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Gynécologie générale

Publié le 13 nov 2007Lecture 10 min

Comment améliorer la prise en charge des IVG médicamenteuses en pratique de ville ?

L’IVG médicamenteuse est autorisée en France depuis 1989, mais elle ne pouvait être réalisée que dans des établissements de santé agréés à pratiquer des IVG, car les patientes devaient être hospitalisées pendant les 3 heures suivant la prise de misoprostol.
La loi de 2001 a autorisé les praticiens ayant signé une convention avec un centre agréé à faire des IVG, à pratiquer jusqu’à 49 jours d’aménorrhée dans leurs cabinets médicaux. Les décrets de 2002 et 2004 ont précisé les modalités d’application.
Pourquoi cette nouvelle disposition ?

 
En France, 13 ans de pratique des IVG médicamenteuses et la réalisation de 800 000 IVG ont montré qu’il n’y avait pas de raison médicale pour garder les patientes en hospitalisation de jour après le misoprostol. En Allemagne, depuis 1989, toutes les IVG médicamenteuses sont pratiquées dans les cabinets médicaux sans problème. Aussi, une loi s’appuyant sur les recommandations de l’Anaes permet, depuis 2001, aux femmes qui le souhaitent, d’avoir une IVG médicamenteuse hors des établissements de santé. Deux ans et demi après la parution du décret d’application, il est intéressant de voir en quoi la prise en charge des IVG médicamenteuses a été modifiée et les éventuelles améliorations qu’elle a pu entraîner. Cet exposé s’appuie sur une enquête rétrospective(1) menée sur 169 patientes de novembre 2004 à mars 2006 par 3 gynécologues médicaux, 2 ayant une large expérience hospitalière des IVG médicamenteuses. Cinq modalités pratiques apportées à l’IVG médicamenteuse par cette nouvelle option paraissent importantes à souligner. Bien que la technique médicale reste identique à celle des établissements de santé : J1 prise de 600 mg de mifépristone, J3 prise orale de 400 µg de misoprostol, J15/21 visite de contrôle (posologie demandée par l’Agence européenne du médicament en février 2007 jusqu’à 49 jours d’aménorrhée [JA] et rappelée par l’Afssaps)(2).   L’IVG a lieu tôt dans la grossesse Les femmes qui savent qu’elles ont pris un risque contraceptif font, dès le moindre retard de règles, très rapidement un test de grossesse et, s’il est positif, demandent un rendez-vous en urgence. La souplesse des cabinets médicaux permet de le leur donner très rapidement, le jour même de la demande parfois. Ainsi, dans notre enquête, l’âge médian de la consultation pré-IVG était de 5 semaines d’aménorrhée (SA). Le fait d’être reçues très rapidement est très apprécié par les patientes, car elles peuvent parler très vite en terrain neutre, discret et bienveillant, des problèmes et des angoisses soulevés par cette grossesse non désirée, de la décision à prendre vis-à-vis de celle-ci, mais aussi de leur culpabilité de n’avoir pas fait une contraception valable et de leur peur d’avoir à faire un « parcours du combattant », si elles décident une IVG. Du fait de cette consultation très précoce, tout en respectant le délai de réflexion de 7 jours, l’IVG elle-même a lieu tôt dans la grossesse. L’âge médian, dans notre enquête, était de 6 SA. La précocité de l’IVG est importante car les études ont montré que plus l’IVG médicamenteuse est réalisée tôt, plus son efficacité est importante(3) (< 42 JA 97,5 % de succès ; < 49 JA 95,5 %) et moins sont importantes les métrorragies. Mais cette précocité des consultations pose un problème pour les patientes avec un taux de b-hCG bas, < 1 000 unités, le sac ovulaire n’étant alors souvent pas visible à l’échographie. Faut-il attendre de voir le sac ovulaire pour commencer l’IVG afin d’éliminer la possibilité d’une GEU ou peut-on intervenir en surveillant la décroissance des b-hCG ?   La prise des médicaments devant le médecin Les médicaments achetés par le médecin doivent être pris devant lui. La prise de la mifépristone 600 mg (3 comprimés) ne pose pas de problème. La prise du misoprostol 400 µg (2 comprimés) par voie orale pose, lui, au contraire, un problème. En effet, le misoprostol agit rapidement, dans les 20 à 30 minutes après sa prise, entraînant parfois des douleurs très importantes et même l’expulsion. Aussi, pour éviter ces désagréments sur le chemin du retour, dans notre enquête, le misoprostol a été confié aux patientes pour être pris chez elles, 48 heures plus tard. En même temps, une ordonnance leur était remise pour des calmants, une contraception, une injection de Rhophylac® 200 mg si elles étaient Rh-négatif. Enfin, le numéro de téléphone du portable du médecin, du centre référent et une fiche de liaison avec le centre en cas de problème leur étaient donnés. Dans notre enquête, cette confiance n’a jamais été déçue : le misoprostol a toujours été pris à la date prévue. En outre, cette prise du misoprostol à la maison évite un déplacement, ce qui est fortement apprécié par les patientes.   La gestion par la patiente de l’« après-misoprostol » à domicile C’est le moment où apparaissent des douleurs parfois importantes, des métrorragies et l’expulsion de l’œuf. Ce moment fait peur aux patientes et… aux médecins. Cette peur n’est nullement justifiée.   Peur des hémorragies Elles sont extrêmement rares au moment de l’expulsion dans les grossesses au-dessous de 49 JA (2 aspirations sur 1 200 le jour de la prise du misoprostol à l’hôpital Broussais). En outre, elles ne sont pas cataclysmiques – les patientes ont le temps de venir en une heure à l’hôpital, comme le demande le décret.   Peur des douleurs Il est vrai qu’elles sont parfois importantes, mais les calmants utilisés à l’hôpital peuvent très bien être pris en ville.   Peur de voir le produit de l’expulsion À ces stades précoces de la grossesse, il est souvent peu reconnaissable.Mais la bonne gestion de ce moment dépend à la fois de la patiente et du médecin.   La patiente doit : – avoir eu le choix entre l’IVG chirurgicale ou médicamenteuse et pour cette dernière le choix aussi entre sa réalisation à l’hôpital ou en ville ; – avoir bien compris les explications sur le déroulement de l’IVG ; – avoir eu des consignes claires pour gérer les douleurs, les métrorragies (s’inquiéter s’il est nécessaire de changer des garnitures « nuit » toutes les 30 minutes pendant 2 heures) ; – avoir en sa possession les numéros de téléphone pour joindre son médecin ou le centre référent. Pour résumer, la patiente doit se sentir en sécurité. Il est habituel actuellement de demander la présence d’un accompagnant durant les 3 heures qui suivent la prise du misoprostol. On peut se demander si cela est bien nécessaire pour toutes les patientes.     Le médecin se doit de dissuader certaines patientes d’avoir une IVG médicamenteuse en ville, en particulier les patientes majeures vivant chez leurs parents, mais voulant garder le secret ou ne comprenant pas le français, ou incapables, ou ne voulant pas se prendre en charge. L’IVG médicamenteuse en ville ne convient pas à toutes les patientes. L’IVG médicamenteuse en ville ne convient pas à toutes les patientes. Dans notre enquête, « l’après-misoprostol » au domicile s’est bien passé. Le misoprostol a été pris correctement, il y a eu très peu d’appels téléphoniques, aucune visite non prévue chez le médecin ou au centre référent. Le taux de visites de contrôle a parfois été aussi extrêmement important (8 % de relance téléphonique, 2 patientes perdues de vue sur 169). Utilisation du dosage des b-hCG pour contrôler l’efficacité du traitement Le taux des b-hCG chute rapidement après l’expulsion. Un taux résiduel de 20 % entre le 6e et 14e jour après la prise du misoprostol(4), comparativement au taux initial, permet d’affirmer le succès de la méthode avec une fiabilité de 99,5 %. Ce dosage permet d’éviter une échographie qui peut inciter à faire des aspirations inutiles.   Le vécu de l’IVG médicamenteuse dans le cabinet médical Les patientes disent apprécier l’accueil rapide, la discrétion du cabinet médical, la prise en charge par une seule personne de l’écoute de leurs problèmes, mais aussi de toute la procédure. Elles disent avoir choisi « l’après-misoprostol » chez elles, après avoir eu des explications claires et précises sur la méthode pour avoir un cadre familier permettant une certaine autonomie et de la discrétion tout en ayant une sécurité médicale assurée. Cependant, elles soulignent souvent le fait que les antalgiques donnés n’ont pas suffi à calmer complètement leurs douleurs. Le médecin, quant à lui, doit avoir une certaine disponibilité pour recevoir très rapidement ses patientes anxieuses. Le déroulement de l’IVG elle-même lui pose peu de problèmes techniques, car la méthode est bien codifiée et sûre. En outre, il a l’assurance que ses patientes seront reçues dans un centre qu’il connaît en cas de problèmes qui sont rares. En revanche, sur le plan psychologique, les choses sont parfois un peu plus difficiles ; par exemple, comment être sûr que dissuader certaines patientes d’avoir une IVG médicamenteuse en ville est une bonne décision ? Enfin, le médecin doit savoir qu’il est responsable, et non le centre référent, sur le plan juridique. Mais il a une grande satisfaction à soulager dans de bonnes conditions physiques et psychologiques la souffrance des patientes : il n’est jamais facile de faire une IVG.    En pratique Deux ans et demi après le décret de 2004 permettant aux médecins de réaliser des IVG médicamenteuses < 49 JA dans leur cabinet, on peut souligner que cette nouvelle pratique permet :   de réaliser des IVG très précocement tout en respectant le délai de réflexion augmentant aussi l’efficacité de la méthode et évitant aux patientes une attente toujours pénible ;   d’assurer à la patiente une grande discrétion en raison de l’intimité d’un cabinet médical, et d’avoir un seul interlocuteur durant toute la procédure ;   de permettre à la patiente de faire une IVG dans un cadre familier tout en ayant une grande sécurité médicale grâce au centre référent ;   de contrôler rapidement l’efficacité de la méthode par le dosage des b-hCG et d’éviter des échographies amenant parfois à des aspirations inutiles devant de fausses images de rétention. Un pourcentage de 20 % du taux initial entre 6 et 18 jours après la prise de la mifépristone permet d’affirmer le succès de la méthode à 99,5 %. Mais cette méthode doit être choisie par la femme pour être vécue positivement. Au 1er mars 2007, 731 conventions(5) avaient été signées par 155 établissements. Au 31 décembre 2006(5), plus de 20 000 IVG médicamenteuses avaient été réalisées dans les cabinets médicaux sans qu’aucun problème lié à cette pratique n’ait été signalé. L’« après-misoprostol » à domicile doit être bien géré   La patiente doit : – l’avoir choisi après avoir été informée par écrit et par oral de la réalité de l’IVG médicamenteuse ; – connaître exactement la conduite à tenir en cas de douleur, de métrorragies importantes ; – sentir une présence médicale à travers les numéros de téléphone du médecin, et du centre référent.   Le médecin doit savoir refuser cette procédure à certaines patientes.

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