closes en 1946 ! Nenni, nenni ! Comment voulez-vous arrêter le besoin impératif d’excitation sexuelle que nécessite la sexualité masculine ? Surtout au milieu de la vie, lorsque le réflexe érectile est moins puissant et que des aléas pathologiques peuvent en réduire l’incidence. Les films et les photos X n’ont jamais eu d’autre fonction que de remplacer des sources d’excitation défaillantes. L’accès trop facile aux sites pornos via Internet en est aujourd’hui l’aboutissement naturel. Il est évident qu’une part des hommes a recours à cela comme support d’excitation pour permettre l’éjaculation par masturbation. Trahison ! Lorsqu’une femme peu construite dans sa sexualité découvre une page pornographique sur l’historique de l’ordinateur familial, le couple, au bord de la rupture, demande une consultation immédiate, l’urgence étant plus dans la blessure majeure vécue par cette femme que dans la culpabilité de son compagnon. L’affaire n’est jamais simple, et il faut alors être très pédagogue, car cette femme n’a, la plupart du temps, aucune idée de l’utilité de cette image pornographique. Elle le vit comme une infidélité et voit cette représentation comme une rivale (dont elle se sent bien inférieure). La question n’est pas là, il va falloir amener cette femme à comprendre que les hommes ont besoin d’une excitation qui fait défaut dans leur couple, mais que leur sexualité sera plus épanouie si elle accepte de procurer cette excitation à son partenaire et, à défaut, de la tendresse. Car la tendresse est toujours un exutoire à l’absence suffisante d’érotisme.

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