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Contraception

Publié le 18 aoû 2013Lecture 11 min

Contraception et masse osseuse

P. KHALIFA, Paris
Le capital osseux acquis à l’âge adulte et la perte osseuse préménopausique sont des facteurs déterminants du risque d’ostéoporose chez la femme ménopausée. En dehors des facteurs génétiques, interviennent, dans la phase préménopausique, l’activité physique, les habitudes nutritionnelles, les affections intercurrentes (hypogonadisme, endocrinopathie, immobilisation, etc.) et certains traitements comme la corticothérapie, les agonistes de la GnRH et les hormones thyroïdiennes. Mais quel est l’effet de la contraception ?
L’évaluation de l’effet osseux des contraceptions est complexe   Les raisons en sont multiples : l’impossibilité de faire dans ce domaine des études contre placebo, voire contre un produit de référence, l’hétérogénéité de la population étudiée et l’effet confondant de nombreux facteurs comme l’âge, le poids, le tabagisme ou l’état nutritionnel. Une revue Cochrane de 2009 n’a retenu que 13 études randomisées, les autres étant des études rétrospectives, transversales, ou prospectives mais de méthodologie critiquable, en raison de l’hétérogénéité de la contraception étudiée (produit, dose, durée), des groupes comparés (âge, poids, activité physique, état nutritionnel, traitements associés), de la durée de suivi, du nombre réduit de patientes incluses et élevé de patientes perdues de vue(1). Une seule étude avait les fractures comme critère principal d’évaluation, la quasi-totalité des études ne s’intéressant qu’aux marqueurs intermédiaires, DMO et marqueurs osseux !   Les contraceptions orales combinées estroprogestatives (COC) n’affectent pas significativement la masse osseuse   Les études randomisées comparant deux COC ne montrent pas d’effet significatif sur la DMO de la dose d’éthinylestradiol (EE)(2-4), ni du progestatif utilisé(5). Les résultats discordants de plusieurs études rétrospectives et/ou prospectives mais non randomisées font cependant penser que, derrière cette neutralité apparente, se cachent des situations différentes selon qu’il s’agit de femmes jeunes, en phase d’acquisition du pic de masse osseuse, de patientes âgées de plus de 25 ans ou de patientes en périménopause(6). Avant l’acquisition du pic de masse osseuse, la COC pourrait avoir un effet délétère   Dans une étude comparant la COC à un groupe contrôle chez 200 jeunes Italiennes âgées de 19 à 23 ans, la DMO lombaire à 5 ans est supérieure de 8 % chez les témoins(7). Dans une autre étude chez 248 jeunes Allemandes âgées de 18 à 24 ans, une COC introduite moins de 3 ans après les premières règles et prise plus de 2 ans est associée à une baisse de 5 % (p < 0,001) de la DMO lombaire, de 10 % (p < 0,001) de la DMO fémorale, de 7 % (p < 0,05) du contenu minéral osseux (CMO) tibial distal et de 6 % (p < 0,05) du CMO tibial diaphysaire comparativement à un groupe témoin(8). La durée de la COC joue cependant un rôle : un effet osseux moindre a été rapporté chez 122 adolescentes âgées de 12 à 19 ans recevant une COC pendant 4 ans comparées à celles recevant une COC de 1 à 2 ans(9). La dose d’EE dans la COC semble avoir moins d’influence à cet âge. L’effet sur la DMO à 1 an n’est pas significativement différent chez 92 adolescentes âgées de 16 à 19 ans recevant une dose basse (30 μg) ou ultra-basse (15 μg) d’EE(10). Dans une étude transversale récente menée chez 606 femmes âgées de 14 à 30 ans, dont 389 femmes sous COC et 217 femmes témoins, aucune différence significative en ce qui concerne la DMO n’a été observée chez les femmes de moins de 18 ans (50 % de la population) recevant une dose basse (< 30 μg) d’EE alors que, chez les femmes âgées de 19 à 30 ans, une DMO plus basse était notée à la hanche, au rachis lombaire et au corps entier (p = 0,02, 0,003 et 0,002, respectivement) chez celles recevant une dose basse d’EE comparées aux témoins(11).   En pratique, l’absence d’essais randomisés ne permet pas d’apprécier la dose optimale d’EE sur le plan osseux chez les adolescentes nécessitant une COC orale(12). Après 25 ans, la COC pourrait avoir un effet neutre ou favorable   Une métaanalyse de 13 études analysant l’effet sur la DMO des COC retrouve 9 essais positifs et 4 essais neutres(13). Dans une étude française chez 208 patientes de la cohorte OFELY, âgées de 35 à 49 ans, comparant 52 femmes sous COC à un groupe témoin de 156 femmes, aucune différence significative n’a été observée entre les deux groupes en ce qui concerne les DMO lombaire, fémorale et corps entier(14). A contrario, une augmentation de 3,3 % de la DMO lombaire sans différence significative au fémur et au corps entier a été observée chez 710 Américaines âgées de 20 à 69 ans exposées aux COC comparées à des patientes témoins(15).   La COC n’a pas d’effet démontré sur le risque de fracture ostéoporotique   Les études sont rares et leurs résultats discordants. Dans une cohorte de 46 000 femmes, le risque de fractures était plus élevé chez les femmes ayant reçu une contraception orale (RR : 1,20 ; IC 95 % : 1,08-1,34)(16). Dans une autre étude chez 17 032 femmes, dont 1 308 ont eu au moins une fracture pendant le suivi, une augmentation faible mais significative (p < 0,001) du risque de fracture a été observée chez les femmes ayant reçu une contraception orale, le risque le plus élevé (RR : 1,3 ; IC : 1,1-1,5) étant observé chez les utilisatrices les plus récentes(17). Dans une étude cas-témoins (64 548 cas, 193 641 témoins), il n’a pas été observé d’association entre la prise de COC et le risque de fracture ; une légère augmentation du risque (RR : 1,1-1,5) a cependant été observée dans le groupe recevant de faibles doses (< 1 cp/j ou des doses intermittentes)(18). A contrario, dans l’étude EVOS, l’usage d’une contraception orale a été associée à une protection vis-à-vis du risque de fracture (RR : 0,76; IC : 0,58- 0,99), attribuée à la prise d’une COC à dose relativement élevée d’EE par le passé(19).   Contraceptions progestatives   Les effets de la contraception progestative pure sur la masse osseuse dépendent de la dose et de la voie d’administration   Les études consacrées aux effets osseux de la contraception progestative ont des résultats pour le moins contradictoires. In vitro, un certain nombre de données suggèrent un effet bénéfique des progestatifs sur l’os : une prolifération des ostéoblastes humains, l’induction d’IGF-II ou l’inhibition de l’expression d’IL-6. Pour d'autres, au contraire, par le biais de son influence sur le taux d’estradiol plasmatique et les sécrétions hypophysaires, la contraception progestative pure pourrait contrebalancer les effets positifs de l'estradiol sur l’os et sur la production de calcitriol, et gêner l’ostéoformation.   La contraception injectable macroprogestative est délétère pour l’os L’acétate de médroxyprogestérone (DMPA) a été le contraceptif le plus étudié sur le plan osseux. Il n’est pas converti en métabolites à activité estrogénique et n’a pas d’effet androgénique notable, contrairement aux progestatifs dérivés des norstéroïdes. Dans les études longitudinales, la DMO baisse d’1 % par an environ sous DMPA à raison d’une ampoule IM tous les 3 mois comparativement aux témoins. La perte osseuse semble plus importante la première année, moindre ensuite. Dans une étude prospective chez 155 femmes américaines âgées de 18 à 33 ans, une baisse de 2,74 % de la DMO lombaire à 1 an a été observée dans le groupe DMPA vs une baisse de 0,37 % dans le groupe contrôle (p = 0,01) et un gain de 2,33 % dans le groupe noréthindrone 1 mg/EE 35 μg (p = 0,01 vs contrôle) et de 0,33 % dans le groupe désogestrel 0,15 mg/EE 30 μg (DNS vs contrôle). À 2 ans, la baisse de la DMO lombaire est de 5,7 % sous DMPA vs un gain de 1,8 % dans le groupe contrôle (p = 0,01) et une baisse de 1,53 % dans le groupe noréthindrone et de 2,6 % dans le groupe désogestrel (DNS vs contrôle)(20). Dans une autre étude où le traitement par DMPA était initié, une réduction importante de la DMO, de l’ordre de 2-3 % par an, a été notée(21). Les études transversales montrent que le DMPA est associé à une diminution modérée de la DMO lombaire (baisse du Z-score comprise entre - 0,5 et 1 DS) sans réduction significative des DMO fémorale et radiale(22,23). Dans une autre étude, la DMO a baissé de 2,7 % au rachis lombaire, de 4,1 % à la hanche et de 3,9 % au col fémoral (p < 0,001), mais 60 semaines après l’arrêt du traitement, la DMO lombaire mais non fémorale, augmente pour rejoindre, voire dépasser, celle des femmes non traitées(24). La baisse des DMO lombaire et fémorale est plus marquée chez les femmes de moins de 21 ans(25,26). L’association à un estrogène réduit les effets délétères du DMPA sur l’os. Dans une étude randomisée contre placebo menée en Nouvelle-Zélande, chez 38 patientes âgées de moins de 45 ans, une augmentation de 1 % de la DMO lombaire à 2 ans est observée dans le groupe recevant du DMPA associé aux estrogènes conjugués équins (ECE) à la dose de 62,5 μg/j contre une baisse de 2,6 % dans le groupe recevant le DMPA associé à un placebo(27). Dans une autre étude randomisée chez 123 femmes américaines âgées de 12 à 18 ans, une baisse significative de la DMO lombaire et fémorale (p < 0,001) est observée à 12 et à 24 mois sous DMPA associé au placebo comparé au DMPA associé au cypionate d’estradiol à la dose de 5 mg par mois en IM(28).   Les effets osseux de la contraception orale progestative pure sont mal connus   Plusieurs études rapportent une réduction du taux plasmatique d’estradiol sous l’effet des macroprogestatifs per os, mais il est difficile d’extrapoler sur leurs effets osseux. Aucune publication n’a porté à ce jour sur les effets osseux de la contraception microprogestative par désogestrel, lévonorgestel ou noréthistérone. Cependant, ses effets mineurs sur l’estradiolémie rendent très improbable un retentissement osseux significatif.   La contraception progestative implantable n’a pas d’effet délétère osseux démontré La contraception progestative implantable est intéressante chez les patientes ayant une contre-indication à la contraception estroprogestative. Si une aménorrhée s’observe dans 20 % des cas, l’activité estrogénique n’est pas complètement supprimée et les concentrations moyennes d’estradiolémie restent au-dessus du niveau observé en phase folliculaire précoce. Dans une étude randomisée chez 111 Brésiliennes âgées de 19 à 43 ans, une baisse de 3,75 % et de 3,36 % de la DMO diaphysaire cubitale (!), sans différence significative au radius distal, a été observée à 18 mois sous implant à l’étonogestrel et sous implant au lévonorgestrel(29). Dans une étude ouverte chez 22 Suédoises âgées de 20 à 45 ans, une augmentation de 2,94 % de la DMO au poignet a été observée dans le groupe sous implant au lévonorgestrel contre une baisse de 0,41 % dans le groupe sous DMPA(30). Dans une étude ouverte comparant l’implant à l’étonorgestrel dosé à 68 mg d’étonogestrel à un dispositif intra-utérin chez 73 femmes finlandaises âgées de 18 à 40 ans, aucune variation significative de la DMO lombaire, fémorale et radiale à 2 ans n’a été observée entre les deux groupes(31). La durée de suivi dans ces deux études était insuffisante. A contrario, dans une étude transversale menée chez 100 femmes Thaï, la DMO au poignet était significativement plus basse chez les femmes sous implant à l’étonorgestrel pendant une durée moyenne de 32,8 ± 6,3 mois comparativement à celle du groupe contrôle(32). Une étude randomisée chez 148 femmes argentines âgées de 38 à 50 ans a comparé le dispositif intra-utérin (DIU au cuivre) à une COC en 1 injection IM mensuelle associant énanthate de noréthistérone 50 mg et valérate d’estradiol 5 mg. Si aucune variation significative de la DMO n’a été observée entre les deux groupes, plus de 50 % et de 75 % des patientes étaient perdues de vue à 1 an et à 2 ans(33) !  Le dispositif intrautérin LNG-IUS contenant 52 mg de lévonorgestrel n’a pas fait l’objet d’études quant à son retentissement osseux.   La contraception progestative n’a pas d’effet démontré sur le risque de fracture ostéoporotique   Il n’existe aucun argument direct pour considérer la contraception progestative comme un facteur de risque de fracture. Une seule étude a retrouvé une augmentation du risque, mais il s’agissait de fractures du métatarse, non considérées comme des fractures ostéoporotiques(34).

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