Obstétrique
Publié le 30 avr 2025Lecture 4 min
Prévention des hémorragies du post-partum et acide tranexamique

Du fait de ses propriétés anti‐fibrinolytiques, il paraît logique d’inclure l’acide tranexamique (aTRAN) dans l’arsenal des moyens utilisés dans la lutte contre les hémorragies du post‐partum (HPP) immédiat. Son mécanisme d’action repose sur sa liaison avec la plasmine dont l’action normale est de dissoudre le caillot. La fibrinolyse est ainsi bloquée. Mais son efficacité en la circonstance reste discutée, comme sa stratégie d’utilisation. Faut‐il l’utiliser de manière préventive, systématique, dès l’accouchement, ou le réserver aux situations où une HPP survient ? Autre question : y a‐t‐il des sous‐groupes de situations cliniques présentant des spécificités d’indication ?
Plusieurs investigations cliniques ont déjà été menées pour tenter de préciser ces points. Pour clarifier le débat, Katharine Ker et coll. ont réalisé une méta‐analyse des essais publiés évaluant l’efficacité de l’aTRAN en post‐partum. Les publications utilisées pour l’analyse ont fait l’objet d’une sélection stricte : seuls ont été retenus les essais enregistrés de manière prospective, contrôlés avec placebo, de taille suffisante (≥ 500 femmes), et bénéficiant d’une technique de randomisation correcte. Le travail de méta‐ analyse a été mené, à chaque fois que possible, sur les données individuelles des femmes.
Cinq essais ont été retenus, incluant 54 393 femmes. Dans toutes ces études, la posologie d’aTRAN utilisée est de 1 g par voie intraveineuse. Les critères de jugement portent sur l’efficacité et la sécurité de l’administration.
Études retenues
(tableau 1)
D’après l’essai mené par les Woman Trial collaborators (2017), l’administration d’aTRAN quand un diagnostic d’HPP est posé permet une diminution des morts maternelles. La diminution est de près de 30 % lorsque l’injection a lieu dans les 3 heures de la naissance. Selon les résultats d'un essai mené par L. Sentilhes et coll. en 2018, l’administration systématique après une naissance par voie vaginale ne s’accompagne pas de diminution du taux d’hémorragies d’abondance > 500 mL. En cas de naissance par césarienne, l’efficacité de l’administration systématique d’aTRAN lors du clampage du cordon a fait l’objet de résultats divergents : diminution de près de 15 % du critère composite utilisé (taux d’hémorragie > 1 000 mL ou nécessité de transfusion) dans l’étude française publiée par L. Sentilhes et coll. en 2021; à l’inverse, une absence de bénéfices sur le critère composite « mort maternelle ou nécessité de transfusion » est rapportée par l’étude américaine menée par L.D. Pacheco et coll. (2023).
Métaanalyse
• Efficacité
Le critère de jugement principal d’efficacité est la survenue d’un «saignement susceptible de mettre en péril la vie de la femme ». Il s’agit d’un critère composite, incluant le décès et toute intervention chirurgicale destinée à corriger l’hémorragie et réalisée dans les 24 heures de la naissance. Le résultat global est une réduction de plus de 20 % de survenue du critère composite pour les patientes traitées par aTRAN. L’odds ratio correspondant est de 0,77 (IC 95 % = 0,63‐0,93, p = 0,008). La baisse de la mortalité dans les 24 heures de l’accouchement observée dans le groupe traité est d’amplitude similaire.
Des analyses par sous‐groupes selon la situation clinique ont également été réalisées. L’efficacité de l’aTRAN a été comparée selon le mode d’accouchement (voie basse vs césarienne) ; l’existence ou non d’une anémie préexistante (taux d’hémoglobine ≤ 9,9 g/dL); le moment d’administration (systématique ou seulement après un diagnostic d’HPP) ; enfin l’existence ou non d’un « facteur de risque d’HPP ». Ce dernier paramètre a été évalué à l’aide d’un modèle pronostic développé par les auteurs de la méta‐analyse. Pour aucune de ces situations cliniques examinées, les données ne mettent en évidence de différence d’efficacité.
• Sécurité d’utilisation
Le critère de jugement principal concernant la sécurité d’utilisation repose sur le repérage des complications thromboemboliques, artérielles ou veineuses, mortelles ou non, relevées pendant la durée de la surveillance. Leur taux ne diffère pas entre femmes ayant reçu de l’aTRAN et femmes du groupe témoin. L’absence de différence se retrouve lorsque l’analyse est faite par sous‐groupes de situation clinique. Les auteurs soulignent cependant qu’en raison de la rareté de ces complications une augmentation modeste pourrait échapper à l’analyse.
• Évaluation quantitative du bénéfice
Chez les femmes à faible risque d’hémorragie (dont on peut estimer le nombre ≤ 1/100 000 parturientes), il faudrait traiter plusieurs milliers de femmes pour éviter la survenue d’une hémorragie susceptible de causer un risque vital. En revanche, chez les femmes chez lesquelles le risque est élevé (environ ≥ 1/100 000 parturientes), le nombre de sujets à traiter pour éviter une hémorragie pouvant entraîner un risque vital est inférieur à 500.
En conclusion
Les résultats de la méta‐analyse montrent donc que, globalement, l’aTRAN diminue le taux de saignements du post‐partum susceptibles de mettre en péril la vie de la femme. Mais en dehors des situations où un HPP est diagnostiqué, il ne paraît pas y avoir d’intérêt à l’utiliser de manière systématique en raison d’une balance de risque défavorable. Il semble néanmoins intéressant de moduler l’indication en fonction du niveau de risque des accouchées de présenter une hémorragie pouvant entraîner un risque vital.
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