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Imagerie

Publié le 18 mai 2010Lecture 6 min

Densité mammographique : peut-on parler de facteur de risque ?

C. COLIN, Hospices Civils de Lyon, Université Lyon 1

Considérer la densité mammographique comme un facteur de risque indépendant significatif de cancer du sein aurait un impact médico-psycho-économique par l’augmentation de la fréquence et/ou la modification des modalités radiologiques de dépistage. Cette notion reste toutefois controversée, tant sur le plan du niveau de risque, que sur le plan radiologique, d’autant qu’une confusion persiste entre le facteur de risque indépendant très publié et l’effet potentiellement masquant du parenchyme dense sur la détection des cancers. 

La composante tissulaire exacte de la densité mammographique est mal connue. L’analyse des méthodes d’investigation radiologique de la densité dans les études épidémiologiques montre une grande hétérogénéité des techniques mammographiques, de la définition de la haute densité mammaire et des catégories de densité. Cette absence de standardisation cumulée à la performance potentielle de la technologie numérique dans les seins denses est susceptible de remettre en cause la notion de densité mammaire en tant que facteur de risque de cancer du sein.   Analyse des investigations mammographiques dans les études Figure 1. Apport de la réalisation de deux incidences mammographiques versus une seule en dépistage. Sein de densité type 3. 1a. Cliché de face : rupture d’architecture dans le compartiment externe, difficile à identifier. 1b. Cliché oblique : nette opacité aux contours spiculés dans la région postérieure prépectorale du sein. À noter que l’anomalie suspecte est située dans la zone la plus graisseuse du sein, et non dans le parenchyme dense considéré comme « à risque » dans de nombreuses études. 1c. Bilan complémentaire avec cliché centré de face : confirmation d’une opacité aux contours spiculés dans le compartiment externe (adénocarcinome infiltrant).   Dans 17 études épidémiologiques de cohorte, l’incidence des cancers du sein était plus élevée dans la population aux seins denses, avec un risque relatif (RR) variable, compris entre 1,5 et 6. L’analyse de l’évaluation radiologique de la densité dans ces études montre une grande disparité. Le nombre d’incidences mammographiques réalisées en dépistage était variable. Dans certaines séries, une seule incidence était réalisée, dans d’autres 2 (tableaux 1 et 2). Or, des études ont montré la rentabilité de détection de deux incidences versus une seule. De plus, certains auteurs (Kopans et coll.) ont montré qu’une évaluation fiable et reproductible du pourcentage de tissus denses nécessite une évaluation tridimensionnelle. Les classifications de la densité étaient nombreuses. Figure 2. Une grande variation de définition « d’un sein dense » est constatée dans les études, allant de BI-RADS type 2, à BI-RADS 4. 2a. Incidence oblique droite - Densité BI-RADS type 2 de l’ACR (25 % à 50 % de tissu dense). 2b. Incidence oblique droite - Densité BI-RADS type 4 de l’ACR (> 75 % de tissu dense). Bien que des études aient utilisé la classification actuelle et usuelle de la densité du BI-RADS de l’American College of Radiolgy en 4 catégories (figure 1), d’autres ont utilisé des classifications de la densité disparates et moins reproductibles entre elles (Tabar, Wolf, classifications personnelles). La définition d’un sein dense était d’une très grande disparité, avec un seuil allant de plus de 25 % à plus de 75 % de tissus denses selon les études (figures 1a et 1b). Les catégories de densité comparées pour évaluer le risque étaient en conséquence très variables, pouvant varier de < 25 % versus > 25 %, à seins graisseux versus > 75 % (figure 2). Par ailleurs, lʼabsence de description des modalités diagnostiques dʼimagerie des cancers dans la majorité des études sous-tend que la mammographie n’a pas été la seule modalité impliquée. Ceci altère considérablement l’évaluation de l’impact de la densité mammographique en tant que facteur de risque de cancer.   L’étude nordaméricaine DMIST : une opportunité pour répondre ? Toutes les études publiées comportaient des bilans mammographiques analogiques. L’apport de la mammographie numérique en tant que tel n’a pas été analysé dans l’évaluation de la densité en tant que facteur de risque de cancer du sein, mais une vaste étude nordaméricaine permet d’en envisager le possible impact. Dans l’étude DMIST, vaste étude prospective en dépistage sur 33 sites américains et canadiens visant à évaluer la mammographie numérique versus analogique, 42 760 femmes ont été testées avec les deux technologies, en double lecture indépendante. L’âge des patientes était compris entre 47 et 62 ans. Trois variables ont été étudiées : l’âge, le statut hormonal et la densité des seins. Les auteurs ont montré en 2005 que la performance diagnostique de la mammographie numérique et analogique était, dans son ensemble, comparable, avec une supériorité de la technologie numérique en détection de cancer chez les moins de 50 ans, dans les seins denses (Bi-Rads 3 et 4), chez les femmes en pré- et périménopause. Des publications complémentaires du groupe de travail ont suivi, avec, notamment en 2008, une analyse des résultats après une nouvelle répartition en sous-groupes de la population. La densité était alors regroupée en deux catégories : groupe I (regroupant les catégories Bi-Rads 1 et 2 de l’ACR), groupe II (regroupant les catégories 3 et 4 de l’ACR). Le nombre de cancers détectés était équivalent dans les deux groupes de densité, sans surrisque dans les seins denses (tableau 3).   Densité mammaire et effet masque sur la détection des cancers La durée de suivi des cohortes de patientes variait de 3 à 19 ans dans les études analysées. Plusieurs études décrivant la densité comme facteur de risque avaient un suivi insuffisant pour révéler les potentiels faux négatifs de la mammographie. Ainsi, une étude a montré que 8 tours de dépistage (16 années) étaient nécessaires pour neutraliser l’impact de l’effet masquant en tant que biais dans l’évaluation de ce potentiel facteur de risque. Les chiffres sur l’échographie mammaire peuvent permettre de préciser l’effet masque de la densité mammographique. La mammographie permet la détection de 0,7 % de cancers (INVS rapport 2009 sur les campagnes 2005-2006). Dans la population générale, l’échographie, quand elle est couplée systématiquement à la mammographie dans les seins denses en dépistage, permet la détection de 0,3 % (0,2 à 0,4 %) de cancers supplémentaires. En d’autres termes, l’échographie en complément de la mammographie de dépistage dans les seins denses permet la détection de 20 % à 30 % de cancers supplémentaires.   En conclusion La densité mammaire reste un facteur de risque à évaluer en raison de l’absence de standardisation des investigations mammographiques dans les études et de l’absence de consensus sur la définition d’un sein dense. Les hétérogénéités d’investigations relevées influent de façon majeure sur l’évaluation de la densité en tant que facteur de risque de cancer du sein. De plus, il persiste une confusion entre la densité en tant que facteur de risque et l’effet potentiellement masquant des tissus denses sur la détection des cancers. L’apport de la mammographie numérique permettra probablement une réévaluation de la densité en tant que facteur de risque en raison d’une part de sa performance dans les seins denses, d’autre part par une évaluation quantitative des tissus denses par des logiciels dédiés.

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