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Publié le 24 aoû 2006Lecture 22 min

Hématomes rétro-placentaires : formes cliniques actuelles et prise en charge

D. Ekoukou, V. Alexandre, hôpital Delafontaine, Saint-Denis
L’extraction du fœtus par césarienne est le plus souvent indiquée en urgence si le fœtus est vivant à l’arrivée à la maternité. En pratique cependant, les circonstances de survenue, la gravité et l’expression clinique de l’HRP sont variables. La prise en charge doit donc être adaptée au contexte particulier de chaque patiente.
L'hématome rétro-placentaire (HRP) est, dans la majorité des cas, une urgence obstétricale. En effet, la désinsertion du placenta (décollement prématuré d’un placenta normalement inséré ou DPPNI) a pour conséquence une réduction brutale, voire une interruption des échanges materno-fœtaux, pouvant entraîner, à brève échéance, une souffrance aiguë ou la mort du fœtus par anoxie (mortalité périnatale de 10 à 30 % selon les séries)(1-3). La mère est exposée aux conséquences de l’hypovolémie (état de choc, anurie fonctionnelle, nécrose papillaire), et à celles de l’éventuelle coagulopathie de consommation (hémorragie de la délivrance, apoplexie utérine). Ces deux phénomènes physiopathologiques s’entretiennent mutuellement.   Données épidémiologiques Une fréquence difficile à déterminer La fréquence estimée de l’HRP dans la littérature est de l’ordre de 5 à 10 pour 1 000 accouchements. Elle est difficile à évaluer avec précision, toutes les équipes n’utilisant pas les mêmes critères de diagnostic. Selon la place que l’on accorde à l’anatomopathologie, l’incidence peut varier du simple au double. Dans notre série de 113 HRP diagnostiqués de 1997 à 2002 à la maternité de l’hôpital Delafontaine, la confirmation anatomopathologique n’était pas exigée quand le diagnostic clinique était évident ; la fréquence de l’HRP a été de 6 pour 1 000 ; elle a été constante sur les 6 années de l’étude.   La fréquence de l’HRP est de l’ordre de 5 à 10 pour 1 000 accouchements.   Cinquante-deux facteurs de risque identifiés Cinquante-deux facteurs de risque associés aux HRP ont été identifiés(4-11) ; selon Baumann et coll., la corrélation est certaine pour 31 d’entre eux(8). Cette multitude de facteurs de risque peut laisser le lecteur dubitatif. Certains ne sont cités que dans un petit nombre d’études. La plupart d’entre eux manquent de spécificité, et leur relation de cause à effet avec la survenue d’un HRP n’est pas toujours clairement identifiable. Une grande valeur pourrait être accordée à l’association de plusieurs facteurs, tel que le permet le modèle mathématique de Baumann. Toutefois, l’intérêt pratique de ce modèle reste à démontrer (tableau 1).   Tableau 1. Quelques circonstances étiologiques et facteurs de risque d’HRP cités dans la littérature • Âge > 35 ans • Primiparité • Grande multiparité • Race noire • Non cohabitation avec le géniteur • Fœtus de sexe masculin • Tabagisme • Alcoolisme • Précarité, faible niveau éducatif • Métrorragies du 1er trimestre de la grossesse • Rupture prolongée des membranes • Hypertension artérielle (chronique et surtout gravidique) • Diabète • Gémellité • Thrombophilie • Antécédents d’infertilité • Antécédent(s) d’hypotrophie fœtale • Antécédent(s) d’accouchement prématuré • Hydramnios • Amniocentèse du 3e trimestre de la grossesse • Cordocentèse, féticide du 3e trimestre de la grossesse • Antécédent(s) d’HRP • Traumatismes, accidents de la voie publique • Toxicomanie (cocaïne) • Présentation foetale anormale • Utérus cicatriciel Formule de Baumann : R (risque d’HRP) = e (z)/[1 + e (z)] où z = B(0) + B(1) + B (p) B (o) = constante B (1p) = coefficient attribué à chaque facteur de risque.  Sept facteurs de risque sont cependant plus régulièrement retenus : l’âge > 35 ans, la multiparité, le tabagisme, l’hypertension artérielle (HTA), la gémellité, la rupture prolongée des membranes, et les antécédents d’HRP. Dans notre série, la multigestité et la gémellité étaient significativement corrélées au risque d’HRP. En effet, 60 % des patientes étaient multigestes, contre 40 % de primigestes (p < 0,005) ; et le risque d’HRP était plus important en cas de grossesse gémellaire (OR = 4). Quoique notre établissement soit un « hôpital de proximité », à clientèle majoritairement défavorisée*, la précarité n’apparaît pas comme un facteur favorisant, puisque la fréquence des HRP y est identique aux données de la littérature internationale. La répartition de nos patientes selon l’âge, la parité, l’origine ethnique et les conditions socio-économiques n’a pas montré de différence statistiquement significative.    En ce qui concerne l’influence des saisons, nous avons constaté qu’il y avait plus d’HRP en automne qu’en hiver (32 % vs 16 %, p < 0,005) ; les fréquences des HRP en été et au printemps ne montraient pas de différence significative entre elles. Elles étaient inférieures à celle de l’automne et supérieures à celle de l’hiver.    Les antécédents d’HRP sont particulièrement importants à connaître car ils sont un facteur de risque majeur. Ils doivent conduire à la mise en place d’une surveillance obstétricale intensive. Celle-ci doit être débutée plusieurs semaines avant la date anniversaire de l’HRP (cf. infra). En effet, le risque de récidive est évalué à environ : - 10-15 % après un HRP, - 15-30 % après 2 HRP, - 30-40 % après 3 HRP, - et à plus de 50 % après 4 HRP(12,13). Dans notre série, 3 % des patientes avaient un ou plusieurs antécédent(s) connu(s) d’HRP.   Des circonstances étiologiques souvent absentes Contrairement à une idée très répandue, l’HRP ne survient pas toujours dans un contexte d’HTA ou de syndrome vasculo-rénal. Dans notre série, seulement 28 % des patientes avaient une HTA chronique, ou gravidique isolée, ou une pré-éclampsie (figure 1).   Figure 1. Circonstances étiologiques des HRP dans notre série.   Les traumatismes abdominaux (accidents de la voie publique, coups et blessures, chutes) sont la deuxième circonstance étiologique la plus citée dans la littérature. Ils représentaient 4,5 % des cas dans notre série. Selon certains auteurs, la fréquence des HRP post-traumatiques est en augmentation depuis une quinzaine d’années. Les amniocentèses, les cordocentèses et les féticides tardifs (3e trimestre de la grossesse) peuvent également se compliquer d’un HRP. Au cours de ces manœuvres, le risque d’HRP est accru en cas de ponction trans-placentaire. La version par manœuvres externes et le déclenchement artificiel du travail par les prostaglandines ou leurs analogues sont également incriminés. Ce dernier agit par le biais de l’hypertonie ou de l’hypercontractilité utérine qu’il peut induire(14).   La cause d’un décollement placentaire peut toutefois demeurer inconnue ; en effet, cet accident peut survenir au cours de grossesses en apparence normales, chez des patientes sans facteur de risque identifié (« coup de tonnerre dans un ciel serein »). L’HRP, malgré son bel âge, ne nous a pas encore livré tous ses secrets.   Données cliniques   Circonstances de découverte (tableau 2)   Tableau 2. Principaux signes et circonstances de découverte des HRP Signes En tant que signe révélateur Dans l’ensemble de notre série Dans la littérature Métrorragies 67 % 73 % 78 % Douleur utérine 9 % 11 % 66 % Utérus de bois 5 % 27 % ?? Mort fœtale 4 % 23 % 15 % Anomalies du RCF 6 % 38 % 60 % Liquide amniotique sanglant 5 % 5 % ?? Hypercinésie utérine 1 % 14 % 34 % Mauvais relâchement utérin 1 % 6 % ?? Travail prématuré 6 % 12 % 22 %  Avant le travail L’HRP peut être révélé par des métrorragies (67 % des cas dans notre série), ou une douleur utérine (9 % des cas dans notre série). Ces deux symptômes n’ont pas toujours les caractéristiques qui leur sont classiquement reconnues (cf. forme typique). En effet, la couleur et l’abondance des métrorragies sont très variables. Quant à la douleur utérine, elle est souvent confondue avec les contractions. Elle peut être de siège fundique, segmentaire, ou latéral, avec des irradiations lombaires. Déclenchée par la désinsertion du placenta, elle est, par la suite, entretenue par l’hypertonie utérine. L’HRP est rarement révélé par une anomalie isolée de la contractilité utérine (7 % des cas dans notre série) : hypercinésie, mauvais relâchement interphasaire, hypertonie permanente. Les autres circonstances de découverte sont encore plus rares : anomalies isolées du rythme cardiaque fœtal (RCF), tableau de menace d’accouchement prématuré, mort in utero en apparence inexpliquée. Exceptionnellement, l’HRP peut être asymptomatique ; il est alors diagnostiqué de façon fortuite lors d’un examen échographique.    Pendant le travail Le décollement du placenta peut survenir pendant le travail d’accouchement. Le rôle favorisant de la décompression utérine induite par l’ouverture brutale de la poche des eaux (notamment dans les cas d’excès de liquide amniotique) est évoqué. Les principaux signes peuvent alors être l’hypertonie ou l’hypercinésie utérine, les anomalies du RCF et le liquide amniotique sanglant. Leur interprétation peut être difficile. En effet, l’hypertonie et l’hypercinésie utérines peuvent être aussi bien la cause que la conséquence du décollement placentaire. En outre, la constatation d’un liquide amniotique sanglant, associé à des anomalies du RCF, peut révéler une autre anomalie, notamment un syndrome de Benkiser ou une rupture utérine. L’HRP constitué pendant le travail peut donner un tableau clinique habituel (forme typique), son diagnostic est alors facilement évoqué. Exceptionnellement, il peut être asymptomatique ; il n’est alors découvert qu’au moment de la délivrance.   La forme typique est de diagnostic facile… Le diagnostic d’HRP est facilement suspecté chez une patiente ayant une douleur abdominale aiguë en coup de poignard, d’apparition brutale, de siège diffus (douleur utérine), accompagnée de métrorragies et d’une diminution, voire d’une disparition, des mouvements actifs fœtaux.  Signes cliniques Dans cette forme typique, l’examen clinique découvre alors plusieurs signes : une hypertonie utérine permanente (« utérus de bois », « utérus tétanisé », « contracture utérine »), une augmentation exagérée de la hauteur utérine, une souffrance ou la mort fœtale. Il existe des métrorragies, classiquement noirâtres, ou couleur gelée de groseille, d’abondance modérée, en général. Au toucher vaginal, le segment inférieur est tendu. Ce tableau clinique correspond aux formes les plus graves, ou le plus souvent à celles vues tardivement. Dans notre série, cette forme typique n’a été observée que dans 15 % des cas.    L’échographie peut confirmer la mort fœtale ou suspecter une souffrance fœtale (phases de ralentissement du RCF, bradycardie, diminution des mouvements actifs fœtaux). Au niveau du placenta, elle montre classiquement une zone hypoéchogène, ou une masse hétérogène rétro-placentaire. L’aspect de lacune intraplacentaire est moins fréquent. En pratique courante, le degré d’urgence empêche généralement la réalisation de cet examen dont la sensibilité dans le diagnostic de l’HRP est d’ailleurs faible (52 % dans notre série). Dans l’étude de Glantz et Purnell, l’échographie avait une sensibilité de 24 %, une spécificité de 96 %, une valeur prédictive positive de 88 % et une valeur prédictive négative de 53 %(15). Il faut donc accorder à la clinique une primauté absolue.   En pratique courante, le degré d’urgence empêche généralement la réalisation d’une échographie dont la sensibilité dans le diagnostic de l’HRP est d’ailleurs faible.   …Mais les formes atypiques sont nombreuses Le diagnostic des formes atypiques peut être difficile (tableau 3). C’est le cas notamment lorsque les signes les plus évocateurs (métrorragies, douleur utérine, hypertonie utérine) font défaut. Aucun signe, excepté l’utérus de bois, n’est spécifique. Il faut donc attacher de l’importance à l’association de plusieurs « petits signes suspects », notamment celle des anomalies du RCF et de la contractilité utérine. Dans notre série, plusieurs types d’anomalies de la contractilité utérine ont été observés : hypercinésie, « tachycinésie », mauvais relâchement utérin, hypertonie utérine passagère. De même, plusieurs types d’anomalies du RCF ont été observés : ralentissements précoces, tardifs, résiduels ou variables, bradycardie, disparition des accélérations, disparition des oscillations. De façon générale, ces anomalies doivent faire suspecter un HRP, en particulier lorsqu’elles sont associées, ou observées dans un contexte suspect : « menace d’accouchement prématuré » résistant aux tocolytiques, suites de traumatismes ou de ponctions fœtales, métrorragies minimes inexpliquées, HTA. Certains HRP peu étendus ne donnent que des signes maternels mineurs et n’entraînent pas de souffrance fœtale. Ils peuvent passer inaperçus pendant la grossesse et le travail d’accouchement, et n’être découverts qu’au moment de la délivrance (10 % des cas dans notre série).   Tableau 3. Formes cliniques d’HRP observées dans notre série • Formes asymptomatiques • Formes révélées par un travail prématuré • Formes révélées pendant le travail (métrorragies ou liquide amniotique sanglant, anomalies du RCF, anomalies de la dynamique utérine) • Formes révélées par des anomalies isolées du RCF hors travail d’accouchement • Formes à symptomatologie douloureuse exclusive • Formes post-traumatiques (survenant parfois à distance de l’accident) • Formes iatrogènes (après déclenchement artificiel du travail par des prostaglandines ou leurs analogues, ou après ponction utérine) • Formes survenant après rupture des membranes sur hydramnios • Formes révélées par une mort fœtale en apparence inexpliquée • Formes « classiques », à manifestation clinique complète     Prise en charge   Les gestes de base L’HRP ayant en général tendance à s’aggraver au fil des heures, le « geste thérapeutique » essentiel est son évacuation. Seul ce geste peut permettre d’éviter la mort du fœtus et de prévenir les complications maternelles (hypovolémie, choc, anurie, CIVD, fibrinolyse, atonie utérine, apoplexie utérine, hémorragie de la délivrance), ou de rompre le cercle vicieux qui leur permet de s’entretenir mutuellement. La prise en charge doit, dans la mesure du possible, suivre un protocole bien défini et être mise en œuvre par une équipe comportant obligatoirement un anesthésiste- réanimateur. Dans les formes symptomatiques, les premiers gestes à faire sont la pose de deux voies veineuses et la mise en place d’une sonde urinaire, pour le contrôle de la volémie et de la diurèse. Un bilan biologique initial, qui servira de référence lors de la surveillance ultérieure, doit être réalisé aussitôt le diagnostic posé ou suspecté : hémogramme, numération plaquettaire, uricémie, créatininémie, TP, TCA, fibrinogène, D-dimères, PDF. Il est judicieux d’établir une feuille de surveillance horaire, voire bihoraire, de la pression artérielle, de la température, du pouls, de la diurèse et des paramètres biologiques (crase sanguine), surtout si une césarienne ne paraît pas d’emblée indiquée. Leur évolution conditionnera en partie le choix des modalités de terminaison de l’accouchement.   Une prise en charge adaptée à la gravité clinique et biologique  HRP symptomatique En présence d’un HRP symptomatique, la césarienne est généralement indiquée en urgence. Les seules exceptions à cette règle concernent les femmes en travail avancé et dont l’accouchement paraît imminent, ou ayant un fœtus mort ou non viable. Dans ces cas, la voie basse doit être privilégiée tant qu’il n’y a pas de complications maternelles (figure 2). Dans notre série, le taux de mortalité périnatale a été de 31 %. Parmi les enfants vivants, 7 (soit 9 %) sont nés par voie basse, et 71 (soit 91 %) par césarienne. Parmi les enfants morts, 19 (soit 54 %) sont nés par voie basse et 16 (soit 46 %) par césarienne. Dans ces derniers cas, il s’agissait de césariennes pour sauvetage maternel dans 11 cas, et d’échecs de déclenchement dans 5 cas.   Figure 2. Conduite à tenir en cas d’HRP symptomatique. En présence d’un HRP symptomatique, la césarienne est généralement indiquée en urgence.    HRP asymptomatique La conduite à tenir devant un HRP découvert fortuitement à l’échographie, chez une patiente asymptomatique dont le fœtus est vivant, ne fait pas l’unanimité. Certains auteurs(16) préconisent une « expectative armée » (abstention), avec surveillance clinique, biologique et échographique en hospitalisation (crase sanguine, enregistrement pluriquotidien du RCF, surveillance échographique de la taille de l’hématome et du Doppler ombilical). L’apparition d’anomalies met alors fin à la surveillance et fait poser l’indication d’un déclenchement ou d’une césarienne selon l’état du col. Cette attitude n’est pas majoritaire et la plupart des auteurs préconisent de réaliser d’emblée l’accouchement, quel que soit le terme, que le fœtus soit vivant ou mort. Avant 34 semaines d’aménorrhée, certains auteurs proposent de tocolyser, mais cette attitude est très controversée. Nous privilégions la conduite proposée dans la figure 3.  HRP compliqué Les complications maternelles sont le plus souvent la conséquence d’un retard de diagnostic ou d’une lenteur de la prise en charge obstétrico-anesthésique.    Figure 3. Conduite à tenir en cas d’HRP asymptomatique.    Le rôle de l’anesthésiste-réanimateur (tout comme celui de l’hémobiologiste) est essentiel. Le traitement du choc hypovolémique et la correction de l’anémie, en restaurant rapidement la masse sanguine circulante, permettent de prévenir ou de corriger l’insuffisance rénale fonctionnelle. Dans une certaine mesure, ces deux thérapeutiques peuvent également prévenir ou atténuer les troubles de l’hémostase (CIVD, fibrinolyse). Cependant, ces derniers nécessitent le plus souvent des traitements spécifiques : transfusion de plasma frais, transfusion de concentrés plaquettaires, apport de facteurs de la coagulation, injection d’antifibrinolytiques (Trasilol®). Dans notre série, 21 patientes (soit 18 %) ont eu une coagulopathie de consommation (parmi elles, quatre avaient un fœtus vivant), 4 % une insuffisance rénale fonctionnelle et 21 % une transfusion de produits sanguins. Généralement, l’hémorragie de la délivrance par atonie utérine peut être évitée si l’accouchement est réalisé dans des délais courts. Lorsqu’elle survient néanmoins (3 % de nos patientes), elle est habituellement traitée avec succès par l’administration de sulprostone (Nalador®). L’échec de ce traitement (atonie utérine irréductible) doit faire poser l’indication d’une embolisation des artères hypogastriques ou d’une hystérectomie d’hémostase ; nous avons eu recours à ces deux thérapeutiques chez 2 % de nos patientes. Dans les décollements placentaires étendus, souvent accompagnés d’un HRP volumineux ou extensif, les complications maternelles peuvent apparaître rapidement. Dans ce cas, l’indication opératoire posée d’emblée est recevable même si le fœtus est mort (césarienne de sauvetage maternel, 12 % de l’ensemble de nos césariennes). Il n’est pas rare alors de découvrir en peropératoire un syndrome de Couvelaire (9 % des cas dans notre série). Celui-ci est de diagnostic facile : l’utérus, ses annexes et le péritoine pelvien sont marbrés, marqués par de larges ecchymoses violacées séparées par des plages livides**. Dans les formes les plus sévères, les lésions peuvent déborder l’appareil génital : le péritoine abdominal et les mesos peuvent avoir l’aspect décrit au niveau des organes génitaux. Il peut exister une atteinte rénale (nécrose corticale) et hépatique.   Prévention   Reconnaître les femmes à risque élevé d’HRP La définition d’une population à risque élevé d’HRP a pour but de permettre la mise en place d’un plan de surveillance. À défaut de prédire de façon certaine la survenue d’un HRP, cette surveillance peut conduire à un diagnostic précoce, voire à une décision d’extraction programmée.  Les facteurs de risque cliniques, nous l’avons vu, manquent, pour la plupart, de spécificité. En pratique courante, les patientes ayant un ou plusieurs antécédent(s) d’HRP non traumatique(s) peuvent être considérées comme à risque plus élevé ; elles pourraient donc bénéficier d’une surveillance intensive.    Les marqueurs génétiques du risque sont encore peu connus. Des études récentes ont montré que les femmes ayant une thrombophilie (mutation du gène de l’homocystéine, résistance à la protéine C activée) ont un risque accru d’HRP (RR = 2,5 à 7 selon les cas)(17). Des anomalies du gène de l’ENOS (endothelial nitric oxyde synthetase) seraient également associées à un risque accru d’HRP(18). Ces marqueurs génétiques ne sont pas actuellement recherchés de façon systématique. Ils sont généralement mis en évidence au cours du bilan étiologique d’accidents obstétricaux (fausses couches spontanées tardives, ou à répétition, hypotrophie fœtale, mort in utero, HRP), ou dans un contexte familial.  Des marqueurs de risque échographique sont également été identifiés. Selon Schuchter et coll., l’échographie précoce (entre 11 et 14 SA) permet d’identifier deux paramètres prédictifs (à long terme) d’HRP : la diminution du volume placentaire (mesuré en 3D) et l’altération du Doppler utérin(19). D’autres travaux ont montré que la persistance d’une incisure proto-diastolique aux artères utérines (notch), au-delà de 26 SA, est également associée à un risque accru d’HRP(20). Mais aucun protocole de surveillance basé sur ces éléments n’est actuellement validé.   Comment surveiller une patiente ayant des antécédents d’HRP ?  Modalités Les modalités de cette surveillance ne font l’objet d’aucun consensus. La date de début varie selon les auteurs : Rasmussen et coll. proposent de débuter la surveillance 6 semaines avant la date anniversaire en cas d’antécédent isolé d’HRP, 12 semaines s’il y a d’autres antécédents obstétricaux associés(12) ; pour Furuhashi et coll., elle doit débuter plus tardivement, vers 30 SA(13). Cette surveillance doit être clinique, biologique et échographique. Certaines équipes proposent que ces patientes soient surveillées tous les 15 jours au moins. Cette surveillance peut s’exercer selon plusieurs modalités : hospitalisation à domicile, visites « simples » de sage-femme à domicile, consultations hospitalières avec éventuellement une hospitalisation systématique à 37 SA.    Surveillance clinique En cas d’HTA ou d’antécédent d’HTA sévère, la surveillance doit porter sur la pression artérielle (TA), la recherche des signes fonctionnels d’HTA, le contrôle de la bandelette urinaire et du poids, et les enregistrements du RCF. La constatation d’anomalies cliniques (élévation de la TA, apparition de céphalées, d’acouphènes, de phosphènes ou d’œdèmes, gain pondéral rapide en quelques jours) impose l’hospitalisation. Dans la série de Uzan M. et Uzan S., la réactivité du RCF était diminuée dans les 48 heures précédant l’HRP dans plus de 50 % des cas. En revanche, ces auteurs n’ont pas observé de variation significative de la fréquence de base et des oscillations dans les jours précédant un HRP. Cette surveillance clinique, à défaut de pouvoir identifier les signes annonciateurs de l’HRP, peut au moins permettre un diagnostic précoce. Toutefois, son efficacité réelle n’a pas encore été démontrée.    Surveillance biologique Dans la série de Uzan M. et Uzan S., la surveillance bimensuelle de l’hématocrite et des plaquettes n’a pas montré de variation significative dans les jours précédant l’HRP ; la protéinurie apparaissait une semaine avant l’HRP ; l’uricémie variait de façon significative dans la deuxième moitié de la semaine précédant l’HRP. L’élévation des PDF et des D-dimères était inconstante, mais significative dans les 48 heures précédant l’HRP. À ce jour, la surveillance d’autres paramètres biologiques (ANF, hCG, CGRP, fibronectine) n’a pas montré d’intérêt clinique. Le test d’agglutination au latex sur lame décrit par Nolan se positive (D-dimères) au tout début de l’HRP, permettant un diagnostic précoce(21).    Surveillance échographique La surveillance du Doppler ombilical, dans la série de Uzan M. et Uzan S., avait montré une détérioration progressive avec apparition de phases de diastole nulle dans les 2 à 3 jours précédant l’HRP. Celle des Dopplers utérins, en revanche, n’avait montré aucun intérêt dans la prédiction à court terme de cet accident.   Traitement préventif Il n’existe actuellement aucun traitement préventif efficace. Les travaux de Baha et Sibai ont montré, sur des populations à bas risque, que l’aspirine ne réduit ni la morbidité périnatale ni le risque d’HRP(22). La métaanalyse de Hanth a montré que, sur des populations à risque élevé, l’aspirine est tout aussi inefficace(23). Une héparinothérapie préventive est actuellement proposée chez les patientes ayant une thrombophilie. Mais aucune étude n’a encore démontré son efficacité dans la prévention de l’HRP. Plusieurs travaux ont montré que le traitement antihypertenseur ne met pas à l’abri de l’HRP.   Conclusion Les causes de l’hématome rétro-placentaire sont, dans la majorité des cas, inconnues. Sa symptomatologie est polymorphe. La fréquence des formes totalement asymptomatiques ou survenant en cours de travail est probablement sous-estimée. Malgré les progrès réalisés ces dernières années dans l’identification des facteurs de risque et la surveillance de la grossesse, l’HRP reste aujourd’hui encore un événement imprévisible. À ce jour, aucun traitement préventif n’a fait la preuve de son efficacité. La prise en charge doit être adaptée au degré d’urgence, afin de préserver à la fois « les intérêts » du fœtus et de la mère. L’application de protocoles écrits au sein des services peut améliorer l’organisation de la prise en charge, et doit être considérée comme une règle de bonne pratique.    

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