Publié le 31 mar 2025Lecture 4 min
La gestion de l’épilepsie chez la femme à la ménopause
Catherine FABER, d’après la communication de Gabriel André (Strasbourg)

Chez environ 40 % des femmes épileptiques, les variations hormonales au cours du cycle menstruel influent sur la fréquence des crises. À la ménopause, la discussion de son traitement hormonal fait partie de la démarche de prise en charge des patientes.
La recrudescence des crises épileptiques en fonction du cycle, qui caractérise l’épilepsie cataméniale, est liée à l’augmentation de l’estradiol en période péri‐ovulatoire et à la chute de la progestérone. Cette dernière, plus précisément ses métabolites 3α, 5α (tétrahydroprogestérone [THP] ou alloprégnanolone), entraîne une activation du récepteur GABA, le principal médiateur de l’inhibition cérébrale. Elle a un effet freinateur alors que l’estradiol active le récepteur NMDA du glutamate, un neurotransmetteur excitateur. Les médicaments anti-épileptiques (MAE) agissent en stimulant le récepteur du GABA – le plus souvent – ou en diminuant l’effet du NMDA. La plupart d’entre eux sont anti-estrogènes. Il faut aussi noter le potentiel thérapeutique dans l’épilepsie des progestatifs, qui ont une activité anti-gonadotrope et diminuent l’estradiol, et du letrozole, qui inhibe la biosynthèse des estrogènes. Le ganaxolone, THP de longue durée, a obtenu récemment une AMM pour le traitement d’une épilepsie génétique de la première enfance (encéphalopathie épileptique liée à CDKL). Quant à l’acétate de médroxyprogestérone (MPA), il diminue la 3 alpha‐hydroxylase, donc la THP, et de ce fait peut contribuer à l’exacerbation des crises épileptiques.
Contraception hormonale et MAE
Il a été montré que l’éthinylestradiol, mais pas les progestatifs, réduit la concentration plasmatique de la lamotrigine (LAMICTAL®)(1). Ce MAE est métabolisé majoritairement (74 %) par l’uridine diphosphate‐glucuronosyltransférase (UGT) dont on sait qu’elle est induite par les estrogènes (éthinylestradiol ou estradiol). Une augmentation importante des concentrations de lamotrigine peut être observée durant la semaine entre deux plaquettes contraceptives. Le surdosage de lamotrigine après l’arrêt d’une contraception estroprogestaive ou d’un traitement hormonal de la ménopause (THM) se traduit cliniquement par une vision floue, des vertiges, une sensation ébrieuse, des difficultés de concentration. La patente doit être prévenue. Son information est essentielle dans le contexte où la lamotrigine est l’un des traitements recommandés en première intention chez la femme en période d’activité génitale, car le risque de malformations congénitales majeures associé à sa prise est minimum(2). Enfin, contrairement aux MAE non inducteurs enzymatiques, dont la lamotrigine, les MAE inducteurs entraînent une diminution de la concentration plasmatique de l’éthinylestradiol et du progestatif et, par conséquent, de l’efficacité de la contraception hormonale.
Ménopause, THM et épilepsie
L’âge de la ménopause chez les femmes épileptiques est plus précoce que dans la population générale et inversement proportionnel à la durée de la maladie et à la fréquence des crises. Plus les crises sont fréquentes et la prise d’anti-épileptiques est longue, plus la ménopause est précoce. C’est ce que montre une étude dans laquelle la ménopause est survenue en moyenne à 46,7 ans lorsque l’épilepsie évoluait depuis au moins 20 ans et se manifestait par une crise par mois ou plus, et à 49,9 ans, quand sa durée était inférieure(3). Globalement, la ménopause ne s’accompagne pas d’une diminution des crises(4). Le risque osseux est l’un des premiers arguments en faveur du THM chez les patientes épileptiques. On a en effet observé que la prise d’un MAE double le risque de fractures non traumatiques (chez les sujets des deux sexes âgés de 50 ans ou plus), et que la majorité de ces fractures surviennent en dehors des crises épileptiques(5). Les mécanismes potentiels de la perte osseuse sous MAE incluent notamment leur effet anti-estrogène. Outre la ménopause prématurée, d’autres raisons justifient de proposer un THM comme les troubles psychiques ou cognitifs apparaissant en période ménopausique, la baisse de la libido sur laquelle certains MAE ont eux‐mêmes un impact négatif, le risque cardiovasculaire… La littérature rapportant des données sur le danger du THM pour l’épilepsie proviennent d’études observationnelles de méthodologie très critiquable et d’une seule étude randomisée versus placebo aux limites méthodologiques importantes(6). Ce travail a mis en évidence une réactivation des crises, avec un effet dose, mais chez des patientes prenant un THM associant estrogènes conjugués équins (ECE) et MPA. Ses auteurs se sont également heurtés à un problème de recrutement lié à la publication contemporaine des résultats de l’étude WHI : 21 patentes ont été incluses sur un total de 120 prévues à l’origine.
De plus, l’étude concernait exclusivement les épilepsies focales, ne s’est déroulée que sur 84 jours et deux femmes étaient sous lamotrigine !
La carence en estrogènes chez les femmes épileptiques est profonde, et son retentissement en ménopause est particulièrement dommageable, alors que leur qualité de vie est déjà trop souvent désastreuse. Il n’y a donc aucune raison de leur refuser un THM, en privilégiant la progestérone naturelle per os (200 mg/j) et les estrogènes transdermiques à la dose minimum efficace, en traitement combiné continu. À la différence du THM, des ECE et du MPA, l’estradiol transdermique a un effet anti‐inflammatoire et la progestérone naturelle augmente la THP. Cette association protège ainsi le système nerveux central de la femme épileptique.
D’après la communication de Gabriel André (Strasbourg) lors de la session « Les cas cliniques autour de la ménopause ».
Congrès GEMVi, novembre 2024.
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