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Imagerie

Publié le 16 mar 2014Lecture 9 min

Images pièges en mammographie

B. BOYER(1,2), C. BALLEYGUIER(2), O. GRANAT(1), C. PHARABOZ(1), 1. Cabinet de radiologie, Paris, 2. Institut Gustave-Roussy, service de radiodiagnostic, Villejuif

Après avoir abordé les images subtiles dans le numéro du mois d'octobre
(n° 257), voici les images pièges ou trompeuses qui englobent les cancers ronds et les cancers vus sur une seule incidence. Ces images exposent au risque d’erreur d’interprétation : l’anomalie est détectée par le lecteur, mais jugée à tort « bénigne ».

Figure 1. Lymphome. Masse d’apparition récente à contours bien circonscrits (a) confirmés sur la pièce opératoire (b).   Figure 2. Cancer rond. Masse arrondie à contours apparemment circonscrits en oblique (a) et de face (b) : l’incidence avec compression localisée (c) apprécie mieux les contours de la masse qui sont spiculés. L’échographie retrouve une masse à contours angulés avec atténuation partielle du faisceau ultrasonore. Biopsie : carcinome tubuleux.   Figure 3. Cancer non vu en échographie. Masse ronde infracentimétrique à contours microlobulés sur l’incidence oblique (a) et sur l’agrandissement localisé (b). Bien que non retrouvée en échographie, l’anomalie ne doit pas être banalisée. Biopsie sous mammographie : carcinome canalaire infiltrant.   Figure 4. Cancer rond. Masse arrondie axillaire droite (a) faisant discuter un ganglion mais dont les contours ne sont pas circonscrits. L’incidence localisée (b) confirme les contours irréguliers. L’échographie (c) retrouve une masse ovalaire aux contours réguliers mais à contenu hétérogène : carcinome canalaire infiltrant.  Figure 6. Exploration d’une tuméfaction supéro-externe droite d’apparition récente chez une patiente de 39 ans. L’échographie montre une masse circonscrite à grand axe horizontal évoquant un adénofibrome, mais l’apparition récente et le caractère palpable incitent à proposer une biopsie échoguidée : carcinome canalaire infiltrant.  Figure 7. Cancer vu sur une seule incidence (masqué). Asymétrie de densité (flèche) visible sur l’incidence de face (a) non retrouvée sur l’incidence oblique (b) non retenue par le lecteur car visible sur une seule incidence. Un an plus tard : cancer palpable (c) (remerciements Dr M.-C. Wagnon).   Figure 8. Cancer vu sur une seule incidence (masqué). Opacité à contours spiculés bien visible de face (a) masquée par la glande sur l’incidence oblique (b). Le profil (c) et l’incidence avec compression localisée (d) confirment la masse spiculée : carcinome canalaire infiltrant.  Figure 9. Cancer vu sur une seule incidence (hors champ). Asymétrie de densité sur l’incidence oblique (a) (flèche) non retenue par le lecteur car non visible sur l’incidence de face (b) (hors champ). Deux ans plus tard (c), majoration sur l’incidence oblique de l’anomalie qui est visible de face en profondeur (flèche) : carcinome canalaire infiltrant.  Figure 10. Cancer en situation profonde (hors champ). Asymétrie de densité en projection axillaire droite (flèche), se projetant sur le pectoral, visible sur la seule incidence oblique (a) et non retenue en première lecture (hors champ sur l’incidence de face [b]). L’agrandissement réalisé après rappel (c) analyse mieux l’anomalie qui se traduit en fait par une distorsion architecturale qui sera localisée en échographie dans le prolongement axillaire : carcinome lobulaire infiltrant.  Figure 11. Cancer vu sur une seule incidence (hors champ). Opacité à contours irréguliers en région axillaire gauche (flèche), en limite de glande, visible sur l’incidence oblique (a), non retrouvée sur l’incidence de face (b), confirmée sur l’incidence oblique avec compression localisée (c). La technique de la triangulation permet de situer l’anomalie sur l’incidence de face à l’union des quadrants (d et e) : une nouvelle incidence de face dégageant mieux les plans profonds retrouve l’anomalie à l’union des quadrants supérieurs (f). Une fois l’anomalie bien située, l’échographie ciblée peut être réalisée: carcinome canalaire infiltrant.  Figure 12. Masse supéro-externe droite en incidences comparatives obliques (a) et cranio-caudale (b).  La masse est de forme grossièrement ovalaire. Bien qu’elle présente des contours  non circonscrits, elle a été classée ACR 2 après échographie normale. Deux ans plus tard, bien que l’anomalie soit peu modifiée en taille (a et b), la présence de contours irréguliers doit inciter à classer l’anomalie ACR 4 et proposer une biopsie: carcinome mucineux. Figure 13. Mammographie droite face et oblique (a) montrant une masse à contours spiculés dans le quadrant inféro-interne. Bien que l’échographie soit normale, les contours spiculés doivent faire classer le dossier ACR 5 (la modalité la plus péjorative prime). Biopsie stéréotaxique : carcinome canalaire infiltrant.     Les images pièges sont des anomalies détectées par le lecteur, mais jugées à tort bénignes : 4 principales raisons peuvent être à l’origine de ces erreurs de détection : – on est en présence d’un cancer rond, d’apparence bénigne ; – l’anomalie n’est visible que sur une seule incidence ; – l’anomalie est stable par rapport à l’examen antérieur ; – l’anomalie n’est pas retrouvée en échographie. Les cancers ronds La mise en évidence de masses de forme ronde constitue une situation très fréquente, ces anomalies correspondant le plus souvent à des anomalies bénignes, mais parfois à des cancers dont le diagnostic va être difficile. C’est la première cause d’erreur d’interprétation selon Bird(1) (tableau), l’anomalie ayant été jugée bénigne du fait de ses contours considérés à tort comme circonscrits. Fréquence Les cancers ronds sont le plus souvent des cancers colloïdes qui représentent environ 2 % des cancers du sein(2). Les cancers colloïdes peuvent être purs ou mixtes : si les formes mixtes présentent en général un aspect similaire aux autres cancers infiltrants avec des contours flous ou spiculés, les formes pures sont plus trompeuses car, du fait de l’absence de stroma réaction, leurs contours sont réguliers. Les autres cancers ronds sont plus rares : cancers médullaires, lymphomes (figure 1). Conduite à tenir L’échographie va être déterminante dans la conduite à tenir, la découverte d’un kyste simple (25 % des cas)(3) permettant de reclasser l’anomalie en ACR 2. Mais il est nécessaire au préalable de préciser la sémiologie mammographique de la masse, notamment d’apprécier les contours dont les caractéristiques vont guider la conduite à tenir (encadré) lorsque la lésion est solide en échographie ou qu’elle n’est pas retrouvée, ce qui peut être le cas pour les petites lésions siégeant en milieu graisseux (figure 2). Contours d’une masse en mammographie. Circonscrits ou nets Échographie Masqués Échographie Microlobulés Biopsie Indistincts ou flous Biopsie Spiculés Biopsie  Incidences complémentaires – Les contours sont non circonscrits Si la masse présente des contours microlobulés, indistincts ou spiculés, elle devra faire l’objet d’une biopsie, même si elle n’est pas retrouvée en échographie (figure 3). – Les contours sont bien circonscrits Si la masse présente des contours bien circonscrits, on recherchera les autres éléments suspects : – topographie atypique : zones interdites de Tabar(4) (voie lactée, graisse rétroglandulaire, quadrants internes) ; – modification de taille ; – microcalcifications associées. À l’inverse, la présence au sein de la masse de macrocalcifications périphériques (fibroadénome) ou de graisse va permettre d’affirmer la bénignité de la lésion qui ne nécessitera donc pas de surveillance. L’éventualité la plus fréquente d’une lésion à contenu graisseux est celle d’un ganglion intramammaire (contours réniformes et encoche centrale). Sa taille est le plus souvent infracentimétrique et il siège habituellement dans les quadrants supéro-externes. Il faudra néanmoins être rigoureux dans l’analyse sémiologique des masses rondes supéro-externes afin de ne pas porter par excès le diagnostic de ganglion (figure 4). Les autres causes de masse à contenu graisseux sont le lipome, l’hamartome (adénofibrolipome), le galactocèle et le kyste huileux. Échographie En l’absence de graisse, l’échographie est nécessaire : elle va chercher à faire la distinction entre les kystes et les masses solides. Figure 5. Masse de forme et de contours irréguliers du quadrant supéro-externe droit jugée stable et classée BIRADS 2. Cependant la sémiologie (forme et contours irréguliers) justifie le classement BIRADS 4 : carcinome colloïde.   – Les kystes On distingue les kystes simples, complexes et compliqués. Les kystes simples sont faciles à reconnaître et ne nécessitent pas de surveillance (ACR 2). Les kystes complexes sont des kystes présentant des parois irrégulières, des cloisons internes épaisses ou des végétations pariétales : la cytoponction peut être proposée sans vider totalement le kyste, ou la biopsie d’emblée, notamment s’il existe une végétation (figure 5). Les kystes compliqués sont faiblement échogènes en raison d’un contenu épais et leur nature liquidienne va être difficile à affirmer. L’élastographie, grâce à son excellente valeur prédictive négative(5) pourrait permettre en cas de doute d’éviter une biopsie et se contenter d’une surveillance. – Les masses solides L’échographie devra distinguer, parmi les masses solides, les fibroadénomes et les cancers « ronds ». Si les éléments en faveur de la bénignité d’une lésion solide sont réunis (encadré ci-dessous) et qu’il n’y a pas d’anomalie clinique, la surveillance échographique à 4 mois peut être proposée puis à 1 et 2 ans avant de reclasser la lésion ACR 2. Critères de bénignité des masses solides en échographie. . Forme ovale à grand axe horizontal . Contours circonscrits ou présentant moins de 3 lobulations . Présence d’une capsule fine et lisse . Contenu hyperéchogène et homogène Si la lésion est palpable ou qu’elle présente un seul des caractères suspects en échographie (encadré ci-dessous), elle sera biopsiée d’emblée (figure 6). Critères de suspicion en échographie. Signes de surface . Spicules ou halo épais . Contours angulés . MicrolobulationsSignes de forme . Grand axe vertical . Extension canalaire . Branchement Signes de structure interne . Atténuation partielle ou totale . Hypoéchogénicité (par rapport à la graisse sous-cutanée) . Calcifications Cancers visibles sur une seule incidence Cette situation difficile constitue la deuxième cause d’erreur d’interprétation dans la détection des cancers infracliniques(1). Il peut s’agir d’une opacité, d’une distorsion architecturale ou d’une asymétrie de densité (figure 7), beaucoup plus rarement d’un foyer de microcalcifications. Fréquence Elle a été évaluée dans une étude rétrospective suisse(6) : sur 284 cancers dépistés, 27, soit 9,5 % des cancers, n’étaient vus que sur une seule incidence ; 60 % n’étaient visibles que sur l’incidence oblique, 40 % visibles seulement sur l’incidence crânio-caudale. Deux causes de non-visibilité sont retenues(6) : – soit la lésion est masquée par la glande sur l’autre incidence (deux tiers des cas) (figure 8) ; – soit la lésion est hors champ (un tiers des cas) (figure 9). Lorsque la lésion n’est visible que de face, elle est le plus souvent masquée en oblique, alors que quand elle n’est visible qu’en oblique, elle siège dans la grande majorité des cas en projection du pectoral et se situe le plus souvent hors champ sur l’incidence de face (figure 10). Conduite à tenir Avant de « banaliser » l’anomalie, il convient d’abord de préciser si l’anomalie est construite. Si elle persiste après compression localisée, on mesurera la distance au mamelon, puis on reportera cette distance sur l’autre incidence pour préciser si le sein est bien exploré à cette distance. En réalisant un profil, la technique de la triangulation(7,8) permettra de situer le quadrant où est localisée l’anomalie et de cibler l’échographie à la recherche de l’anomalie (figure 11). Les anomalies stables Une anomalie stable en mammographie ne doit pas être banalisée si sa sémiologie est suspecte : la sémiologie prime en effet sur la stabilité (figure 12). Les anomalies mammographiques non retrouvées en échographie Elles ne doivent pas être banalisées, certains cancers étant difficiles à retrouver en échographie, soit du fait de leur situation profonde, soit surtout parce qu’ils se situent dans un environnement graisseux. S’il s’agit d’une distorsion architecturale, nous avons vu qu’elle devait être classée ACR 4, quels que soient les résultats de l’échographie, et faire l’objet d’une biopsie chirurgicale. S’il s’agit d’une masse, ce sont les contours de la masse qui vont guider la conduite à tenir (encadré). La tomosynthèse devrait, dans l’avenir, permettre une évaluation plus aisée des contours des masses et faciliter la conduite à tenir(9). En cas de contours circonscrits, la masse sera classée ACR 3 et surveillée à 4 mois. En cas de contours irréguliers (ACR 4) (figure 3) et a fortiori en cas de contours spiculés (ACR 5) (figure 13), la masse fera l’objet d’une biopsie stéréotaxique. Conclusion Les formes subtiles ou trompeuses de cancers sont difficiles à détecter car elles se manifestent sous forme d’images aspécifiques qui ne peuvent pas toujours être retenues comme suspectes lors du bilan mammographique : leur détection systématique conduirait à un taux élevé de faux positifs rendant délétère le dépistage. Néanmoins, une conduite à tenir rigoureuse devant ce type d’anomalie trompeuse s’appuyant sur la classification BIRADS de l’ACR limitera les risques d’erreurs d’interprétation et à l’opposé de vérifications biopsiques inutiles.

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