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Cancérologie

Publié le 20 mai 2008Lecture 8 min

Génomique et traitement à la carte des cancers du sein

S. DELALOGE, Institut Gustave Roussy, Villejuif

Après une escalade majeure des traitements dans les 20 dernières années, grâce à laquelle nous avons pu obtenir une amélioration importante du pronostic des cancers du sein, s’ouvre une période où la biologie de haut débit va faire son entrée dans la routine pour de vrais traitements à la carte : traiter mieux et moins.

Trois types d’essais thérapeutiques sont en cours en situation adjuvante dans les cancers du sein localisés, qui sont issus des données de la génomique (transciptome) : des essais ciblant les sous-types moléculaires identifiés (basal, Her2), des essais basés sur un profil génomique pronostique, enfin des essais basés sur un profil prédictif du bénéfice des drogues. L’étude de génomique haut débit des cancers du sein, avant tout dans sa partie « transcriptome » (étude des gènes exprimés en ARN ou transcrits) a permis de grandes avancées depuis le début des années 2000. De nombreuses questions sont ouvertes en matière de prise en charge des cancers du sein : pour la première fois, une nouvelle génération d’essais thérapeutiques vient de voir le jour, qui est basée sur ces données de génomique et qui devrait pouvoir permettre de répondre à certaines questions majeures.   Traiter mieux et traiter moins La pierre angulaire de ces essais  est : traiter mieux et traiter moins, grâce à un meilleur ciblage sur les anomalies moléculaires de la tumeur et sur les caractéristiques individuelles du patient (« traitement à la carte »). En effet, au cours des années 70 à 90, de larges progrès thérapeutiques ont été enregistrés en matière de prise en charge des cancers du sein localisés, conduisant à une escalade progressive des traitements adjuvants : chimiothérapie par CMF, puis à base d’anthracyclines, puis ajout des taxanes ; hormonothérapie par tamoxifène, puis antiaromatases, radiothérapie, trastuzumab adjuvant, etc. Cinquante à 95 % des traitements sont inutiles à l’échelon individuel, parce que la patiente n’aurait pas rechuté malgré l’absence de traitement, ou bien parce qu’une rechute survient malgré ce traitement. La génomique a permis la génération de « profils » multigènes comprenant de deux à plusieurs centaines de gènes et capables d’identifier des sous-groupes de cancers du sein, soit de biologie et comportement spécifique, soit de pronostic particulier, soit de sensibilité particulière au traitement. Ces profils multigènes nécessitent une validation prospective pour pouvoir être utilisés éventuellement en routine : en effet, toutes les validations rétrospectives même solides, même multicentriques, même reposant sur des essais thérapeutiques antérieurs, ne peuvent apporter qu’un niveau de preuve maximal à 2, le niveau 1 qui est le « gold-standard » pour l’utilisation en routine clinique, n’étant atteint que par une validation dans le cadre d’un essai clinique prospectif multicentrique. Trois types d’essais thérapeutiques sont en cours dans les cancers du sein en situation adjuvante, qui sont issus des données de la génomique.   Essais ciblant les  sous-types moléculaires de cancer du sein :  basal-like et Her2  en particulier L’étude du transcriptome a permis, au début des années 2000, d’isoler plusieurs sous-types de cancer du sein dont les cellules d’origine, les voies de carcinogenèse ; le pronostic et la sensibilité aux drogues diffèrent (Perou et coll., Sorlie et coll). Parmi ces sous-types, deux sont maintenant considérés comme des entités spécifiques et font l’objet d’essais thérapeutiques ciblés : il s’agit des cancers Her2-positifs d’une part, identifiés par la positivité de la protéine Her2 en immunohistochimie +++ ou l’amplification du gène Her2 en Fish, et les cancers de profil basal-like d’autre part, identifiés par la négativité de l’expression des récepteurs aux estrogènes, à la progestérone et Her2, ainsi que la positivité de certains marqueurs spécifiques : CK 5/7, CK14, p63, EGFR-1, éventuellement. Souvent cette dernière catégorie est assimilée à la catégorie des cancers « triple-négatifs » en simple approximation, c’est-à-dire les cancers RE- RP- Her2-.   Exemple de trois essais thérapeutiques en cours en France ciblant ces cancers.   BEATRICE Il s’agit d’un essai thérapeutique international de phase III, randomisé ouvert, qui compare, chez les femmes porteuses de cancers du sein RE- RP- Her2-, une chimiothérapie adjuvante standard à base d’anthracyclines ± taxanes, à la même chimiothérapie + bevacizumab pour un an. L’objectif de cet essai est d’améliorer le pronostic de ces cancers agressifs (risques de rechute).   PACS 08 (FNCLCC) Cet essai de phase III randomisé international, sous l’égide de la Fédération Française des Centres de Lutte Contre le Cancer, compare, chez les femmes porteuses de cancers du sein RE+/- RP- Her2-, une chimiothérapie adjuvante standard comportant 3 cycles de FEC 100 suivis de 3 cycles de docétaxel, à une chimiothérapie alternative comportant 3 cycles de FEC 100 suivis de 3 cycles d’ixabepilone. Là encore, l’objectif est une diminution du risque de rechute de ce type de cancers.   ALTTO (BIG) Cette étude randomisée internationale sous l’égide du Breast International Group pour l’Europe compare en situation adjuvante chez les femmes dont le cancer du sein surexprime ou amplifie Her2, 1 an d’Herceptine® (trastuzumab), à 1 an de lapatinib (Tyverb®, inhibiteur oral de la tyrosine kinase de Her2), à l’association ou à la séquence des deux pour un an.   Essais basés sur un profil génomique pronostique Deux grands essais prospectifs visent à valider deux profils biologiques pronostiques décrits ces dernières années et validés rétrospectivement seulement, jusqu’alors. Chacun de ces profils permet d’identifier des sous-groupes de patientes porteuses de cancer du sein de bon pronostic, et donc pour lesquels la chimiothérapie n’est pas utile. Ces profils ont une valeur pronostique très forte, indépendante de tous les autres paramètres classiques, et de loin supérieure, à eux.   Aux États-Unis, il s’agit de l’étude TAILORx (sous l’égide de l’ECOG, du NSABP et du Breast Cancer Intergroup) qui vise à valider le profil 21-gènes du NSABP (Paik et coll., Sparano et coll.), commercialisé sous le nom de Oncotype-DX®. Ce profil « pragmatique » est obtenu par mesure de l’expression génique de 21 gènes issus d’une série test de 250 gènes « candidats » de la littérature, sur le tissu simplement fixé en paraffine. Il n’est pas nécessaire qu’un échantillon congelé soit disponible, ce qui rend l’utilisation en essai thérapeutique et en routine beaucoup plus simple. L’essai TAILORx doit inclure plus de 10 000 femmes ayant un cancer du sein localisé N-, récepteurs hormonaux RE ou RP+, Her2-, avec une tumeur de 5 à 50 mm, de 18 à 75 ans. Il vise à intégrer le profil Oncotype-Dx® dans la prise de décision. Cet essai assume l’exactitude du profil pronostique d’Oncotype-Dx® puisque, pour les scores bas du profil (< 11), quel que soit le profil clinique, les patientes ne recevront pas de chimiothérapie. Pour les scores élevés (> 25), une chimiothérapie sera administrée. Pour les femmes dont le score est intermédiaire, une randomisation est prévue chimiothérapie vs pas de chimiothérapie, avec une hypothèse d’équivalence, c’est-à-dire que la chimiothérapie ne soit pas utile dans cette catégorie intermédiaire. L’objectif principal est la survie sans rechute à 5 ans.   En Europe, l’essai MINDACT a débuté récemment. Il vise à valider prospectivement le profil génomique pronostique « 70-gènes » dit « d’Amsterdam », développé et commercialisé sous le nom de  « Mammaprint® » (Van’t Veer et coll., Van de Vijver et coll., Buyse et coll., Mook et coll.). L’objectif est une désescalade encadrée des indications de chimiothérapie en fonction à la fois du profil clinico-pathologique et du profil 70-gènes. Les femmes de 18 à 70 ans présentant un cancer du sein localisé N- (et très bientôt 1-3 N+) peuvent être incluses si un fragment de leur tumeur a pu être congelé et envoyé à Amsterdam rapidement après l’intervention. Si les deux profils clinico-pathologiques et  70 gènes sont de bon pronostic, la patiente ne recevra pas de chimiothérapie. Si les deux sont à haut risque, elle en recevra une. En cas de discordance entre les deux, une randomisation sera faite pour décision de chimiothérapie sur le profil clinico-pathologique ou sur le profil biologique. L’objectif principal est la survie sans métastases à 5 ans. À noter que dans la région Marseillaise en France, une étude prospective de cohorte (SA02) est en cours qui vise à valider un profil pronostique (375 patientes prévues). Essais basés sur un profil prédictif du bénéfice des drogues Si les profils pronostiques sont avancés dans leur développement, la prédiction du bénéfice des drogues est encore à un stade très précoce. Un seul essai débute en France en région parisienne sous l’égide de l’association Institut Gustave-Roussy-l’Institut Curie-Centre René Huguenin avec un financement national. Cet essai compare de façon randomisée chez 400 femmes présentant des cancers du sein Her2- non conservables d’emblée, une chimiothérapie standard (4 cycles de FEC100 suivis de 4 cycles de docétaxel 100) à une chimiothérapie basée sur la pharmacogénomique (choix des drogues selon le profil de sensibilité prédite). L’objectif est de faire passer le taux de réponses complètes histologiques de 12 % à 28 % par l’individualisation du choix thérapeutique. En conclusion, une nouvelle ère s’ouvre qui devrait nous permettre d’accéder dans les 10 ans à des traitements à la carte au quotidien, à une désescalade et à la poursuite de l’amélioration du pronostic des femmes atteintes de cancer du sein. 

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