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Sexologie

Publié le 12 mai 2009Lecture 4 min

Comment parler de sexualité ?

P. BRENOT Université Paris 5
L’amour ne se parle pas, il se fait. Cette affirmation a été pendant très longtemps la seule règle de l’intimité entre deux personnes, on ne parlait pas de sexualité dans l’intimité, on n’en parlait pas non plus en dehors de l’intimité et, a fortiori, à l’extérieur de l’intimité. Le sexe est un domaine à part du quotidien et même du corps dans toutes les sociétés en raison des tabous liés à l’intimité.
La Chine traditionnelle avait instauré l’habitude des « femmes-médecin », figurines d’ivoire représentant un corps féminin nu, posées sur le bureau du médecin, permettant à la femme de désigner le lieu de la souffrance pour éviter de le montrer. La « femme médecin » s’interposait ainsi avec sa nudité et évitait qu’une femme se déshabille. Il en était ainsi dans certains milieux aristocratiques et pudibonds jusqu’au XXe siècle où l’intimité et la sexualité ont commencé à être verbalisées.   Sexe interdit Nous étions donc, depuis le XVIIIe siècle surtout, dans une grande défiance à l’égard des choses du sexe, doublée d’interdits (notamment en ce qui concerne l’auto-érotisme et la masturbation), ce qui donnait à la sexualité une coloration perverse, subversive, illicite, interdite. Le sexe se faisait donc en secret et dans l’intimité de l’alcôve conjugale. Il faut tout de même rappeler que la censure en matière de sexualité écrite s’est appliquée en France jusqu’au milieu des années 1970. Nous étions dans le temps des mots interdits qui relevaient de la morale, de la décence, des convenances. En médecine, il en allait de même, le sexe ne se nommait pas sinon par figures interposées et la région génitale porte toujours le qualificatif de « région honteuse », du moins dans les dénominations de ses détails anatomiques : artères et veines honteuses ! Deux oppositions apparaissent tout d’abord en matière de sexualité entre d’une part parler et agir, d’autre part agir et ressentir. On a pris rapidement conscience que la sexualité seulement agie se faisait en général au détriment de celui, ou celle, qui ne disait mot et donc semblait consentir. C’était la porte ouverte notamment à la pression sexuelle masculine. La sexualité épanouie entre deux partenaires est aujourd’hui parlée, permettant notamment à la femme d’exprimer ses désirs, ses préférences, ses réserves, son nonconsentement. L’opposition agir/ressentir est, quant à elle, fondamentale pour comprendre certains malentendus entre hommes et femmes qui se distribuent habituellement entre un homme actif ressentant peu et une femme passive à l’écoute de ses sensations. Le partage, plutôt que l’inversion, des rôles améliore toujours la qualité du vécu intime.   Les médecins et le sexe Faut-il parler de sexualité avec ses patients ? Attendent-ils cela ? Cette interrogation très légitime trouve sa réponse dans un très beau travail fait par le Dr Michel Geffrault pour son mémoire de sexologie à l’Université Bordeaux 2 en 1994. Il lui avait été demandé de suivre un protocole très strict dans lequel il posait la question « avez-vous des difficultés sexuelles ? » à 70 nouveaux patients et de façon aléatoire dans trois situations successives : au début de l’entretien, au milieu, ou encore à la fin de l’entretien lorsque le patient lui serre la main : « Au fait, avezvous des problèmes sexuels ? ». À notre (sa) grande surprise, à l’exception de deux réticences de la part des patients, tous se sont sentis concernés, écoutés et sont revenus pour parler de leur sexualité précisant même : « Il y a longtemps que j’attendais qu’un médecin me pose cette question ». Il faut rappeler que la sexualité et les troubles sexuels ne sont pas spontanément déclarés comme toutes les autres difficultés somatoformes, qu’il faut poser directement les questions, mais avec un langage approprié, respectueux, progressif, c’est-à-dire avec tact et mesure respectant les valeurs personnelles du patient.   Pourquoi faut-il en parler ? De nombreux troubles sexuels peuvent déclencher des décompensations personnelles (réactions anxio-dépressives) ou des difficultés relationnelles (crise conjugale). Notre rôle, à nous médecins, se situe à trois niveaux : l’information pour dédramatiser les troubles fonctionnels ; le conseil pour aider et accompagner le sujet ou le couple dans ses difficultés ; le bilan et la thérapeutique pour ne pas négliger les composantes organiques des troubles sexuels. La sexualité est une dimension à part entière de l’exercice de la médecine, c’est à nous de permettre qu’elle s’exprime.

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