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Sexologie

Publié le 22 mai 2014Lecture 4 min

Assistance sexuelle

Philippe BRENOT, Psychiatre, Directeur des enseignements de Sexologie et Sexualité Humaine à l’université Paris Descartes
Parmi les populations en difficulté pour l’accès libre au monde et à la vie, viennent en première ligne les handicapés. Ne l’oublions pas, le handicap est fréquent, le handicap est multiple. Faut-il rappeler que la France compte plus d’1,5 million d’aveugles et malvoyants, près de 4 millions de sourds et malentendants dont certains avec une très sévère déficience auditive, 1 million d’handicapés mentaux et plus de 2 millions d’handicapés moteurs(1) pour qui la relation au monde et aux autres est limitée, voire parfois impossible, sans l’aide d’autrui.
Le domaine dans lequel cette aide est la plus problématique est celui de la relation intime et de la sexualité. Comment entrer en contact avec les autres, partenaires potentiels, lorsqu’on est aveugle, lorsqu’on ne peut se déplacer, lorsqu’on n’a pas l’autonomie de son corps et de ses sens… et comment, dans ces conditions, parvient-on à l’épanouissement sexuel ? La réponse la plus convenue, mais très hypocrite, est qu’il faudrait aux handicapés accepter leur handicap et ne rien demander : 87 % des Français estiment ainsi que vivre avec une personne en situation de handicap nécessite du courage et 61 % pensent que les personnes handicapées n’ont pas de vie sexuelle(2). Mais au nom de quoi l’épanouissement le plus intime serait-il refusé au monde du handicap ?
Handicap et sexualité Le handicap est bien défini par la loi(3) comme : « toute limitation d’activité ou de participation à la vie en société subie par une personne en raison d’une altération, durable ou définitive, des fonctions physiques, sensorielles, mentales ou psychiques ». Par des textes législatifs et des actions concertées, la société tente de rétablir une certaine « égalité des chances » entre tous les citoyens. Le droit à l’autonomie est clairement énoncé, mais qu’en est-il du droit à la sexualité, part intégrante de l’aspiration à l’amour ? Qu’en est-il du droit à la vie de couple et à la vie sexuelle en couple ? Couple et handicap semblent encore une association taboue. Parmi les atteintes corporelles qui peuvent avoir un impact direct sur la sexualité, on pense tout d’abord aux lésions neurologiques et aux troubles psychiques susceptibles de provoquer des troubles de l’érection, du désir et du plaisir chez l’homme, troubles de la libido, du plaisir et de l’orgasme chez la femme. Mais plus largement, on sait combien tous les handicaps jouent à des niveaux divers sur la complexe chaîne biopsycho- affective de l’amour, pouvant alors induire des réactions dépressives, une perte de l’estime de soi ou même de l’identité. Si le suivi sexologique a fait des progrès ces dernières années, se pose toujours de façon aiguë la question de la rencontre du partenaire. Moins d’un quart des jeunes handicapés vivant en institution ont une éventuelle relation socio-sexuelle. Et lorsqu’une relation a pu s’installer, on constate combien il leur est difficile de maintenir un lien de couple. L’assistance sexuelle Avec le handicap, on prend conscience du caractère réellement marchand de la sexualité qui apparaît comme une denrée onéreuse pour les uns, très bon marché pour d’autres, selon la condition sociale, la position dominante ou surtout le degré d’autonomie. Il ne faut pas oublier que la sexualité est en même temps une forme de communication, un rempart à la solitude, un épanouissement physique et moral et un idéal qui rejoint celui de la beauté ou encore de l’amour. Comment en est-on arrivé, pour tous ces déshérités de l’autonomie, à oublier que la sexualité fait partie de la vie ? Quand l’adulte handicapé sera-t-il enfin considéré comme un être à part entière et non comme différent ? Méconnaître la dimension affective et sexuelle, c’est encore ajouter à leur handicap. De très nombreuses associations militent pour la création de services d’accompagnement sexuel en milieu hospitalier dans un pays, la France, qui ne reconnaît pas la profession d’assistant sexuel, toujours assimilée à de la prostitution. Je reconnais que c’est une question moralement difficile. Or, l’assistance sexuelle existe dans de nombreuses nations, tout d’abord aux États-Unis (sexologist), où elle est apparue au début des années 1980, puis aux Pays-Bas et progressivement dans le nord de l’Europe, Belgique (Assistant sexuel), Danemark, Allemagne (Sexualbegleiter), Autriche (Sexualassistenz) ou encore en Suisse et en Italie. Un très beau film, The Sessions(4), sorti début mars en salles, vient nous interpeller fortement sur cette question que l’on ne peut laisser sans réponse. Il existe une réelle nécessité d’un accompagnement érotique du handicap quel qu’il soit. Notre pays, encore très traditionnel, a de grandes difficultés à accepter la sexualité selon toutes ses modalités et pour tous les individus, c’est pourquoi je plaide très fermement aujourd’hui pour une sexualité pour tous.

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